61

Quelques jours plus tard, la nouvelle de ma disgrâce devint publique à Manneran et ne tarda pas à atteindre Salla. Noïm me montra les comptes rendus. On y lisait que j’avais violé la Convention en procédant à d’illégales exhibitions de soi. Non seulement j’avais enfreint la bienséance et les convenances mais aussi les lois de Manneran en usant d’une certaine drogue prohibée de Sumara Borthan, qui faisait fondre les barrières que les dieux avaient établies entre les âmes. En abusant de mes prérogatives, j’avais organisé un voyage secret vers le continent Sud (pauvre capitaine Khrisch, avait-il été arrêté aussi ?) et j’en étais revenu porteur d’une grande quantité de drogue, que j’avais fait prendre de force à une femme de basse extraction que je fréquentais ; j’avais également fait circuler l’ignoble substance parmi certains membres en vue de l’aristocratie, dont les noms étaient tus en raison de leur sincère et profond repentir. La veille de mon arrestation, j’avais cherché refuge à Salla, ce qui était un bon débarras : si jamais je cherchais à revenir à Manneran, je serais immédiatement appréhendé. En attendant, je serais jugé par contumace, et le verdict faisait peu de doute. En réparation du préjudice causé à l’équilibre de la société, je serais destitué de tous mes biens, exception faite d’une portion qui serait réservée à la subsistance de ma femme et de mes enfants innocents. (Segvord Helalam était au moins arrivé à cela.) Afin d’empêcher mes amis de haut rang de me faire parvenir des fonds à Salla avant le procès, tout ce que je possédais était d’ores et déjà mis sous séquestre en attendant le jugement définitif. Ainsi avait parlé la loi. Et ceux qui pouvaient être tentés d’imiter mon crime n’avaient plus qu’à prendre garde !

Загрузка...