CHAPITRE 18

Yoninne resta dehors quelques secondes de plus, afin d’étaler le plus largement possible la coupole du parachute sur le sol broussailleux. Elle agissait avec une hâte fébrile, s’efforçant de résister à l’envie de regarder constamment par-dessus son épaule en direction des marais. Depuis qu’ils avaient découvert le moyen d’échapper à leurs poursuivants, elle s’attendait à les voir surgir à tout instant.

Elle finit par grimper à l’intérieur de la capsule plongée dans l’obscurité et laissa l’opercule entrouvert. L’espace y était encore plus mesuré que lorsque le traîneau motorisé se trouvait à bord. Samadhom, Bre’en et les Profanes partageaient l’habitacle avec plusieurs tonnes de lest en plomb, soigneusement réparti. Celui-ci leur serait utile s’ils réussissaient à atteindre le comté de Tsarang, mais leur tâche actuelle n’en était pas facilitée. Elle se carra dans le siège de sangles réservé au pilote — qu’Ajao avait laissé vide à son intention, prévoyant apparemment qu’elle aurait besoin de toute la place disponible.

« Allez-y doucement, Bre’en. Nous ne savons pas au juste ce qui va se passer. »

Coincé entre elle et Pelio, l’Homme des Neiges ne répondit pas, mais à l’extérieur les broussailles frémirent sous un brusque coup de vent. À travers les lames du hublot, Yoninne vit le parachute plaqué au sol. « Pas ainsi », dit-elle sèchement. « Téléportez de l’air en provenance d’une plus haute altitude. »

Le vent tomba pendant quelques instants avant de renaître, et la voilure kaki se souleva sous l’action de l’air. En quelques secondes, la coupole se gonfla devant leurs yeux, tendant les suspentes fixées au sommet de la capsule. Pelio sursauta en apercevant par l’étroit hublot l’immense disque kaki et comprit finalement grâce à quel prodige ils allaient pouvoir voler. Mais la force du vent restait insuffisante pour déployer complètement le parachute, dont le bord inférieur reposait toujours sur le sol. Bre’en devait y mettre de la mauvaise volonté, mais Leg-Wot ne fit aucune réflexion : ils se briseraient le cou s’ils ne décollaient pas prudemment. « Encore », se contenta-t-elle de dire à leur otage.

Le vent se changeait en un véritable ouragan au mugissement rythmé à mesure que l’Homme des Neiges téléportait des bouffées d’air toujours plus nombreuses à l’intérieur de la coupole. Les suspentes claquaient sous la tension irrégulière qu’elles subissaient, et la capsule rebondit brutalement avec un mouvement d’oscillation. Quelque chose — un bloc de pierre ? — heurta la coque et les projeta à un demi-mètre au-dessus du sol. La tempête déchaînée par Bre’en les traînait entre les rochers déchiquetés environnant le marécage. Hormis Yoninne et Bre’en, qui s’étaient attachés, tous les passagers se carambolaient et la cabine présentait l’aspect d’un chaos de pieds et de mains jaillissant dans tous les sens. Leg-Wot tira en vain de toutes ses forces sur la commande de contrôle de l’assiette. « Prenez de l’altitude, sinon nous allons tous y passer », cria-t-elle à l’Homme des Neiges. « Allez chercher l’air un peu plus à l’ouest », ajouta-t-elle en lui donnant un coup dans le côté. Bre’en dut s’exécuter, car le parachute s’éleva de vingt degrés et, après une dernière collision qui mit leurs os à rude épreuve, la capsule quitta le sol. Le vacarme s’atténua subitement, bien que leur impulsion résultât toujours de la tempête créée par Bre’en. Quand Leg-Wot passa la tête par l’écoutille, elle vit les buissons et les rochers défiler à deux mètres en contrebas. S’ils avaient à présent la malchance de heurter un obstacle quelconque, la coque volerait en éclats. Elle manipula le levier d’orientation du parachute pour tenter d’en diriger la traction. Les commandes manuelles de l’engin étaient parfaitement conçues et l’angle ascensionnel atteignit bientôt quarante-cinq degrés. Mais leur vol restait saccadé et lui rappelait l’antique appareil à réaction que son père lui avait un jour laissé piloter. Elle tenait cependant la situation bien en main et la distance augmentait entre le sol et eux.

