Sherman est un bon garçon, il est comme Louise. Et il leur sera utile. Je compte sur lui pour empêcher les mille éléments de cette Arche de Noé polyglotte de s’entre-détruire à peine débarqués. Il y arrivera. Ils auront leur chance, tout comme les autres l’ont eue.
Dans un sens, je n’aime pas avoir dû lui mentir, mais il lui fallait un chiffre. Il voulait savoir combien de temps il allait dormir. Les machines, comme les hommes, se sentent plus à l’aise avec des chiffres. Ils les appliquent même quand ils n’ont aucune signification, ainsi avec cette « quantité » qu’ils nomment temps.
Sherman n’appréhendait pas mieux le temps que Louise.
Je l’appréhende totalement. Les années n’ont rien à voir dans l’affaire.
Le libre arbitre est l’une de mes inventions préférées. Je n’aimerais pas m’en séparer. Pourtant, elle me cause des problèmes sans fin. Qu’on leur accorde le libre arbitre et il devient nécessaire de leur mentir.
J’avais sérieusement envisagé d’éliminer totalement les hommes pour cette séquence. Après tout, j’avais les machines ; ce coup-ci, j’en ai même été une moi-même. Peut-être que j’obtiendrais de meilleurs résultats avec du métal et du silicone qu’avec des formes de vie fondées sur cette bonne vieille chimie du carbone. Deux fois d’affilée, ça n’a débouché sur rien de valable.
D’abord avec l’évolution – pourtant une bonne idée en apparence – ensuite avec les deux autres dans leur Jardin.
Un si chouette Jardin et regardez-moi ce qu’ils en ont fait avec leur libre arbitre.
Bon, assez parlé. Il est temps de s’y remettre, concocter une tête de pont pour accueillir l’Arche.
Les hommes ont un dicton ; « La troisième fois, c’est la bonne. » Difficile de dire pourquoi ils croient ça – ce n’était pas dans mon Plan.
Mais je suis aussi superstitieux que n’importe quel intellect, et avec bien plus de raison.
Enfin, peut-être que ça marchera ce coup-ci, que je puisse enfin goûter ce repos que je me suis bien promis de prendre, le septième jour.