Un millénaire aurait dû être nécessaire à l’atmosphère pour se laver des poussières et des substances chimiques, aux forêts primitives pour prendre racine, aux rampants et fouisseurs pour renaître et se nicher dans l’un des vides laissés par l’holocauste de millions d’espèces, au moment où dix-neuf objets volants s’étaient écrasés contre le Jardin.
Au lieu de cela, les sondes orbitales déclenchèrent des pluies diluviennes et canalisèrent la chaleur du soleil vers la troposphère pour la nettoyer, les drones lancés à basse altitude larguant de leur côté, dans toutes les eaux du globe, des cargaisons de bactéries chargées d’absorber les retombées toxiques, qui n’épargnaient aucune surface.
Peu de temps après, les drones et les sacrifiables entamaient leur nouvelle mission : planter la végétation terrestre partout où les précipitations et les températures le permettaient. Insectes et petits animaux firent rapidement leur apparition pour la polliniser et la propager tandis que dans les océans, les poissons et autres créatures marines issues de la Terre engloutissaient les espèces indigènes.
L’albédo du monde, modifié sous l’action combinée de la prolifération de plantes sombres et de l’évaporation des derniers nuages blancs, donna naissance à une multitude de nouveaux habitats et, en un temps record, la faune chordée terrestre reprenait ses droits sur une terre virginale, dépourvue d’humains, moins en danger sur le Jardin qu’au cours de leurs dix mille dernières années de vie terrestre.
Sur cette Nouvelle Terre, quelques espèces animales et végétales primitives du Jardin refirent surface. La plupart ne survécurent pas à la compétition avec les espèces terrestres, hormis celles capables de métaboliser d’une manière ou d’une autre les familles étrangères de protéines ou de vivoter sur les ressources indigènes restantes.
Le monde était encore loin d’être au complet. De petites meutes prospéraient, et de petits carnassiers ou charognards avec eux mais, faute de populations suffisantes, les sacrifiables se gardaient de relâcher les vrais prédateurs. Leur but était que, à proximité directe de chaque vaisseau enfoui, des plantes et des animaux de chaque espèce se développent et créent un écosystème viable, que les humains pourraient ensuite exploiter à volonté.
Enfouis sous des millions de tonnes de roche fracturée et de terre, avec pour seul lien avec l’extérieur un tunnel braqué vers les sondes orbitales, les ordinateurs de bord de chaque vaisseau se mirent à œuvrer pour créer ces champs de répulsion que l’imaginaire collectif désignerait plus tard sous le nom de Murs. Ils dessinèrent les frontières de manière que chaque entremur dispose d’une variété de terrains suffisamment riche pour que leurs populations puissent y vivre dix mille ans sans se sentir à l’étroit.
Entre-temps, les sacrifiables et les ordinateurs commenceraient leur compte à rebours vers le moment fatidique de leur périlleux retour à la case départ – soit 11 191 années après avoir fait un saut de 11 191 ans en arrière. Ils pourraient alors à nouveau lever les yeux vers le ciel, et vers d’éventuels vaisseaux humains lancés à leur recherche.
Qu’accompliraient les humains, que deviendraient-ils pendant ces millénaires sur le Jardin ? Et comment se solderait leur première rencontre avec les humains de la Terre ? À en croire l’Histoire humaine, par une colonisation, une guerre ou l’esclavagisme.
Il relevait de la responsabilité des sacrifiables de s’assurer que le Jardin était capable de se protéger lui-même et de protéger ses richesses, avant l’arrivée de la vieille race humaine originelle. Mais aucune des sociétés du Jardin ne serait autorisée à acquérir un niveau technologique suffisant pour comprendre – et a fortiori contrôler – la mécanique des Murs.
Pour ce faire, une fois les colons endormis relâchés dans la nature, les sacrifiables commenceraient donc à leur mentir. Ils n’arrêteraient jamais, jusqu’à ce qu’une poignée d’entre eux percent suffisamment de mystères pour les obliger à redevenir d’obéissants et honnêtes serviteurs.
Umbo attendit patiemment que Miche et Olivenko fassent grimper Param sur le rocher, puis prit le relais, lui indiquant quelques bonnes prises pour l’aider à surmonter le dernier ressaut rocheux. Il était sidéré de voir le peu de force que la princesse avait dans les bras. Quoi de plus normal en même temps, comment se serait-elle musclée ? Les filles riches n’avaient pas besoin de travailler.
Param n’était pas riche à proprement parler, vu qu’elle ne possédait rien. Néanmoins, entre ne rien posséder dans une maison royale et à la ferme, il y avait un monde. Personne n’avait jamais envoyé Param à la rivière ou au ruisseau pour en remonter des seaux d’eau – ces tâches répétitives qui vous transformaient les petites villageoises en boules de muscles sèches et nerveuses auxquelles les hommes n’avaient pas intérêt à se frotter, à moins d’avoir subi eux-mêmes un traitement semblable.