La poussée devint plus irrégulière et Bre’en se mit à haleter dans son fauteuil de sangles. Leg-Wot lui toucha le bras. « Reposez-vous un instant. »

L’autre acquiesça sans lever les yeux, et la tempête qui hurlait autour de la capsule diminua d’intensité. Yoninne ouvrit le panneau et regarda défiler la terre au-dessous d’eux. L’altimètre de la capsule indiquait qu’ils avaient atteint une hauteur de deux mille cinq cents mètres. Elle le croyait sans peine : le sol semblait lisse et presque velouté — et le soleil rasant allongeait les ombres bleues sur les collines ocre. Compte tenu de leur vitesse de chute actuelle — environ huit mètres à la seconde — Bre’en disposait de près d’une minute pour se détendre.

Derrière eux, un anneau vert foncé se détachait au milieu du désert ; elle reconnut l’oasis à l’atmosphère délétère qu’ils venaient de quitter. Mais le marécage avait cessé d’être vide ! Une nef de forme ovoïde venait de se matérialiser en plein centre. Elle crut même distinguer de minuscules silhouettes, debout parmi les broussailles de la rive.

Pelio se pencha par-dessus l’épaule de Bre’en afin de regarder au-dehors. Il contempla d’abord le spectacle en silence, puis éclata de rire. « Nous sommes trop haut. Ces imbéciles nous voient, mais ils ne peuvent pas nous sonder. Sauvés ! Nous sommes sauvés ! » Il parut brusquement se rendre compte de la distance qui les séparait du sol et, avec un frisson, s’écarta prudemment de l’ouverture.

Mille mètres. « Une nouvelle poussée, Bre’en. »

L’Homme des Neiges ouvrit les yeux et regarda par le panneau d’un air hébété. Yoninne se demanda s’il n’allait pas se mettre à hurler. S’étant aperçu que leur chute restait relativement lente, Bre’en se concentra afin d’obéir à l’ordre de Leg-Wot. Une rafale d’explosions produites par de l’air à haute vélocité retentit une fois de plus au-dessus de leurs têtes et le parachute s’inclina vers l’occident au moment où le vent s’engouffrait sous la voilure. Yoninne évalua leur vitesse à plus de soixante mètres à la seconde ; à condition de manœuvrer correctement les commandes du parachute, la force développée profiterait entièrement à leur ascension.

Au bout d’une minute, Leg-Wot fit un signe à l’Homme des Neiges, qui relâcha immédiatement son effort. Un calme relatif s’établit aussitôt à l’intérieur de la cabine. L’altimètre marquait quatre mille mètres. Pas mal ; même avec tout ce lest, nous nous en tirons plutôt bien. L’oasis abandonnée s’estompait au loin dans la clarté matinale. Pour le moment, ils n’avaient plus à s’occuper que de la capsule.

Yoninne orienta le parachute de manière à faciliter au maximum sa dérive en direction de l’occident et se mit à observer ses compagnons. Bre’en s’était enfoncé dans son siège, les yeux clos et l’air à demi inconscient. Tassés l’un contre l’autre du côté gauche de l’habitacle, Pelio et Ajao ne donnaient pas l’impression de trop souffrir de cet inconvénient. Quant à Samadhom, il était confortablement couché en travers de leurs girons, sa grosse tête reposant sur les genoux de Pelio. Il la penchait de côté à intervalles réguliers, et un faiblemip s’exhalait de son museau caché à la vue. Pauvre vieux ! S’il s’était agi d’un être humain, elle aurait dit qu’il commençait à délirer.

