10

Au petit matin, la vieille Pamphile vint dire à Zélie que le capitaine souhaitait qu’elle se rende à Lanet pour photographier le seul mobile du village.

— Le capitaine Savane est donc passé de bonne heure au presbytère ? demanda Zélie mal réveillée.

— Il est venu pour servir la messe et Paulet l’enfant de chœur ne sera pas content. Pensez, il sert depuis bientôt trente ans. Faut que j’aille sonner la dernière volée.

La jeune femme moulut son café en réfléchissant. Ce capitaine lui envoyait ses ordres alors qu’il l’avait renvoyée la veille ? Pour qui se prenait-il ? Entre le sabre et le goupillon il jouait les grands seigneurs. Elle avait été surprise par les coups de Pamphile à sa porte, aurait pu la charger de répondre à Jonas Savane qu’elle rentrait directement à Lézignan en lui confiant les deux dernières photographies prises ici à Cubières. Elle avait manqué de présence d’esprit, mais il n’était pas trop tard.

Lorsqu’elle alla chercher Roumi à l’écurie du presbytère, elle chercha vainement la vieille servante pour lui remettre les portraits des deux anciens mobiles du village. Elle assistait certainement à la messe. Elle entraîna Roumi jusqu’au fourgon. Elle remettrait les épreuves à Wasquehale, ce qui ennuierait certainement le capitaine. Elle se hâta, ne voulant pas qu’il aperçoive l’attelage quand il sortirait de l’église.

Deux heures plus tard, alors qu’elle marchait à côté de Roumi dans la montée vers Redoulade, elle vit venir deux gendarmes, reconnut le brigadier Wasquehale. Sa mission allait se terminer bien plus vite qu’elle ne le pensait et elle en ressentait une grande tristesse, et comme une trahison envers Jean.

Tandis que le gendarme tenait leurs chevaux par la bride, le brigadier l’écouta en silence faire le récit de sa rencontre avec le capitaine Savane et de la décision de ce dernier de la remplacer par un photographe masculin. Wasquehale secoua la tête :

— Nous n’en trouverons aucun sur-le-champ, il faudra plus d’une semaine avant que l’un d’eux accepte. Jusqu’à ce jour, vous et votre mari étiez les seuls qui parcouriez les Cor-bières. Personnellement j’ai reçu l’ordre de me mettre au service du capitaine Savane, mais j’ai aussi des instructions de mes supérieurs qui veulent que j’effectue une contre-enquête. Ou plutôt une enquête complémentaire. Vous devez me fournir des photographies supplémentaires en ce sens, dont j’enverrai une partie à Carcassonne. Le capitaine effectue ses recherches au nom de l’armée, nous, nous agissons sur plaintes déposées par des civils, ce qui n’est pas du tout la même chose. Je vous demande donc de poursuivre cette mission quoi qu’en pense le capitaine Savane. S’il veut faire venir un autre photographe, à son aise.

Ils marchaient sur la route et ils firent demi-tour pour revenir vers la roulotte. Zélie ne cessait de se retourner pour surveiller Roumi. Les deux autres chevaux risquaient de le rendre nerveux.

— Vous avez photographié Louis Rivière de Soulatgé ?

— J’ai remis l’épreuve au capitaine.

— Avez-vous appris ce qui lui était arrivé ?

— Le dessin d’une main sans annulaire sur sa porte ? Oui, je me trouvais à Soulatgé, cette nuit-là. Mais je n’ai connu cette histoire que le lendemain matin.

— Vous n’avez rien remarqué, ce soir-là ? fit le brigadier d’un air trop indifférent pour qu’il soit le reflet de son manque d’intérêt. Vous n’avez rencontré personne en cours de route ?

Faisait-il allusion à ce cavalier mystérieux qui l’avait dépassée dans le col et qui aurait été aperçu dans Soulatgé par un ivrogne, mais aussi par une femme du village.

— Je suis arrivée à 8 heures du soir. J’ai conduit mon cheval à son écurie habituelle et je suis rentrée dans ma voiture pour dormir. Non, je n’ai rien remarqué.