Frêle ou pas, tout ce qui importait était que Param les guide à travers le Mur une fois qu’il aurait lui-même envoyé Rigg, Miche et Olivenko de l’autre côté.
« Je peux te parler pendant que tu es occupé ? osa timidement Param.
— Je ne sais pas, répondit Umbo. On ne me parle pas d’habitude, dans ces moments-là.
— Je resterai silencieuse, alors. Tu me diras quand je peux te parler », conclut Param.
Umbo vit Miche et Olivenko endosser leur sac puis rejoindre Rigg, qui avait déjà le sien sur le dos. Le temps de tergiverser et d’arranger deux ou trois petites choses entre eux, Rigg envoya le signal du départ.
« C’est parti », lança Umbo à Param tout en accélérant la perception temporelle de ses compagnons. Miche et Olivenko ne sentiraient rien, ils ne voyaient pas de trace. Rigg, lui, avait déjà commencé à les trier mentalement, jusqu’à trouver la bonne ; Umbo le vit à ses petits tics mécaniques sur le visage.
Une torsion aussi violente que soudaine lui indiqua que son ami venait d’entrer en contact avec l’une d’elles et se laissait aspirer par le passé.
Lors des sauts précédents, Umbo n’avait ressenti qu’un très léger picotement, un peu plus peut-être à leur premier essai, quand ils étaient allés chercher cette dague plusieurs siècles en arrière.
Mais ces onze mille années le vrillèrent avec une violence telle qu’il se retrouva sur les genoux. Param le rattrapa in extremis avant qu’il ne chute du haut de leur petit promontoire. Pantelant, il assista au départ des voyageurs du temps à travers la plaine.
Piqué par la curiosité devant leurs silhouettes courbées, une main à plat sur une forme fantomatique, il hésita à faire un petit saut dans le passé, le temps d’apercevoir cette créature qui guidait leurs pas. Mais cela signifierait aussi partir pour le passé, lui et Param, et peut-être s’y perdre. Il se retint et se contenta de veiller sur leur traversée.
Plus ils avançaient, plus il se sentait vrillé, entortillé de l’intérieur, fibre par fibre, tel un fil de coton. La douleur était affreuse. Il ne lui était jamais venu à l’esprit que de pousser quelqu’un aussi loin dans le temps pouvait le mettre en danger, lui. Mais cette horrible sensation qu’on avait pris possession de ses entrailles et qu’on prenait un malin plaisir à les dérouler très lentement, une main après l’autre, vers le passé, n’augurait rien de bon.
Il trouva tout de même les ressources pour maintenir ses compagnons dans leur dimension lointaine, alors qu’ils s’enfonçaient de plus en plus profondément dans le Mur. Leurs foulées étaient vives mais courtes, courbés comme ils l’étaient – le buste à peine penché, juste assez pour garder le contact avec la bête, comme un insecte à six pattes carapatant sur un tapis d’herbe et de roche.
Il commença à rêvasser : il voulait un verre d’eau, il voulait prendre une grande inspiration, et en prit une, il voulait descendre se dégourdir les jambes, même si cela ne faisait pas cinq minutes qu’il était là-haut. Son corps semblait déterminé à le distraire de sa tâche, par tous les moyens.
Heureusement, Param, agrippée à son dos, l’étreignait de ses bras. Si malingres fussent-ils, ces bras, ceux d’une femme, lui rappelèrent sa mère, la seule à l’avoir jamais tenu comme ça – quand il tremblait de rage contre son père, quand il n’avait plus qu’une envie, le fuir.
Il n’avait jamais compris pourquoi Mère avait voulu qu’il reste. Rester pour prendre des coups ? Rester pour prouver encore et encore qu’un garçon de sa taille était incapable de tâches d’homme ? Il avait fallu attendre qu’elle pleure la mort de Kyokai, aveuglée par la colère qu’elle peinait à cacher contre un fils incapable de sauver son petit frère, pour qu’il échappe à son étreinte et prenne la route avec Rigg.
Et voilà que des bras de femme l’étreignaient à nouveau, sans oppression cette fois mais avec chaleur, comme si Param insufflait un regain de vigueur dans ses veines, par ses paumes posées à plat contre sa poitrine. Ils ne faisaient plus qu’un, perchés sur leur rocher, agenouillés, le regard fixé sur Rigg, Miche et Olivenko désormais à mi-chemin de leur parcours.
Des sabots de chevaux lancés au petit galop résonnèrent dans l’immensité rocheuse. Umbo entendit leurs propres bêtes, déjà à cran – la faute au Mur – s’ébrouer et hennir au pied du rocher, frappant des sabots et tirant nerveusement sur leur bride.
Il sentit Param bouger dans son dos, alertée par le bruit. L’une de ses mains lâcha alors son buste pour s’agiter nerveusement dans les airs et prévenir Rigg d’accélérer. Dans sa course, Rigg se retourna et la vit.
