Chapitre XIV

— Nous avons toujours un très bon moral, déclara Pat devant le microphone qui avait été maintenant descendu par le tube à air. Naturellement, nous avons éprouvé un gros choc après le second éboulement, lorsque nous avons perdu le contact avec vous – mais maintenant nous sommes sûrs que vous nous sortirez rapidement de là. Nous pouvons entendre maintenant le grappin, qui retire la poussière, et c’est une chose merveilleuse pour nous que de vous savoir maintenant si près du but. Nous n’oublierons jamais – ajouta Pat avec quelque gaucherie – les efforts que tant de gens ont faits pour nous secourir, et quoi qu’il arrive, nous tenons à les remercier. Nous sommes tous convaincus que tout ce qu’il a été possible de faire a été fait.

« Et maintenant, je vais quitter le micro, car plusieurs d’entre nous ont des messages qu’ils désirent expédier. Avec un peu de chance, ce seront les derniers transmis par le Séléné.

Comme il passait le micro à Mrs Williams, il comprit qu’il aurait dû tourner autrement sa dernière phrase. Elle pouvait être en effet interprétée de deux façons. Mais maintenant que l’équipe de sauveteurs était si près, il refusait d’admettre la possibilité de nouveaux incidents. Ils avaient déjà subi tant d’épreuves qu’à coup sûr il ne pouvait maintenant rien leur arriver de fâcheux.

Il n’ignorait pas, pourtant, que la dernière phase de l’opération serait la plus difficile, la plus critique de toutes. Ils en avaient discuté sans fin au cours des dernières heures, depuis que l’Ingénieur en Chef Lawrence leur avait expliqué son plan. C’était devenu leur seul sujet de conversation depuis que – d’un commun accord – ils avaient décidé de ne plus parler de soucoupes volantes.

Ils auraient évidemment pu continuer la lecture des livres, mais Shane tout aussi bien que L’Orange et la Pomme avaient cessé de les intéresser. Personne ne pouvait se concentrer sur quelque sujet que ce soit, à l’exception de leur sauvetage prochain et du renouveau de vie que serait pour eux leur retour parmi leurs semblables.

Au-dessus d’eux, il y eut soudain un gros choc. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : le grappin avait atteint le fond du puits, et le caisson, maintenant, ne contenait plus de poussière. Il pouvait maintenant être accouplé à un des igloos et rempli d’air.

Il fallut plus d’une heure pour réaliser cette connexion et faire tous les essais nécessaires.

L’igloo, qui avait été spécialement modifié, avec une ouverture à sa base juste assez large pour emboîter la partie du caisson surplombant la poussière, devait être mis en place et gonflé avec le plus grand soin. La vie des passagers du Séléné, et aussi de ceux qui allaient tenter de les sauver, allait dépendre de son imperméabilité.

L’Ingénieur en Chef Lawrence, qui était entré dans cet igloo, ne quitta son scaphandre que lorsqu’il eut la certitude que tout était bien en place. Il s’approcha du trou béant avec un projecteur et contempla le puits qui semblait s’enfoncer vertigineusement jusqu’à l’infini. Le fond n’était pourtant qu’à dix-sept mètres. Même avec la faible pesanteur, un objet lâché ne mettrait que quelques secondes pour l’atteindre.

Lawrence se tourna vers ses assistants. Tous portaient encore leurs scaphandres, mais avec les hublots du casque ouverts. Si les choses tournaient mal, ces hublots pourraient être fermés en une fraction de seconde, et ces hommes pourraient probablement être sauvés. Mais pour Lawrence, il n’y aurait aucun espoir, ni pour les vingt-deux personnes qui étaient dans le bateau.

— Vous savez exactement ce que vous avez à faire, dit l’ingénieur. S’il était nécessaire que je remonte en hâte, vous tireriez ensemble sur la corde. Avez-vous des questions à me poser ?

Ils n’en avaient pas. Les moindres gestes à accomplir avaient fait l’objet d’une répétition soigneuse.

Lawrence fit un petit salut de la tête à ses hommes. Ceux-ci, en chœur, lui crièrent «Bonne chance ! ». Après quoi l’ingénieur descendit dans le puits.