— Avez-vous pu photographier Eugène Bourgeau d’Auriac sans difficulté ?

— Sa femme m’a répondu qu’il serait absent pour plusieurs jours. Il serait allé chercher des vaches en Andorre.

— En plein hiver ? Depuis longtemps les Andorrans confient leurs troupeaux à des éleveurs des régions d’altitude moyenne, où l’hiver est le plus souvent moins rigoureux que chez eux qui vivent à près de deux mille mètres, mais les animaux arrivent à l’automne, repartent au printemps. Il n’y a pas de transhumance en plein hiver.

Roumi l’accueillit d’un ricanement qui signifiait qu’une minute de plus et il s’en prenait aux deux autres chevaux qui faisaient mine de ne pas le voir.

— Je reste requise alors ? demanda-t-elle. Et désormais je ne dépendrai que de vous ?

— Je vous le confirme. Qu’alliez-vous faire ?

— Bien que renvoyée, je devais sur ordre du capitaine me rendre à Lanet pour une dernière photographie, et je pensais vous remettre l’ensemble de mon travail avant mon départ.

— Allez à Lanet et revenez ensuite à la gendarmerie. Mais je voudrais vous faire part de quelque chose en particulier. Cela ne me plaît guère, mais une brigade ne fait que son devoir, en évitant que la population ne se sente blessée dans ses coutumes. Ce qui est accepté dans une grande ville est ici cause de scandale, et qui dit scandale sous-entend trouble public.

Tout d’abord elle estima que ces mises en garde concernaient une autre personne, mais le regard du brigadier fixé sur elle la ramena à une réalité plus consternante.

— Est-ce moi qui trouble l’ordre public ?

— On se plaint que vous ne portiez plus le deuil de votre mari mort pour la France. Je vous le dis brutalement, résumant les réflexions des gens dans les villages que vous venez de traverser. Certaines épouses d’anciens mobiles sont choquées que vous soyez en cheveux lorsque vous photographiez leurs maris. En réalité c’est tout votre comportement qui scandalise certaines. Elles vous reprochent en général d’avoir eu l’impudence de poursuivre ce travail forain, que vous viviez et surtout couchiez dans ce fourgon aménagé comme une carriole de bohémien. Ce que moi j’appelle témérité, peut-être imprudence, voire provocation. Je ne suis ni juge ni partie, je ne fais que vous rapporter ce que nous avons enregistré depuis ces derniers jours. Il n’y a pas de délit, juste un mécontentement.

— Dois-je porter le grand voile de veuve pour faire taire ces harpies, gronda-t-elle, avec la crainte d’une trop forte nausée tant son estomac se contractait.

— Vous êtes libre de faire ce que vous voulez, mais je me devais simplement de vous informer de cet état d’esprit. Derrière cette façon de vous blâmer se cachent en réalité une grande anxiété et un désarroi de toute la population. Je ne suis pas aveugle ni sourd et vous servez de bouc émissaire, car c’est la gendarmerie qui est ainsi attaquée. Je comprends que cette enquête qui n’en est qu’à ses débuts les bouleverse les uns et les autres. Elle ne concerne que les mobiles revenus de la guerre, mais voyez-vous, l’opinion estime qu’il y a une grande différence entre un garçon qui a tiré le mauvais numéro de la conscription et qui est devenu un soldat, et un mobile. Les premiers ont été désignés par le destin, les autres ont été appelés sans possibilité de refuser ou d’acheter un remplaçant. Dans l’esprit des habitants de cette contrée, ce sont des héros. Les soldats ont perdu batailles sur batailles, ont reculé jusqu’à la Loire ou en Suisse alors que les mobiles ont failli chasser le Prussien. Il s’en est fallu de peu et si…

Il préféra ne pas poursuivre. Il aurait dû mettre en cause de grands chefs militaires, des hommes politiques, mais ce que pensait l’opinion publique était plein de bon sens. Les mobiles étaient partis avec un grand enthousiasme lors de la levée en masse. Tous affirmaient qu’ils allaient montrer à ces envahisseurs teutons ce qu’ils savaient faire et les ridiculiser.