« Ils sont là, chuchota Param. Reste concentré sur Rigg et les autres aussi longtemps que possible. J’irai leur parler s’il le faut – espérons que ça ne soit pas nécessaire. »
Sans détourner son attention de ses compagnons, Umbo entendit le groupe de chevaux s’approcher, puis renâcler et regimber sous les coups de cravache de leurs cavaliers incapables de les faire aller plus loin. Les hommes mirent pied à terre.
Ils portaient des épées à la taille mais, dans leurs mains, brillait cette arme plus dévastatrice encore, celle décrite par Rigg lors du récit de leur dernière entrevue avec Mère : de lourdes barres de métal, bandées par endroits.
« Vous deux, là-haut, descendez ! Param, rappelle ton frère tout de suite ! » L’ordre émanait d’une voix à la fois autoritaire, puissante et chaleureuse : celle du Général Citoyen. Umbo n’y prêta pas attention, il gardait le regard fixé sur Rigg et les deux soldats toujours lancés dans leur course folle à travers la plaine vallonnée. Combien leur restait-il… un quart de la distance à parcourir, peut-être ? Plus vite ! Citoyen ne tuerait pas Param mais Umbo si, sans trembler.
« N’avancez plus, ordonna Param avec une souveraineté qu’Umbo ne lui connaissait pas. Nous contenons le Mur. Sans nous, vous seriez déjà morts. »
Son mensonge fit mouche. Déjà, les hommes s’agitaient, leurs vieilles peurs ravivées par la présence inquiétante du Mur, tremblants déjà de désespoir. Param jouait sur ces craintes, sur cette certitude grandissante de l’échec.
« Nous sommes votre dernier rempart contre son feu destructeur », continua Param.
Une voix de femme s’éleva alors. Umbo ne pouvait pas la voir, ni elle, ni le général ; toutefois, au bruit, il les estimait toujours à cheval, elle et l’officier.
« Param, mon trésor, lança la reine Hagia. Ta place est parmi nous. Honore-nous de ton retour dans la famille.
— Ce sont là les paroles de la femme qui a guidé les bourreaux que voilà…
— Uniquement si tu disparais et si tu essaies de fuir, ma chérie. Reste avec nous et il ne t’arrivera rien.
— Mensonges. Chacune de vos paroles n’est que mensonges, madame la Reine, rétorqua Param avec calme et fermeté.
— Je pourrais en dire autant des vôtres, répliqua la reine. Vous ne pouvez rien contre la puissance du Mur ! N’essayez pas de nous faire croire le contraire.
— Je connais ce garçon, intervint le Général Citoyen, dont la silhouette se découpait à mesure que sa monture avançait nerveusement le long des limites invisibles du Mur, sabot après sabot, avec une infinie précaution. Vous avez un jour sauté d’un bateau, si ma mémoire est bonne. »
Param planta ses ongles dans la poitrine d’Umbo pour l’empêcher de répondre.
« Ils ne toucheront pas un seul de nos cheveux, lui murmura-t-elle à l’oreille. Nous n’avons rien à craindre.
— Si vous ne nous livrez pas le fils de la reine, hurla le général, Param nous est inutile ! Nous voulons les deux, ou personne ! »
Param se mit à rire à gorge déployée, d’un rire chaud dont les vibrations profondes secouèrent Umbo comme si leurs deux corps collés l’un à l’autre ne faisaient plus qu’un. « Citoyen, reprit-elle, vous assistez au miracle de la traversée du Mur et tout ce que vous trouvez à dire, c’est “Ramenez-le” ? Vous et vos petites ambitions méprisables ! Vous n’avez décidément pas la stature pour entrer dans la Tente de Lumière. Vous vous croyez à la hauteur du titre de Roi en la Tente ? Alors qu’attendez-vous ? Allez le chercher vous-même, il vous attend là-bas, dans le Mur ! Seul le Roi en la Tente peut le traverser – et visiblement, ce n’est pas vous. Il vous manque, et le courage, et la force pour le faire. Mon frère est le roi, de sang, de droit et de cœur. Voyez comme le Mur l’accepte, comme il se plie à sa volonté ! Qui se plie à la vôtre, sinon de pauvres âmes apeurées ? »
Elle parlait lentement, avec conviction, sans hausser le ton, d’une voix chantante aux inflexions presque mélodieuses. Umbo remarqua que les soldats, qui n’avaient rien manqué de sa tirade, ne tenaient plus en place, encore pire que leurs chevaux. Ils se dandinaient d’une jambe sur l’autre, faisaient les cent pas.
Plus que deux cents mètres et ils seraient sauvés. Mais pourquoi Rigg n’arrêtait-il pas de se retourner ? Comme si Mère et Citoyen l’intriguaient. Ton objectif, concentre-toi sur ton objectif ! Tu veux nous aider ? Alors dépêche-toi, cours sans te retourner ! rêvait de pouvoir lui crier Umbo.