Pendant presque tout le parcours, il se laissa tomber en chute libre, ne vérifiant sa vitesse que de temps en temps en s’accrochant à l’échelle de corde. Sur la Lune, c’était une chose que l’on pouvait faire sans danger – du moins presque sans danger. Lawrence avait vu des hommes se tuer parce qu’ils avaient oublié que même avec cette faible pesanteur, l’accélération, au bout de dix secondes, pouvait être fatale.

C’était un peu comme la chute d’Alice jusque dans le Pays des Merveilles, mais il n’y avait rien à voir au cours de cette descente, à l’exception des parois de ciment, et celles-ci étaient si près que Lawrence devait loucher pour les regarder. La secousse fut très légère quand il atteignit le fond.

Il s’accroupit sur la petite plate-forme métallique, qui avait l’aspect et la dimension d’une plaque d’égout, et l’examina attentivement. La valve qui avait été ouverte pendant la descente du piston à travers la poussière, puis refermée, fuyait légèrement et un petit dépôt de poudre grise s’était formé tout autour. Cela n’avait rien d’inquiétant, mais l’ingénieur ne put s’empêcher de se demander ce qui se passerait si cette trappe s’ouvrait brusquement sous la pression qui s’exerçait par-dessous. Avec quelle rapidité la poussière monterait-elle, comme de l’eau dans un puits ? Pas très vite, il en était à peu près certain, pas aussi vite qu’il remonterait lui-même par l’échelle de corde.

Sous ses pieds, maintenant, et seulement à quelques centimètres, était le toit du Séléné – et sa terrible pente de trente degrés. Sa tâche allait consister à faire coïncider la base horizontale du caisson avec le toit incliné du bateau, et de le faire si parfaitement que la poussière ne puisse pas entrer.

Il ne voyait aucune faille dans son plan, et il espérait qu’il n’y en avait pas, car il avait été mis au point par les meilleurs techniciens de la Terre et de la Lune. On avait même prévu le cas où le Séléné pourrait s’enfoncer encore de quelques centimètres, tandis qu’il serait en train de travailler. Mais la théorie était une chose, et il savait fort bien que la pratique en était une autre.

Il y avait six grosses vis à ailettes autour du disque de métal sur lequel se trouvait Lawrence, et il se mit à les tourner une à une, comme un joueur de tambour qui accorde son instrument. A la partie inférieure de la plate-forme était fixé un appareillage fait d’éléments tubulaires souples comme ceux d’un accordéon et qui pour le moment étaient repliés, à plat, sur la plaque de base. Dépliés, ils formeraient un assemblage flexible presque aussi large que le caisson, donc suffisant pour permettre à un homme de passer. Maintenant ils s’ouvraient lentement tandis que Lawrence tournait les vis.

D’un côté, cette tubulure ondulée et souple devait se déployer en son point extrême de quarante centimètres environ pour atteindre le toit en pente. De l’autre côté, elle ne bougerait qu’à peine.

Le plus gros souci de l’ingénieur avait été de savoir si la pression de la poussière n’empêcherait pas cet appareil de s’ouvrir. Mais il tournait les vis aisément, sans rencontrer une trop grosse résistance.

Les vis, bientôt, furent au bout de leur course ; on ne pouvait pas les serrer davantage. Cela signifiait, en principe, que l’assemblage était maintenant plaqué sur le toit du Séléné, et que ce contact, grâce aux joints en caoutchouc bordant le bas de l’appareil, assurait une fermeture hermétique. Cette fermeture serait-elle efficace ? Il le saurait bientôt.

D’un coup d’œil machinal, il s’assura que tout était normal dans le puits, par où il pourrait fuir en cas de péril. Il ne vit rien au-delà du projecteur pendu à deux mètres au-dessus de sa tête. Mais l’échelle de corde, toujours en place, était rassurante.

— J’ai installé l’appareil de connexion, cria-t-il à son invisible collègue. Il semble bien coller au toit. Maintenant je vais ouvrir la valve.

Si une erreur avait été commise, tout le puits allait être envahi, et peut-être même de telle sorte qu’il ne serait plus utilisable.

Lentement, Lawrence ouvrit la petite trappe qui avait permis à la poussière de passer à travers le piston pendant que celui-ci descendait. Il n’y eut pas de poussée. La tubulure installée sous ses pieds retenait bien la poussière.