— Pour en finir, je dirai que cette enquête est mal perçue, même si l’on commence à murmurer dans les villages qu’un tel s’est soudainement enrichi, qu’un autre se trouve à l’aise alors qu’il n’avait pas un sou en quittant sa famille. Et puis il y a ces plaintes enregistrées par les juges d’Orléans principalement.

Zélie suffoquait de rage à la pensée que l’absence d’un voile noir et d’un chapeau la désignait comme veuve indigne, pourquoi pas joyeuse et menant une vie licencieuse. Wasquehale se rendit compte qu’il avait montré un peu trop de franchise brutale malgré sa volonté d’être modéré.

— Ne le prenez pas trop à cœur, murmura-t-il. La plupart des gens se souviennent que vous formiez avec votre mari un couple uni et estiment que vous portez avec une grande dignité votre chagrin. Je voulais seulement vous mettre en garde contre toute manifestation un peu trop intempestive. Allez donc à Lanet, photographiez ce Gilbert Ponson, un brave vigneron qui a excellente réputation, mais qui va subir le sort commun des autres mobiles en étant photographié.

— Le capitaine Savane…

Elle respira profondément avant de poursuivre :

— Le capitaine m’a parlé d’un témoin, une femme qui devrait arriver incessamment à Mouthoumet.

— Ce capitaine que je n’ai pas encore eu l’honneur de rencontrer me paraît un peu trop bavard. Il n’aurait pas dû. Nous voulons garder secrète cette venue et protéger cette personne. Non seulement d’un danger quelconque, mais des accusations douteuses. Si quelqu’un, ou plusieurs se sont rendus coupables d’exactions je ne veux pas qu’ils aient le temps de préparer leur défense. Nous étudierons les réactions de chacun en présence de cette victime.

— Je sais aussi que le nom de Mouthoumet fut prononcé à plusieurs reprises par ces canailles qui déshonorent le canton. Et s’il y avait erreur justement sur ce nom ? Je ne peux accepter l’idée que ces braves gens que je photographie puissent être d’horribles criminels. Chaque fois que l’un d’eux pose devant moi, je ne vois que des hommes simples, honnêtes et je n’éprouve aucune crainte, même pas la plus petite appréhension. Il me semble que dans le cas contraire j’aurais un pressentiment, que des sentiments de répulsion, de terreur se manifesteraient.

Le brigadier ne dit rien, porta la main à son bicorne, commença de s’éloigner puis revint sur ses pas :

— Ne le prenez pas mal, mais permettez ce conseil : lorsque vous ferez entrer un de ces anciens mobiles dans votre voiture laissez la porte ouverte, que chacun au-dehors puisse voir ce qui se passe à l’intérieur. On n’a pas l’habitude par ici qu’une jeune et… jolie femme s’enferme avec un homme. D’autant plus que si la lumière vous fait défaut le temps de pose s’en allonge d’autant.

Elle accepta cette dernière suggestion avec plus de sérénité que le reproche au sujet de son voile de veuve.

— Les panneaux portant les miroirs que j’ouvre pour éclairer le sujet sont délicats à orienter et la porte ouverte provoquerait un contre-jour néfaste qui risquerait de voiler le cliché. Je ne m’en rendrais compte qu’au développement qui dans certains cas intervient des heures plus tard. De plus, un courant d’air désagréable risque de circuler entre ces deux ouvertures.

— Exigez qu’une personne, femme, ou voisin accompagne l’ex-mobile. Vous savez, Lanet c’est vraiment un petit village à l’écart. Les habitants sont paisibles, mais un rien peut les effaroucher.

— Je ne sais si je rejoindrai Mouthoumet ce soir. J’ai encore trois heures de route jusqu’à Lanet et je devrai parlementer un bon moment avec cet ex-mobile, comme j’y fus contrainte avec tous les autres déjà, pour qu’il accepte d’être photographié. D’ailleurs je comprends très bien leur surprise et leur réticence.

— Ma pauvre dame, tout le canton est en ébullition depuis le début, depuis que Clément Garbès fut votre premier modèle. Soyez sûre que Gilbert Ponson vous attend. Et il n’est pas homme à inventer de mauvais prétextes pour échapper à cette contrainte. Ce n’est pas avec lui que vous aurez des ennuis.