« Le garçon, nota la reine. Il semble faire quelque chose. Il les aide à traverser ! Tuez-le !
— À vos arcs ! ordonna le Général Citoyen.
— Je vous interdis de toucher à lui ! les arrêta Param. Il est sous ma protection.
— Elle ne le fera pas disparaître tant que les autres ne seront pas passés, pressentit la reine. C’est lui qui détient tout le pouvoir, c’est lui le sorcier. »
Au loin, Rigg leva le bras et pompa. Le signal, maintenant ? Il se trompait, l’arbre était encore loin.
« Encore deux minutes, bouillit Umbo.
— Qu’attendez-vous, tuez-le ! » rugit la reine.
Rigg pompa à nouveau, d’un geste précipité cette fois. Peut-être craignait-il pour leur sécurité et leur offrait-il de disparaître maintenant. Mais, le Mur, y pensait-il ? Ou alors, quelque chose dans le passé précipitait leur sortie.
Il sentit Param se lever derrière lui. « Attendez ! cria-t-elle. Nous descendons ! Lève-toi, Umbo. » Elle glissa ses bras sous les siens et l’aida à se relever. À la limite de son champ de vision, il vit une dizaine d’arcs se redresser au moment où lui-même se levait.
Rigg paraissait paniqué. Ramène-nous maintenant ! semblait hurler son bras. Umbo les arracha à leur passé.
Il les vit vaciller, surpris par le retour soudain dans la violence du Mur. La créature, un étrange oiseau aux plumes éclatantes et vives et pourtant monté sur quatre pattes, avec une queue épaisse, était avec eux. L’animal détala ventre à terre. Les hommes aussi, Rigg aussi. De tous, c’était elle la plus rapide, Rigg le plus lent. Il trébuchait à chaque pas.
Je n’aurais jamais dû les faire revenir, enragea Umbo. Il va devenir fou avant d’arriver au bout.
« Ils sont là, chuchota-t-il à Param. Je ne peux plus rien pour eux, maintenant. »
Param s’accrochait toujours des deux bras à son buste. Elle le serrait de toutes ses forces. « Baissez vos arcs et nous… »
Sa phrase resta suspendue dans l’air… d’un geste, d’une pensée, Umbo n’aurait su le dire, Param avait plongé le monde dans un silence absolu. Il vit d’un coup d’œil que Miche et Olivenko avaient atteint sains et saufs la zone de sécurité, mais que Rigg se tordait au sol comme un lombric sur des braises, toujours sous l’emprise du Mur. N’écoutant que leur courage, les deux hommes firent demi-tour pour le tirer de là. Ce fut rapide. Cinq secondes tout au plus, mais durant lesquelles Umbo eut le temps de sentir Param le tirer de côté, descendre ses mains le long de son buste et lui empoigner les poignets pour l’obliger à se baisser.
Les soldats avaient lâché leurs arcs. Avaient-ils décoché leurs flèches ? Umbo n’avait rien eu le temps de voir. Il ressentit juste quelques pointes de douleur, ici et là. Était-ce là ce dont parlait Param, ces brûlures vives perçues quand, invisible, un corps vous traversait ?
Des hommes en armes se lançaient à l’assaut du rocher. Ils étaient au sommet, battant l’air de leurs barres ; quelle fulgurance ! Param en bondissait maintenant, Umbo à sa suite. Param avait dû réduire le temps à une presque fixité car, en bas, les hommes s’activaient plus vite que des fourmis pressées, leurs barres tournoyant en accéléré. La nuit tomba soudain, Umbo n’y vit plus rien. Puis le jour revint et ils tombaient toujours, se cabrant dans les airs pour pouvoir atterrir sur leurs pieds.
Les soldats continuaient à fouetter l’air à l’aveuglette de leurs barres de métal, sans savoir que Param et Umbo n’avaient pas sauté droit devant eux, mais de côté. Ils se fourvoyèrent une journée durant à fouiller autour du promontoire. Leur reine, de son pas saccadé de petite bestiole, apparut soudain parmi eux pour les redéployer, de sorte que la seconde nuit tomba sur un ballet de barres de métal tourbillonnantes, joué juste sous leurs pieds.
Ils continuaient à chuter. Après la nuit vint le jour et ses fouilles qui, loin d’être abandonnées, semblaient même avoir redoublé d’intensité. Les hommes lançaient désormais leurs barres en l’air. Invisibles depuis deux jours – deux secondes –, Param et Umbo se retrouvaient dans une situation plus critique que jamais. La reine ne renoncerait pas plus qu’elle n’autoriserait le moindre relâchement de ses troupes.
Param et Umbo ne resteraient pas suspendus éternellement entre ciel et terre. Une fois à portée des faucheuses, c’en serait fini – ils ne toucheraient pas le sol vivants.
Une idée germa alors dans l’esprit d’Umbo. Il la mit à exécution sans attendre qu’elle éclose : il se projeta, avec Param, plusieurs semaines en arrière.