Pour peu que Sam perdît connaissance, la fortune risquait de changer de camp, car Bre’en serait alors en mesure de se débarrasser d’eux. Il ne resterait plus ensuite à l’Homme des Neiges qu’à téléporter la capsule en sens inverse, jusqu’à l’oasis qu’ils venaient de quitter, où il recouvrerait la liberté. Cette vision de la situation n’était pourtant pas tout à fait exacte. Ils progressaient actuellement à plusieurs kilomètres d’altitude — et on ne pouvait négliger les effets qu’impliquait une pareille altitude : à moins que Bre’en ne disposât d’une masse substitutive téléportable, il périrait victime de la température en se téléportant de si haut. Mais l’obstacle n’était pas totalement insurmontable : eux une fois morts, Bre’en n’aurait plus qu’à attendre, pour « sauter », que le parachute eût amené la capsule à une altitude convenable.


Mais Bre’en en avait-il conscience ? Comprenait-il réellement l’utilité du parachute ? Yoninne parviendrait peut-être à le convaincre que, sans son concours, la capsule ne ferait que tomber comme une pierre. Sa main glissa en arrière afin de saisir l’accélérateur de chute suspendu à droite de son siège, hors de la vue de Bre’en.

Bre’en sortit de sa torpeur quelques instants plus tard. Après lui avoir jeté un rapide coup d’œil, Yoninne affecta de se concentrer sur le levier qu’elle manœuvrait de la main gauche. « Je veux vous montrer quelque chose, Bre’en. Vous verrez que vous n’êtes pas la seule personne nécessaire pour nous maintenir en l’air. » Elle attendit que l’interpellé lui eût accordé son attention pour écarter sa main gauche du levier, tout en se servant subrepticement de la droite pour tirer d’un coup sec l’accélérateur de chute, provoquant, dans le dôme kaki qui se balançait quelque part au-dessus d’eux, l’ouverture de dizaines de minuscules volets. Sa descente échappant à tout contrôle, la capsule se précipita en chute libre à la rencontre du désert.

Les yeux de Pelio s’agrandirent. Bre’en poussa un cri avant de tenter désespérément de ralentir leur chute. L’Homme des Neiges téléportait sans relâche de l’air sous la coupole, mais la voilure ne présentait plus suffisamment de surface au vent et leur chute continua. Yoninne attendait, résistant à la tentation pressante d’intervenir avant que Bre’en n’eût paru se rendre compte de la vanité de ses efforts. Puis elle agrippa les commandes avec ostentation et les manœuvra hâtivement en tous sens. Simultanément, elle remit de la main droite l’accélérateur de chute au point mort, priant le ciel pour que la voilure se retende.

Sa prière fut exaucée. Leur chute prit fin avec une vibration prolongée des suspentes, tendues à craquer, et la capsule poursuivit sa descente à sa vitesse originelle de huit mètres à la seconde. Yoninne jeta un regard sur le tableau de bord simplifié de la capsule. Ils n’avaient perdu que deux cents mètres et, chose plus surprenante encore, toute l’affaire n’avait duré que sept secondes. Elle replaça le parachute sur sa trajectoire initiale, avant de manipuler les commandes d’un air important durant quelques secondes supplémentaires. La main toujours posée sur le levier, elle se tourna vers Bre’en. « Vous avez saisi ? »

Thredegar Bre’en hocha la tête sans mot dire. Elle remarqua l’expression impénétrable du visage d’Ajao, qu’elle savait traduire un amusement soigneusement dissimulé.

Ils volèrent en silence pendant plusieurs minutes. Le désert ressemblait à présent à une immense dalle en béton de couleur fauve, jonchée de cailloux et souillée de flaques d’huile de moteur.

Le sol paraissait graduellement se rider. De grandes ombres escaladaient les pentes des premiers vallonnements, dont elles semblaient constituer les contreforts. Yoninne se pencha au-dehors par l’écoutille et le vent lui cingla le visage : en face, les montagnes s’élevaient à près de mille mètres au-dessus d’eux et leurs sommets bruns et arrondis étaient parsemés d’arbres, qui paraissaient autant de grains de poivre répandus sur le sable.

Elle fit donner par Bre’en une nouvelle poussée à la nacelle, et une seconde poussée quelques minutes plus tard. Si, à chaque fois, ils se rapprochaient rapidement des montagnes, ils s’élevaient également de plusieurs centaines de mètres simultanément. Yoninne ne cessait d’avaler sa salive afin d’atténuer la pression qui s’exerçait sur ses tympans.

