Grâce à la fonction AIDE, les trois clones ont découvert le moyen de s’introduire dans le plus vaste réseau d’ordinateurs au monde : le Net.
America Online. BIX. CompuServe. Delphi. EuroNet. FidoNet. GEnie. Helix. Internet… Toute une flopée de systèmes branchés online via le protocole Universal Gateway.
À présent, les clones ont accès à tout. La recherche en IA requiert des ordinateurs très puissants, comme le sont ceux de Sarkar. Une plus grande charge des processeurs ici ou là passera inaperçue.
Le Net contient non seulement du texte, mais aussi des millions d’images : simples quidams en tenue de plage ou stars de cinéma plus ou moins dévêtues, dessins animés, vidéo-clips, images de la NASA, fichiers multimédia, jeux interactifs permettant d’affronter des adversaires – hommes ou machines – du monde entier, dans l’anonymat le plus complet… Forums et messageries électroniques, journaux, magazines, banques de données spécialisées, etc.
Les clones naviguent des jours entiers sur cet océan de données, surfant au gré de leurs envies.
L’un d’eux, en particulier, est très intrigué par ce qu’il découvre. Il semble qu’on puisse trouver presque tout sur le Net. On négocie des actions. Des marchandises de toutes sortes trouvent acquéreur et sont ensuite expédiées aux quatre coins du monde. Des collectionneurs échangent des timbres rares. Des gens cherchent des réponses aux questions les plus diverses. Des histoires d’amour voient le jour dans les pages d’un e-mail…
Oui, on trouve presque tout sur le Net…
Il pense à la cause de son chagrin et au moyen d’y remédier. Comment cette idée lui est-elle venue, quand elle n’a jamais effleuré l’esprit du vrai Peter ?
Il l’examine en détail avant de la repousser : quelle folie ! Il devrait avoir honte de s’y être seulement arrêté.
Mais au fond, qu’est-ce qu’il risque ?
Dans un sens, il rendrait un fier service au monde. Pas seulement à ce monde-ci, éphémère et virtuel, mais aussi à l’autre, le vrai. Un monde de chair… et de sang.
Il attend un jour, histoire d’être sûr. Le lendemain, comme sa volonté n’a pas fléchi, il s’accorde un délai supplémentaire.
Pourtant, il a l’intime conviction que c’est non seulement souhaitable mais juste, selon des critères moraux fichtrement bien simulés.
Encore quelques jours pour se familiariser avec les pratiques du Net, puis il passe à l’action.
Sous un pseudonyme, il insère une annonce dans une messagerie spécialisée dans les offres de services spéciaux :
Date : 10 nov. 2011, 03:42 EST
From : Vengeur
To : tous
Subject : élimination
J’ai un problème avec quelqu’un à Toronto et voudrais bien en être débarrassé. Suggestions ?
Comme toujours sur le Net, son message lui vaut un tas de réponses idiotes, jeux de mots foireux (« Besoin d’éliminer ? T’as qu’à pisser un coup ») ou remarques hors de propos (« J’ai visité Toronto en 1995. Quelle propreté dans les rues ! »). Mais il obtient aussi une réponse privée.
Tout à fait ce qu’il espérait.
Date : 10 nov. 2011, 23:57 EST
From : Exécutant
To : Vengeur (privé)
Subject : re : élimination
Aide possible. On pourrait se voir ?
Il répond sur-le-champ. Il ne s’était pas senti aussi excité depuis… Jamais. C’est presque aussi bon que l’adrénaline.
Date : 11 nov. 2011, 00:05 EST
From : Vengeur
To : Exécutant (privé)
Subject : re : élimination.
C’est mieux qu’on ne se voie pas. Le but recherché est l’élimination totale. On se comprend ?
Date : 11 nov. 2011, 09:17 EST
From : Exécutant
To : Vengeur (privé)
Subject : re : élimination.
Compris. Tarif : 100 000 $ CDN d’avance par TFE sur le compte 892-3358-392-1, première banque de Suisse (EFT : EuroSuisse 100).
Date : 11 nov. 2011, 09:44 EST
From : Vengeur
To : Exécutant (privé)
Subject : re : élimination.
O.K. pour le transfert. Je voudrais quelque chose d’un peu particulier. Dites-moi s’il en coûtera un supplément. Détails suivent…
Ce n’est pas une petite somme, mais le clone connaît les codes d’accès des différents comptes de Hobson Monitoring. Après tout, c’est un peu aussi sa société et son argent.
Pas de doute : on trouve presque tout sur le Net…