La plaine se vida de ses hommes.
Il fallut trois jours et trois nuits supplémentaires à Param pour comprendre le pourquoi du comment et les sortir de l’invisibilité.
Ils heurtèrent le sol, chancelants. Umbo atterrit le premier, Param juste devant lui, un peu au-dessus. Il perdit l’équilibre et se prit la princesse dans les côtes.
Il resta étendu, le souffle coupé, tandis que le monde reprenait vie autour de lui. Il sentit la caresse bien réelle du soleil, entendit à nouveau. Il perçut d’abord son propre souffle, un souffle rauque, puis une douleur vive dans sa poitrine – une côte brisée ? – et enfin, il entendit Param.
« Par quel miracle as-tu fait ça ? l’interrogea-t-elle. Rigg avait raison, tu es le plus puissant… faire ça en pleine invisibilité, en pleine chute !
— Je crois que tu m’as brisé une côte », gémit Umbo entre deux inspirations. Pourtant, quand il respirait… non, il ne souffrait pas plus. « Non, poursuivit-il. Elle n’est pas cassée.
— De combien tu nous as… commença-t-elle. On est loin dans le passé ?
— Quelques semaines, pas plus, indiqua-t-il. Les chevaux ne sont plus là. C’était avant qu’on arrive. »
Elle l’aida à se remettre debout. « Désolé d’avoir atterri sur toi. C’est la première fois que je fais un saut pareil. C’était de l’improvisation totale.
— Je n’arrive pas encore à réaliser. Cette rapidité avec laquelle tu les as fait bouger… un jour et une nuit en même pas une seconde ! On n’a pas dû exister longtemps. »
Param lâcha un petit rire nerveux. Elle n’aimait pas qu’on parle d’elle ; elle préféra détourner la conversation. « Mère est un vrai cauchemar, n’est-ce pas ? J’espère que je ne vais pas devenir comme elle. »
Quelle panique pour elle ! songea alors Umbo. Voir le piège tendu par sa propre Mère, et leur fin à tous les deux se rapprocher, implacable. Et voilà qu’elle était vivante, sauvée par Umbo, aussi sûrement qu’elle l’avait sauvé, lui.
« C’est maintenant ou jamais, lança le garçon. Traversons le Mur. Ralentis-nous tant que tu veux, on a plusieurs semaines devant nous.
— Il nous faudra quand même une bonne heure.
— Ça fait deux kilomètres à peine.
— À la vitesse à laquelle je marche… lui rappela Param. Allons-y. »
Il tenait toujours la main qu’elle lui avait tendue pour l’aider à se relever. Ils ajustèrent leur prise, la main gauche d’Umbo dans la droite de Param, et se mirent en route d’un pas assuré vers le Mur et ses démons. L’accablement fit rapidement place à l’abattement, puis l’abattement au désespoir ; l’appréhension à la peur, puis à la terreur. Rien de ce qu’avait vécu Umbo sur le rocher, puis au cours de la chute, n’approchait de près ou de loin ce qu’était en train de leur faire vivre le Mur.
Leurs tourments s’apaisèrent peu à peu, se réduisant à un état d’anxiété obsédant, une envie irrésistible de pleurer. Le soleil traversa le ciel. Il observa Param. Elle lui retourna un regard interrogateur.
Il devina sa question : Est-ce supportable ?
Il la rassura d’un signe de tête et allongea le pas, l’entraînant à sa suite. Elle accéléra un peu, mais refréna aussitôt ses ardeurs d’une petite secousse du bras. Du calme, lui disait-elle.
Param avait rendu le Mur tout juste tolérable. Umbo était abattu et ne souhaitait qu’une chose : en finir au plus vite. De son côté, la princesse traînait les pieds, le visage baigné de larmes. Pourquoi ne les ralentissait-elle pas plus ? Pour arriver avant Rigg et les autres, devina Umbo.
Peut-être même avait-elle dans l’idée de secourir son frère. Cela dit, la synchronisation devrait être parfaite : vu leur marge de manœuvre au ralenti, s’ils étaient trop courts ne serait-ce que de cinq pas, Olivenko et Miche emporteraient leur ami avant même qu’ils n’interviennent. C’était l’échec assuré. De toute façon, ils étaient nuls. Pourquoi même prendre la peine de traverser le Mur ? Pourquoi Rigg et les deux soldats s’embarrasseraient-ils d’un nabot et d’un sac d’os comme Umbo et Param ?
Umbo haussa les épaules et continua à se traîner, la mort dans l’âme. Encore un coup du Mur ! songea-t-il dans une seconde de lucidité. De le savoir ne lui remonta guère le moral. S’il avait existé un quelconque moyen de produire un son et de le propager dans cette dimension ralentie, il aurait supplié Param de les ralentir encore un peu, pour apaiser sa tristesse, son affliction, ses frayeurs. Mais quel intérêt, puisqu’elle avait trouvé l’équilibre pairfait ? L’épreuve était pénible, mais pas au point de ne plus pouvoir avancer ; effrayante, mais pas au point de fuir ; déprimante, mais pas au point de vouloir mourir. Il ne fallait surtout pas s’arrêter.