Quand la valve fut complètement ouverte, l’ingénieur y glissa sa main et sentit le toit du Séléné à travers la poussière qui se trouvait encore emprisonnée dans cet espace. Peu de réussites dans sa vie lui avaient donné un tel sentiment de satisfaction. Le travail était loin d’être fini – mais il avait atteint le bateau. Pendant un très bref instant il resta accroupi au fond du puits, sans bouger, comme devaient le faire les chercheurs d’or d’autrefois quand, dans une galerie péniblement creusée, ils découvraient un filon à la lueur de leur lampe à pétrole.

Il frappa trois fois sur le toit du Séléné. On répondit immédiatement à son signal. Mais il n’était pas question d’engager une conversation en morse. Si d’ailleurs il avait voulu correspondre avec le bateau, il aurait pu le faire par le circuit qui avait été établi. Toutefois il savait l’effet psychologique que ces trois coups produiraient sur les naufragés. Ils prouveraient à ces hommes et à ces femmes que les sauveteurs en personne n’étaient plus qu’à quelques centimètres d’eux.

Mais il y avait encore de gros obstacles à franchir, et le premier était la plaque métallique même – l’extrémité du piston – sur laquelle il se trouvait. Ce piston, cette plaque, avaient rempli leur office, en retenant la poussière tandis que le caisson était vidé. Maintenant il fallait les retirer si l’on voulait frayer un chemin aux gens du Séléné. Mais il fallait effectuer cette opération sans déranger l’assemblage flexible que le piston lui-même avait permis de mettre en place.

Pour rendre la chose possible, la plaque circulaire du piston avait été agencée de telle façon qu’on pouvait, après avoir dévissé huit gros écrous, la soulever comme le couvercle d’une marmite. Il ne fallut que quelques minutes à Lawrence pour effectuer les opérations nécessaires et pour attacher une corde au disque de métal. Après quoi il cria :

— Allez-y ! Hissez !

Un homme plus gros que l’ingénieur aurait dû sortir du puits pour permettre à la pièce métallique de remonter à la surface. Mais il suffit à Lawrence de se plaquer contre la paroi.

Tandis que le disque disparaissait au-dessus de sa tête, il songea qu’il ne restait plus que la dernière ligne de défense à forcer. Il songea aussi qu’il serait impossible de vider de nouveau le caisson si, pendant cette opération, l’appareil de jointure cédait et si la poussière se mettait à revenir.

— Envoyez un seau, cria-t-il.

Le seau était déjà en route.

Lawrence se rappela l’époque – quarante ans plus tôt – où il jouait sur une plage de Californie, avec un seau et une pelle, à faire des châteaux de sable. Maintenant, sur la Lune – dont il était devenu l’Ingénieur en Chef pour la face tournée vers la Terre – il remplissait aussi un seau avec une petite pelle, gravement, tandis que l’humanité entière attendait le résultat de son travail.

Quand le premier chargement fut remonté, il avait déjà dégagé une bonne partie du toit du Séléné. La quantité de poussière qui était restée dans l’appareil flexible sous le piston était assez minime, et deux autres seaux suffirent pour l’évacuer.

Sous ses pieds, maintenant, il y avait le revêtement léger et aluminisé qui servait d’écran contre le soleil. Il avait été tout fripé et endommagé par la pression. Lawrence put le couper et même l’arracher avec sa main sans aucune difficulté tant il était devenu fragile. Il mit ainsi à jour la surface légèrement rugueuse de la coque externe en fibre de verre. Il eût été aisé de la découper immédiatement avec une petite scie mécanique, mais c’eût été une opération fatale.

Car la double coque du Séléné n’était plus intacte. Quand le toit avait été percé, la poussière avait dû couler dans l’espace entre les deux parois. Elle était là, sous pression, prête à sortir dès la première incision. Avant qu’on puisse pénétrer dans le Séléné, cette mince mais redoutable couche de poussière devait être immobilisée.

Lawrence donna quelques coups légers sur le toit. Comme il avait pu s’y attendre, le son était amorti par la poussière.

Mais dans l’instant même il se produisit une chose à laquelle il ne s’était pas attendu. Au-dessous de lui, des coups furent frappés, d’une façon frénétique, impliquant l’urgence.

Ce signal venu de l’intérieur du bateau n’avait plus rien de commun avec le rassurant « Tout va bien. »

Avant même que les hommes qui étaient à la surface aient pu lui transmettre des informations sur ce qui se passait, Lawrence avait compris que la Mer de la Soif leur jouait un dernier tour pour garder sa proie.