Le col franchi, elle grimpa sur son siège et laissa Roumi aller à son pas. Dans le hameau de Savignan, elle aperçut la voiture d’un épicier forain et s’arrêta pour faire quelques achats. Les trois femmes en noir qui la précédaient se retournèrent pour la regarder avec mépris, et pour la première fois depuis un an elle estima que son chagrin était entaché par cette attitude de rejet. Elle faillit renoncer à se faire servir mais l’épicier la connaissait et garda sa bonhomie Par esprit de corps. Comme lui elle faisait de la route.

Elle atteignit Lanet en début d’après-midi et presque aussitôt un grand gaillard en costume de velours se présenta, l’air grave :

— C’est pour moi que vous venez à Lanet, dit-il avec gentillesse. Je suis Gilbert Ponson, l’ex-mobile. Je vous guettais. Depuis chez moi je vois jusqu’au Pont d’Orbieu. Il est costaud votre cheval. Vous ne venez pas souvent ici.

— Les gens de Lanet descendent volontiers à Mouthoumet pour se faire photographier. Merci de m’éviter de vous chercher dans le village, mais pouvez-vous demander à votre femme de vous accompagner ?

— Ma femme ? Mais elle est au moulin pour prendre de la repasse pour ses poules. Elle ne veut pas se faire photographier.

— Monsieur Ponson, je préfère que quelqu’un vous accompagne. Ne croyez pas que je me méfie de vous, mais j’ai eu connaissance de certaines rumeurs me reprochant de m’enfermer avec des hommes pour les photographier. Comme je ne peux laisser la porte ouverte, ce qui gâcherait le cliché, je vous demande de trouver quelqu’un qui vous accompagnera à l’intérieur de la voiture.

— Il y a ma mère, mais elle va faire des manières, vouloir se changer. Et cette chose l’inquiète.

— J’attendrai.

Par chance, la femme de Ponson arriva poussant sa brouette chargée d’un sac de repasse, du son acheté au moulin sur l’Orbieu. Interloquée, elle entra timidement dans la roulotte, s’assit sur le divan craignant, dit-elle, de salir.

— Ce n’est pas la peine de descendre jusqu’à l’Orbieu pour rejoindre Mouthoumet, lui dit Gilbert Ponson avant de la quitter, prenez le vieux chemin des Plas, il est bien roulant vous verrez. Et comme il n’y a pas eu de grosses pluies vous n’aurez pas de boue. Ça vous raccourcit la distance d’une demi-lieue.

— Je voulais vous demander une précision, monsieur Ponson. Vous étiez aussi sur la Loire pendant la guerre ?

— Comme pas mal de mobiles de par ici.

— Est-ce que ce nom de Maison du Colonel vous dit quelque chose ?

— C’est là où votre pauvre mari s’est fait tuer avec tous les autres, y compris celui de Salza, Émile Grizal. Je ne l’ai su qu’après, bien après.

Sa femme avait quitté le divan, paraissait regarder autour d’elle avec surprise :

— C’est joliment arrangé, finit-elle par dire, vous avez même un évier, un poêle ! Moi je comprends qu’on voyage ainsi. Gilbert tu m’avais dit quelque chose au sujet de cet Émile Grizal ?

Son mari parut surpris :

— J’ai dit quelque chose, moi, sur ce pauvre garçon ? Il n’y a rien à dire sur lui.

— Rien de méchant au contraire. Lorsque tu es revenu, une fois démobilisé, tu m’as dit que ce Grizal était mort pour rien.

C’était un instant suspendu, d’une atroce fragilité, une bulle de savon qui pouvait éclater, disparaître, l’écho d’une parole déjà ancienne et floue. Gilbert Ponson fronçait les sourcils, paraissait fouiller dans ses souvenirs :

— Je n’avais rien à dire sur ce pauvre Grizal, répétait-il, inquiet qu’on puisse l’accuser d’avoir dit du mal d’un mort. Je l’ai peut-être aperçu à Mouthoumet une fois ou deux. Quand on montait à Salza on ne le rencontrait jamais puisqu’il était berger à la Coumo Ferregut.