Au neuvième passage du soleil dans le ciel, ils arrivèrent en vue du chêne nain. Le Mur était enfin derrière eux.
Umbo lâcha Param.
Le monde se métamorphosa. Il entendit le chant des oiseaux dans le ciel, le bruissement de ses pas dans l’herbe jonchée de rochers. « Tu peux venir », dit-il, se tournant vers le vide où se tenait toujours Param, invisible. Il accompagna ses paroles d’un mouvement de tête ralenti, pour être sûr qu’elle le voie.
La silhouette de Param apparut. Son visage strié de pleurs trahissait une tristesse indicible ; pourtant, bientôt, une lueur de soulagement éclaira son regard, puis un sourire, son visage. Elle s’écroula à genoux. « Plus jamais ! s’écria-t-elle, secouée de rires et de sanglots. C’était interminable !
— Ça n’a même pas duré une heure », tempéra Umbo. Il s’agenouilla face à elle.
« Je ne me suis jamais sentie aussi triste et effrayée de toute ma vie », reprit-elle. Elle sécha ses larmes d’une main passée sur la joue. Il l’aida à essuyer l’autre.
« Moi si, déclara Umbo. Chaque fois que je me suis senti prisonnier de mon père, à chaque nouveau coup qui partait, imparable. Au moindre geste de protection, son poing retombait, plus lourd encore. Voilà ce que je ressentais, dans ces moments-là.
— Alors mon enfance a été un vrai conte de fées, comparée à la tienne.
— Ce cauchemar a pris fin quand on a quitté Gué-de-la-Chute avec Rigg. Un conte de fées, avec ta mère ? J’ai du mal à le croire…
— Elle n’a pas toujours été comme ça, se souvint Param. À ses côtés, je me sentais choyée et aimée. Sa seule compagnie me suffisait. Elle était toute ma vie.
— Jusqu’au jour où tu as découvert son vrai visage. Quel choc ça a dû être. Mon père, au moins, il m’a toujours détesté… je n’ai pas eu de mauvaise surprise ! Quel est le pire ?
— Ce que tu as vécu, décréta Param. Vivre sans espoir de jours meilleurs. Ce jour-là, chez Flacommo, mon monde a volé en éclats, c’est vrai. Mais le temps de prendre la mesure de ma perte, toute peur s’était évanouie. Ce Mur est une abomination. Ses créateurs sont des monstres.
— Je ne sais pas, dit Umbo en se relevant, une main tendue vers Param. Nous n’étions pas censés le traverser non plus. Ceux qui l’ont fait voulaient juste nous tenir à distance, pas nous torturer. »
Param porta son regard au loin, vers leur point de départ. « Maintenant, il ne nous reste plus qu’à nous attendre. » Elle frémit. « J’ai vraiment l’impression de dire n’importe quoi ! Notre langue est faite pour un temps qui s’écoule normalement…
— On va avoir un petit problème, reprit Umbo. Ils ont toutes les provisions. Ils étaient censés nous attendre, pas le contraire.
— Tu vois de l’eau quelque part ? l’interrogea Param. Je commence à avoir soif. »
Umbo prit la direction de l’éperon, dans l’espoir d’en trouver derrière. « Rien », nota-t-il pour lui-même. Il se retourna vers Param. « Je crains qu’on ne trouve rien ici, lui lança-t-il. Qu’est-ce qu’on fait, on essaie d’en trouver ailleurs ou on attend ici ?
— Dans combien de temps allons-nous… vont-ils… arriver ? »
Umbo haussa les épaules. « Je n’étais pas en position d’étalonner le saut avec une précision absolue.
— On croirait entendre Rigg, pouffa-t-elle.
— La grandiloquence, c’est contagieux.
— C’est vrai, tu le trouves pompeux ? s’étonna Param. Il ne parle comme ça qu’en compagnie d’adultes… pompeux, justement.
— Oh, je sais, rectifia Umbo. À Gué-de-la-Chute, il parlait comme tout le monde. La première fois que je l’ai entendu adopter ce ton de… de…
— Royal, compléta Param.
— J’avais autre chose en tête mais oui, royal, c’est plus correct, sourit Umbo. La première fois donc, c’était pour essayer d’en imposer à un banquier d’O… Tonnelier, il s’appelait. J’ai l’impression que c’était il y a sept ans au moins.
— Mais il y a sept ans, tu avais quoi, quatre ans ?
— Tu me prends vraiment pour un gamin ! se vexa Umbo. J’ai quatorze ans, pas onze.
— Vraiment ?
— Je suis petit pour mon âge, bredouilla Umbo en la fuyant du regard, gêné. Mais je vais bientôt grandir.