* * *

Karl Johanson, du fait même qu’il était un ingénieur atomique, avait un nez sensible.

Il était assis à l’arrière du bateau, et ce fut lui qui décela l’approche du désastre. Il resta immobile quelques secondes encore, les narines frémissantes, puis il dit au passager qui était auprès de lui.

— Excusez-moi…

Il se leva et se dirigea paisiblement vers la toilette. Il désirait ne pas causer d’alarme si ce n’était pas nécessaire, surtout maintenant que leur sauvetage allait être imminent. Mais il avait appris, au cours de sa vie professionnelle – et par des exemples si nombreux qu’il n’avait pas eu le souci de tous les retenir – qu’il ne faut jamais négliger une odeur d’isolant brûlé.

Il ne resta dans le cabinet de toilette qu’une quinzaine de secondes. Quand il en ressortit, il marchait plus vite, pas assez vite toutefois pour provoquer de l’inquiétude et de la panique. Il se dirigea vers Pat Harris, qui était en conversation avec le Commodore Hansteen, et il les interrompit sans cérémonie.

— Capitaine, dit-il d’une voix basse et rapide, il y a le feu à bord. Allez vérifier dans la toilette. Je n’en ai parlé à personne.

Pat s’éloigna aussitôt, suivi de Hansteen. Dans l’espace, comme sur la mer nul ne s’attardait à discuter quand il entendait le mot « feu ». Et Johanson n’était pas homme à susciter de fausses alarmes. Comme Pat, c’était un technicien relevant de l’Administration Lunaire. C’était aussi un de ceux que le Commodore avait choisis pour veiller au grain en cas d’incident.

Le petit cabinet de toilette ressemblait à tous ceux que l’on pouvait voir dans les véhicules de faible dimension sur terre, sur mer, dans l’air et dans l’espace. On pouvait toucher aisément toutes ses parois sans bouger de place. Mais il était maintenant impossible de toucher le mur arrière, juste au-dessus du lavabo : il était brûlant. La chaleur avait provoqué des boursouflures dans la fibre de verre. Et les deux hommes constatèrent avec effroi que cette paroi était maintenant bombée.

— Mon Dieu ! s’écria le Commodore, ça va éclater et se propager dans un instant. Qu’est-ce qui a pu provoquer cela ?

Mais Pat s’était déjà éloigné. Il revint quelques secondes plus tard, portant sous son bras deux petits extincteurs.

— Commodore, dit-il, allez prévenir les hommes sur le radeau. Dites-leur que nous ne pouvons plus disposer que de quelques minutes. Je vais rester ici pour le cas où cette paroi éclaterait.

Hansteen fit ce que le capitaine lui avait dit. Pat, un instant plus tard, l’entendit parler dans le microphone. Il entendit aussi la soudaine rumeur qui se fit parmi les passagers. Presque immédiatement, la porte de la toilette s’ouvrit et McKenzie entra.

— Puis-je vous aider ? demanda le physicien.

— Je ne crois pas, répondit Pat.

Il tenait ses extincteurs tout prêts à entrer en action. Il éprouvait une curieuse sensation d’engourdissement, comme si tout cela n’était pas réel et comme s’il allait bientôt s’éveiller de ce mauvais rêve. Peut-être avait-il maintenant dépassé le stade où l’on connaît la peur. Il avait déjà surmonté l’une après l’autre plusieurs crises et maintenant il était comme vidé de toutes ses émotions. Il pouvait encore subir, mais il ne pouvait plus réagir.

McKenzie posa la même question que le Commodore :

— Qu’est-ce qui a pu provoquer cela ? Qu’y a-t-il derrière cette paroi ?

— Notre principale source d’énergie. Vingt cellules lourdes.

— Qui ont quelle puissance ?…

— Eh bien, nous sommes partis avec cinq mille kilowatts-heures. Nous en avons probablement encore la moitié.

— Eh bien, voilà la réponse : quelque chose est en court-circuit avec cette source d’énergie. Cela doit probablement brûler depuis le moment où les câbles du plafond ont été arrachés.

