Il faut couper les ailes des papillons

Tu es venue chez moi, pour la première fois, le soir de Noël. Je me sentais abandonné et je déprimais. De ton côté, ce n’était pas joyeux non plus. Deux âmes en peine, poussées l’une vers l’autre par l’insupportable bonheur ambiant.

Je me rappelle, tu étais restée estomaquée par la taille de l’appartement. Je t’avais répondu que les plus beaux écrins abritent souvent la plus terrible solitude. J’aurais pu ajouter qu’on est jamais aussi seul qu’au milieu de la foule…

Il n’y avait que toi et moi. On aurait pu passer la soirée là, dans mon salon-repaire, à se goinfrer de films d’action, j’aurais pu te faire les honneurs de mon laboratoire et peut-être même te donner goût à la magie, je serais allé piquer une bouteille de vin dans la réserve de mon père, on se serait enivrés, on se serait jetés dans la piscine à l’étage et on aurait ri en se bousculant dans l’eau. On aurait ensuite passé la nuit sur la terrasse, emmitouflés dans des couvertures, à se raconter nos vies sous le regard des étoiles.

Ça aurait été merveilleux !

Mais j’ai annoncé que l’appartement me pesait. Que je préférais sortir.

Et on est allés dans un bar.

On a grimpé sur ta moto…

Je sais, c’est facile de refaire l’histoire. De se dire : si j’avais su, si j’avais pu. Un enchaînement de causes dérisoires conduisant à d’irrémédiables conséquences.

L’effet papillon. Un battement d’ailes ici, un ouragan là-bas.

Je m’en veux tant, Ombe, oh comme je m’en veux…

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