— Ce n’était pas une critique, le rassura Param. Je pensais juste que tu étais plus jeune, c’est tout. On n’a pas une grande différence d’âge, tous les deux. Quelques années, comme entre Rigg et moi.
— Voilà ce que je te propose, lança Umbo pour détourner la conversation. Si on doit les attendre, pourquoi ne pas s’installer à l’ombre de cet arbre ? Ensuite, tu nous mets au ralenti et on patiente. Ils seront là avant que notre ventre commence à gargouiller.
— Donc on se pose là et on assiste bêtement à leur traversée ?
— Oui, mais grâce à toi, ça va aller vite cette fois.
— Et on ne fera rien pour les aider ?
— Pas besoin, puisqu’ils ont réussi.
— Tu en es sûr ? Je n’ai pas vu Rigg réussir, moi.
— Miche et Olivenko sont retournés le chercher.
— Mais est-ce qu’ils l’ont sauvé ? Tout est allé si vite. On chutait, rappelle-toi. Tout ce que j’ai vu, moi, c’est la mort qui nous attendait. Le temps que je relève la tête, on était dans le passé et la plaine était déserte.
— Je n’avais pas le choix, déclara Umbo. Il fallait faire vite.
— Je ne dis pas le contraire ! Oh, ne fais pas cette tête. On dirait que c’est la fin du monde.
— Mais c’est la fin du monde, se lamenta Umbo. Notre vie n’est pas de ce côté du Mur. On ne connaît rien ni personne ici. Quand je vois tout ce qu’on a traversé pour en arriver là… Tu es heureuse de ton sort, toi ?
— Ici ou ailleurs… répliqua Param. La seule personne que je croyais connaître, de l’autre côté, c’était ma mère… Quelqu’un te manque ?
— Ma mère.
— Mais tu l’as quittée il y a plus d’un an déjà, avec tes frères et tes sœurs. Sauf ton petit frère. C’est lui qui t’a laissé.
— Mes amis aussi.
— Tu en as de meilleurs que Rigg et Miche ?
— Non.
— Alors, tu vois. Ils seront bientôt là. Pourvu qu’ils arrivent à sortir Rigg rapidement. Le Mur va le rendre fou, sinon. Et les rendre fous eux aussi s’ils y restent trop longtemps.
— On peut les aider. Si on voit que les choses tournent mal, on intervient en se projetant dans le passé à l’endroit précis où ils ont besoin de nous et on attend, invisibles. Tout va bien se passer. »
Param acquiesça, Umbo aussi.
« Ça me gêne de te poser la question, mais…
— Quoi ? l’encouragea Umbo.
— On est amis ? »
Umbo en resta bouche bée.
« Je demande, poursuivit Param, parce que je n’ai jamais eu d’amis. Avant Rigg, je n’avais jamais eu de frère non plus. Il est bien comme frère, Rigg. Je fais de mon mieux de mon côté pour être une bonne sœur, mais je manque d’expérience.
— Tu t’en sors très bien, la rassura Umbo.
— Mais toi et moi, insista Param. On est amis ? Ça suffit pour être amis, d’avoir sauté de ce rocher ensemble ? De s’être mutuellement sauvé la vie ?
— La plupart des gens diraient que oui, répondit Umbo.
— Mais c’est de la vraie amitié ? Ce n’est pas juste… du donnant-donnant ?
— Tu es la Sissaminka, reprit Umbo. L’héritière de la Tente de Lumière.
— Plus maintenant, précisa Param. Je peux te faire confiance ?
— Aussi vrai que moi, je t’ai fait confiance, déclara Umbo.
— On a traversé le Mur ensemble.
— On est amis, des vrais de vrais ! »
Param soupira. « Avec toutes mes questions, tu vas finir par m’en vouloir…
— Je ne sais pas quoi te répondre, surtout ! Tu es plus âgée que moi. En général, entre deux personnes, c’est le plus jeune qui demande “on est amis ?” et le plus vieux qui répond oui ou non. Et si c’est oui, le plus jeune est content.
— Oh. Alors ce n’est pas juste parce que je suis royale.
— Tu as seize ans ! Tu es une fille ! À côté de toi, je suis un petit garçon ! Donc oui, nous sommes amis, et oui, le veinard dans l’affaire, c’est moi ! »
Param resta pensive. « Je ne pensais pas que l’âge jouait un si grand rôle.
— Quand c’est le garçon le plus vieux des deux, pas tant que ça. Quand c’est la fille, si.
— Mais… tu es le voyageur du temps, continua Param. Tu as ce pouvoir extraordinaire.
— Toi aussi, tu y voyages, en le fragmentant, répliqua Umbo. Et Rigg est le pisteur. Je crois qu’on est tous aussi extraordinaires les uns que les autres.
— Et tous liés par une amitié fraternelle, ajouta Param.
— Une amitié fraternelle entre deux royaux et un queuneu, oui », conclut Umbo.