— Je le sais bien, mais pourquoi disais-tu qu’il n’aurait pas dû mourir.

Zélie faillit se jeter à ses genoux, le supplier de chercher encore au plus profond de lui. Et puis l’appréhension d’une révélation insupportable la retint.

— Il n’aurait pas dû se rendre à la Maison du Colonel, voilà ce qui s’est dit. Non ce n’est pas tout à fait ça. Il devait porter un message. C’était une estafette. Voilà, il avait été choisi au hasard pour porter un message à l’officier qui se trouvait dans la Maison du Colonel.

— C’était un sergent, murmura Zélie.

— Oui c’est vrai un sergent. Grizal leur apportait l’ordre de se replier, mais il est tombé dans un traquenard, paraît-il, les Prussiens étaient tout autour de la maison. Ils l’ont laissé passer, les canailles, mais jamais il n’a pu en ressortir.

Déçue, Zélie hochait la tête avec un sourire qui devait être d’une pauvreté offensante pour la bonne volonté de ces gens.

— Je ne sais pas si c’est tout à fait ça, dit sa femme entêtée.

— Marguerite, on retarde Madame la photographe. Il lui faut le jour pour suivre le chemin des Plas. Il faut qu’elle parte maintenant pour arriver à Mouthoumet au crépuscule.

— Excusez-moi, dit cette femme, moi aussi je dois préparer le farnat pour les poules et le cochon, un porcelet parce que nous avons déjà tué l’autre.

— Parle français, bougonnait son mari.

— Je suis du pays, protesta Zélie, essayant de surmonter sa déception, et je sais que le farnat c’est une soupe avec du son, des épluchures, un peu de farine, des restes de pain pour le cochon et la volaille. Ma mère élève toujours son cochon, là-bas à Ferrais.

Alors qu’ils s’éloignaient, Zélie entendit nettement Marguerite Ponson réaffirmer à son mari qu’il avait dit autre chose au sujet de la mort d’Émile Grizal. Elle les regarda disparaître dans une rue du village, lourds l’un et l’autre de non-dits involontaires, resta immobile jusqu’à ce que Roumi s’agite.

Le chemin des Plas la conduisit rapidement jusqu’à Mouthoumet, mais elle fut forcée de marcher à cause de quelques fondrières.

Elle était en train de panser Roumi dans l’écurie de l’auberge lorsque la patronne Marceline la rejoignit :

— Vous voilà déjà ? Vous n’aviez pas d’autres villages à visiter.

Elle paraissait contrariée et Zélie pensa qu’elle manquait de chambre, voulait bien coucher dans son fourgon.

— Non. D’ailleurs il vaut mieux pas. Il y en a quelques-uns qui n’étaient même pas mobiles, encore moins soldats, qui boivent trop d’absinthes en disant n’importe quoi. Ce sont les cousins des Bourgeau qui mènent ce sale train. Et ils sont écoutés par les plus stupides.

— À mon sujet ?

Marceline lui tourna le dos pour soulever le couvercle du coffre aux caroubes, le claqua :

— Des abrutis dont je me passerais bien la plupart du temps. On vous servira dans votre chambre. Je ne veux pas qu’ils viennent foutre la pagaille chez moi.

— Mais oui Marceline, murmura Zélie, trop fatiguée pour protester. Pour ce soir j’accepte de me cloîtrer dans ma chambre, mais demain je repartirai pour quelques jours.

— Je vais vous faire monter un broc d’eau chaude.

Elle fit sa toilette, s’allongea sur le lit en essayant de ne penser à rien. Lorsqu’on frappa elle pensa qu’on apportait son souper, mais la petite servante lui dit que le capitaine Savane l’invitait à sa table. Et qu’il était superbe dans son uniforme de chasseur d’Afrique.

— Qu’il aille au diable ! commença-t-elle par répondre.

Puis elle se mit à rire :

— Je descends dans dix minutes.

Elle prit son temps, se changea et le fit attendre au-delà d’une demi-heure.

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