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« Ton corps contre le mien, toi qui me regardas,
M’a fait beaucoup de bien, ô mon anaconda !
Enroulée contre moi, tes seins sur ma poitrine,
Voilà que je larmoie, ô ma belle Agrippine !
Les yeux dans les étoiles et mon cœur en tambour,
Je guettais l’aube pâle et la douceur du jour,
Comme le fit le preux, le bienheureux Tristan,
Jetant sur son Iseult des yeux de pénitent… »
— Qu’est-ce que tu fais, jeune mage misanthrope ?
— Ça ne te regarde pas, je réponds en refermant le carnet qui me sert, d’ordinaire, à prendre des notes.
Erglug est couché à plusieurs mètres, contre un rocher.
— D’accord, jeune mage cachottier, répond le troll en mâchonnant une herbe. Mais dis-moi au moins combien de temps il va falloir rester sans rien faire.
— Je ne sais pas. J’ai lancé un sort de recherche, il faut qu’il revienne. Et il ne reviendra que quand il aura trouvé. C’est aussi simple que ça.
— « Laisse poire, fève ivre ! » soupire Erglug. Une formule du grand Hiéronymus pour signifier qu’il trouvait le temps long.
— « Une petite impatience ruine un grand projet », je dis en retournant à mon carnet. Ça, c’est Confucius.
— Je dirais plutôt que c’est confus tout court, rétorque Erglug avant de rugir de rire, tandis que je lève les yeux au ciel.
« Contraint par le destin à subir un idiot,
Passager clandestin d’un bel imbroglio,
Toi seule es ma bouée au milieu du naufrage,
Je dois te l’avouer, Arglaë, mon mirage…
Sortirai-je vivant de ces péripéties
Ou bien les pieds devant – ultime acrobatie ?
Je n’aurai qu’un regret, il faut que tu le saches :
Ne pas t’avoir serrée contre mon cœur de lâche… »