Cette explication avait un sens. Le bateau était à l’épreuve du feu, à l’épreuve d’une combustion ordinaire. Mais, comme il y avait dans ses cellules suffisamment d’énergie pour le propulser à pleine vitesse pendant des heures, si cette énergie se dissipait en chaleur le résultat ne pouvait être que catastrophique.

Pourtant, à la réflexion, cela semblait impossible. Une telle surcharge aurait immédiatement fait sauter les coupe-circuits – à moins que, pour quelque raison, ils soient restés coincés.

Tel n’était pas le cas, ainsi que McKenzie put s’en assurer après une brève inspection dans la valve d’entrée.

— Tous les disjoncteurs ont sauté, dit-il. Les circuits n’ont pas le moindre courant. Je n’y comprends rien…

Même en cet instant de grand péril, Pat ne put que difficilement réprimer un sourire. McKenzie était l’éternel savant. Il était peut-être sur le point de mourir, mais il voulait savoir. Si on l’avait brûlé sur un bûcher – et c’était sans doute un sort analogue qui les attendait tous – il aurait demandé au bourreau « De quel bois vous servez-vous ? »

La porte s’ouvrit. C’était Hansteen qui venait les rejoindre.

— Lawrence nous fait savoir, dit-il, qu’il en a encore pour dix minutes. Cette paroi tiendra-t-elle jusque-là. ?

— Dieu seul le sait, répondit Pat. Elle peut tenir pendant une heure. Elle peut éclater dans dix secondes. Cela dépend de la façon dont le feu se propage.

— N’y a-t-il donc pas des extincteurs automatiques dans ce compartiment ?

— Ce n’était pas nécessaire… C’est une paroi pouvant résister à la pression externe, et normalement il devrait y avoir le vide de l’autre côté. C’est le meilleur extincteur qui existe.

— J’y suis ! s’exclama McKenzie. Ne voyez-vous pas ? Tout ce compartiment a été envahi par la poussière. Quand le toit a été percé, celle-ci y est entrée. C’est elle qui a court-circuité tout l’équipement électrique.

Pat n’eut pas à discuter pour comprendre que McKenzie avait, cette fois, raison. A l’heure présente, toutes les parties du bateau normalement dénuées d’air devaient être remplies de poussière. Celle-ci avait dû glisser dans l’espace vide qui se trouvait entre les deux coques lorsque les ouvertures avaient été pratiquées et s’accumuler lentement dans tous les endroits qu’elle pouvait atteindre, notamment dans le compartiment où était la source d’énergie électrique. Le fer météorique qui se trouvait en quantité notable dans la poussière était un bon conducteur. C’était lui qui avait provoqué d’innombrables circuits et courts-circuits.

— Si nous projetions de l’eau sur cette paroi, demanda le Commodore, est-ce que cela serait utile ? Ou est-ce que cela ferait craquer la fibre de verre ?

— Je crois que nous pouvons essayer, répondit McKenzie, mais très prudemment, avec très peu d’eau pour commencer.

Il remplit une tasse en matière plastique – l’eau était déjà chaude – et regarda ses deux compagnons d’un air interrogateur. Comme ils ne faisaient pas d’objection, il lança quelques gouttes sur la surface boursouflée.

Les craquements et sifflements qui en résultèrent furent si effrayants qu’il s’arrêta aussitôt. C’était un trop grand risque. L’idée eût été bonne avec une paroi de métal. Mais cette matière plastique non conductrice aurait certainement éclaté sous l’effet d’une différence de température entre divers points de sa surface.

— Nous ne pouvons rien faire ici, dit le Commodore. Même ces extincteurs ne serviront pas à grand-chose. Nous ferions mieux de sortir et de bloquer tout ce compartiment. La porte offrira un nouvel obstacle au feu et nous pourrons ainsi gagner du temps.

Pat hésitait. La chaleur était déjà presque intolérable, mais il lui semblait que ce serait une lâcheté de quitter cet endroit. Pourtant la suggestion de Hansteen était parfaitement raisonnable. S’il restait ici jusqu’à ce que le feu traverse la cloison, il serait sans nul doute immédiatement asphyxié par la fumée.

— Très bien, dit-il, sortons. Et voyons quelle sorte de barricade nous pouvons dresser contre cette porte.

Il ne songea pas qu’ils n’auraient pas beaucoup de temps pour cela. Déjà on entendait, très distinctement, des craquements dans la paroi qui tenait l’enfer en respect.

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