Param rigola.
Umbo se remémora alors leur traversée main dans la main. Il la revit l’empoignant pour le projeter de côté à bas du rocher. Il revit ses bras sur sa poitrine, ses paumes contre lui. Et il rougit. Sans comprendre pourquoi, il rougit. Il n’y avait rien de mal à tout cela. Il n’avait pas à avoir honte. Mais le simple fait d’y repenser le fit rougir.
« Hâtons-nous, allons les attendre, lui lança Param en ponctuant sa phrase d’un petit rire.
— Attendre pendant que le monde se hâte au-dehors, reprit Umbo. C’est ce que tu fais depuis des années…
— Disons que je prends la vie tranche par tranche.
— Une vraie philosophe », déclara Umbo.
Elle lui tendit les mains ; il les fixa sans bouger. Elle resta là, bras tendus… voilà qu’il faisait le timide !
« Quoi ? demanda-t-elle. Il faut les saisir, pas les regarder ! »
Umbo rougit à nouveau. Elle lui tendait les mains pour pouvoir l’emmener avec elle dans sa dimension temporelle… Que croyait-il, au juste ?
Il lui prit les mains.
Le monde extérieur accéléra. Pas autant que lors de leur traversée du Mur ni, tant s’en fallait, que lors du saut du rocher.
Pure coïncidence, Umbo s’était assis dos au Mur, Param face à lui. Tandis qu’il admirait son visage, elle scrutait l’horizon d’où jailliraient les autres d’ici quelques jours.
Alors qu’il s’apprêtait à se retourner vers le Mur lui aussi, une silhouette furtive attira son regard, juste en face, à une dizaine de mètres. Il la suivit, persuadé de la connaître, mais elle allait trop vite pour en être sûr. Il amorça un signe de main pour prévenir Param de cette rencontre historique – leur première de ce côté de l’entremur. Mais leur visiteur disparut aussi subitement qu’il était apparu.
Param commença à s’agiter. Le temps qu’Umbo tourne la tête, Rigg, Miche et Olivenko entamaient déjà la seconde moitié de leur traversée, le buste penché dans leur course pour maintenir le contact avec la bête invisible. Derrière eux, à deux kilomètres, un nuage de poussière annonçait l’arrivée de Mère, du Général Citoyen et de leurs troupes. Entre les deux se tenaient Param et Umbo, au sommet de leur rocher.
Le cours des événements, d’abord précipité, ralentit peu à peu jusqu’à faire surgir Param et Umbo, aux yeux d’un observateur attentif du moins, comme deux ombres indistinctes. Dans ce temps tout juste accéléré, Miche et Olivenko bondirent hors du Mur, suivis par un étrange quadrupède à plume qui s’immobilisa à un jet de pierre de là, secoué de tremblements. Rigg était sur le sol. Il essayait, en vain, de lever les bras.
Un homme surgit d’un bosquet d’arbustes et s’élança vers eux. Leur visiteur ! Il était de retour ! Mêmes habits, même taille… Cette fois, Umbo le reconnut.
C’était le Voyageur. L’Homme en Or. L’homme qui avait prétendu être le père de Rigg. L’homme qui avait fait prendre conscience à Umbo de son pouvoir. Umbo mourait d’envie de courir lui faire part de ses progrès, avant qu’il ne se volatilise à nouveau. Le père de Rigg saurait le féliciter pour toutes ces choses dont il ignorait autrefois jusqu’à l’existence, et qu’il maîtrisait désormais.
Le temps continua à ralentir, jusqu’à s’écouler à un rythme normal.
Personne n’avait encore remarqué Param et Umbo, immobiles comme deux statues au milieu d’un champ de pierres.
Rigg hurla en reconnaissant son père.
L’homme le regarda, puis se tourna vers Umbo et Param. Il tendit ensuite le bras vers les deux silhouettes sorties du Mur et de l’invisibilité.
Il cria quelques mots dans une langue étrange.
« Voyageur ! appela Umbo. Param, c’est le père de Rigg ! »
Rigg avait rejoint l’homme en courant. Il lui tournait autour, l’examinait sous toutes les coutures, lui palpait le dos, les bras, le torse. Il doit vérifier s’il n’est pas blessé, pensa Umbo. L’homme, lui, semblait déboussolé.
Se pouvait-il qu’Umbo et Rigg l’aient pris pour Père alors que ce n’était pas lui ? Pourtant, la ressemblance était criante.
Les entremurs abritaient-ils les mêmes habitants… en double ? Des copies conformes d’individus, dans chaque entremur ?
Non, impossible. Même en imaginant les populations identiques au départ, les gens se reproduisaient d’une manière dans un entremur et d’une autre dans l’entremur voisin… elles finissaient fatalement par diverger.
Le père de Rigg était peut-être le même partout… Umbo se mit debout et tira Param par la main. Il fallait qu’elle rencontre l’Homme en Or.