28

Bien que Toby Bailey lui ait fourni de sérieuses pistes, Sandra poursuit ses investigations auprès des employés de Doowap Advertising en suivant l’ordre alphabétique. Le tour de Cathy Hobson – un des noms mentionnés par Bailey – arrive enfin.

Sandra détaille Cathy tandis que celle-ci s’assoit. Jolie femme : mince, élégante, de beaux cheveux noirs.

— Merci de bien vouloir m’accorder quelques minutes, miss Hobson, attaque-t-elle, tout sourires. Je ne vous retiendrai pas longtemps. Je voudrais juste vous poser quelques questions au sujet de Hans Larsen.

Cathy incline la tête.

— Vous le connaissiez bien ?

— Pas très bien, non, reprend Cathy en fixant le mur derrière Sandra.

Inutile de la confondre pour le moment.

— Je lis ici qu’il était plus ancien que vous dans la maison. Dites-moi, quelle sorte d’homme était-ce ?

Cathy dirige maintenant son regard vers le plafond.

— Très… extraverti.

— Oui ?

— Avec un goût prononcé pour les blagues salaces.

— En effet, on m’a dit qu’il aimait raconter des histoires grivoises. Cela vous gênait-il, miss Hobson ?

— Moi ? fait Cathy, surprise, en regardant pour la première fois son interlocutrice. Non.

— Que pouvez-vous encore me dire sur lui ?

— Euh… Pour autant que je le sache, il était très compétent dans son domaine. À dire vrai, nous avions rarement l’occasion de travailler ensemble.

— Et encore ? l’encourage Sandra. Le moindre détail peut faire avancer l’enquête.

— Il était marié, mais j’imagine que vous étiez au courant. Sa femme s’appelle, euh…

— Donna-Lee.

— C’est ça, oui.

— Une femme charmante, non ?

— Très jolie, en tout cas. À vrai dire, je ne l’ai vue qu’une ou deux fois.

— Elle passait parfois à l’agence ?

— Non, pas à ma connaissance.

— Dans ce cas, où l’avez-vous rencontrée ?

— Oh ! Il arrive qu’on prenne un verre ensemble, entre collègues.

— Tous les vendredis, précise Sandra après avoir consulté ses notes. C’est du moins ce qu’on m’a dit.

— Exact. Sa femme passait parfois un moment avec nous.

— Dans ces occasions, vous est-il arrivé de lier conversation avec Hans ? interroge Sandra en la dévisageant.

— Pas plus qu’avec les autres membres de notre groupe. Des fois, on allait voir un match de hockey ensemble, quand des clients nous offraient des billets. Oh ! s’exclame-t-elle en plaquant une main sur sa bouche. Ce n’est pas illégal, au moins ?

— Pas que je sache, la rassure Sandra, amusée. D’ailleurs, ce n’est pas mon rayon. Quand vous voyiez Hans et sa femme ensemble, vous paraissaient-ils heureux ?

— Je n’en sais rien… J’imagine que oui. Mais comment savoir ce qui se passe réellement dans un couple ?

— Je ne vous le fais pas dire.

— Elle, en tout cas, avait l’air heureuse.

— Qui ça ?

— Vous savez bien… La femme de Hans.

— Qui s’appelle… ?

— Pour… balbutie Cathy, décontenancée. Donna-Lee ?

— C’est ça, Donna-Lee.

— C’est vous qui me l’avez dit tout à l’heure, lance Cathy d’un ton vaguement accusateur.

— C’est ma foi vrai, acquiesce Sandra en faisant défiler sa liste de questions sur l’écran de son ordinateur de poche. Autre chose : à en croire certains de vos collègues, Hans avait la réputation d’un homme à femmes.

Cathy garde le silence.

— Est-ce exact, Mrs Hobson ?

C’est la première fois que Sandra lui donne son titre de femme mariée.

— Euh… oui. Enfin, je crois.

— Quelqu’un m’a affirmé qu’il avait couché avec pas mal des employées de cette agence. Vous étiez au courant ?

— Plus ou moins, répond Cathy en ôtant une peluche invisible de sa jupe.

— Mais vous n’avez pas cru bon de le mentionner ?

— Je ne voulais pas…

— Salir la mémoire d’un mort, bien sûr. Pardonnez mon indiscrétion, poursuit Sandra avec un sourire désarmant, mais vous-même, avez-vous eu une… aventure avec lui ?

— Certes non ! s’offusque Cathy. Vous oubliez que je…

— Vous êtes mariée, complète Sandra sans se départir de son sourire. Toutes mes excuses.

Cathy ravale ses protestations, mais l’expression de son visage ne la trahit que trop.

— Et parmi vos collègues ?

— Non.

— Pourtant, il devait bien courir des bruits ?

— En effet. Mais je n’ai pas pour habitude de colporter les ragots, ajoute Cathy d’une voix raffermie, et je ne crois pas que vous ayez autorité pour m’y obliger, inspecteur.

Sandra fait mine de s’incliner et referme son mini-ordinateur.

— Je vous remercie de votre franchise, dit-elle d’un ton assez neutre pour être taxé de sincérité ou d’ironie, au choix. Une dernière question ; je vous demande encore pardon, mais il est de mon devoir de vous la poser. Où étiez-vous le 14 novembre entre 8 heures et 9 heures du matin ? C’est à ce moment que Hans a été tué.

— Voyons, fait Cathy en penchant la tête de côté. À cette heure-ci, je suis généralement sur le chemin du bureau. Maintenant que j’y songe, ce matin-là, je suis passée prendre Carla chez elle pour la conduire à son travail.

— Carla ?

— Carla Wishinski, une amie qui habite tout près de chez nous. Sa voiture était au garage, aussi elle m’avait demandé de la dépanner.

— Je vois. Encore merci, miss Hobson, dit Sandra en jetant un coup d’œil à sa liste. En sortant, vous voudrez bien demander à Mr Stephen Jessup de venir me trouver ?

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