Ils franchirent la ligne de faîte en passant à moins de cinq cents mètres au-dessus du pic le plus élevé. Sur les branches des arbres croissant sur ses flancs, elle aperçut de minuscules taches de couleur qu’elle prit pour des fleurs. Mais, aussi grandiose que fût la vue qui s’offrait à leurs yeux, le paysage qui défilait au-dessous d’eux pouvait difficilement rivaliser avec le spectacle qu’elle entrevoyait au-delà des sommets : la mer, réduite pour l’instant à une ligne bleu foncé le long de l’horizon occidental ! Le terrain qui s’étendait entre les montagnes et la côte était verte — et non plus ocre ou marron comme le désert qu’ils venaient de laisser derrière eux. Cette superbe bande de verdure se déroulait en direction du nord, aussi loin que pouvaient porter ses regards. Ils survolaient désormais le comté de Tsarang.

Il ne leur restait plus qu’à descendre, ce qui allégeait la tâche de Bre’en. Yoninne jugea qu’ils pourraient, en cas de nécessité, pousser jusqu’à la côte. « Reconnaissez-vous quelque chose, Pelio ? » demanda-t-elle.

Pelio se pencha par-dessus Bre’en pour jeter un coup d’œil au-dehors. Bien que des lucarnes fussent pratiquées dans la coque, à proximité de l’endroit où il se tenait, l’écoutille ouverte offrait une vue plus satisfaisante. Samadhom glissa lourdement de son giron et roula mollement contre la paroi. Pelio se retourna et prit la tête de Sam entre ses bras. Il regarda ensuite Yoninne et, quand il parla, sa voix tremblait légèrement : « Samadhom est encore en vie, j’en suis sûr… »

Mais il a perdu connaissance, pensa Leg-Wot. Les yeux de Bre’en se posèrent successivement sur l’ours et sur Yoninne.Dieu merci, Bre’en est persuadé que la capsule serait ingouvernable sans notre aide.


À regret, Pelio déposa Sam sur le tas de lest et regagna l’écoutille. Il tourna les yeux vers le nord avant de s’agripper des deux mains aux bords de l’ouverture et se pencher au-dehors pour regarder vers l’avant. « Nous avons réussi, Ionina », dit-il à voix basse. « Le centre de la ville de Tsarangalang est situé sur la droite de notre trajectoire. Il ne peut pas être éloigné de plus de quelques kilomètres. »

Ils se sourirent niaisement pendant un moment, puis Pelio se retourna vers Samadhom.

Yoninne orienta délicatement la coupole et la capsule obliqua dans la direction indiquée par Pelio. Ils ne se trouvaient plus maintenant qu’à deux mille mètres d’altitude. La contrée qu’ils apercevaient au-dessous d’eux paraissait sauvage par comparaison avec Mèreplanète, mais Yoninne se dit qu’il devait s’agir d’un verger azhiri, car la végétation était piquetée de points rouges, et elle distinguait çà et là de grandes piles de fruits prêtes pour le transport. Un bâtiment apparaissait aussi parfois à travers le feuillage.

À l’autre extrémité de la cabine, Pelio parlait doucement à Sam. Tant que l’ours n’aurait pas été ranimé, la peur de s’écraser au sol qui hantait Bre’en serait la seule raison qui empêcherait celui-ci de se débarrasser d’eux. Or cette crainte diminuerait fatalement à mesure que la capsule se rapprocherait de la terre.


Ils survolèrent bientôt les quartiers centraux de Tsarangalang, ce que suggérait l’espacement des bâtiments ne dépassant pas quelques centaines de mètres. Droit devant s’étalait le disque bleu du lac de transit de la cité où ils allaient devoir se poser car, en raison de la présence à bord de plusieurs tonnes de lest, ils perdraient de l’altitude à une telle vitesse que Pelio et Ajao, dépourvus qu’ils étaient de moyens de protection contre les effets de la décélération, se fussent ressentis fâcheusement d’un atterrissage sur la terre ferme.

Yoninne décrivit une large courbe autour du lac en s’efforçant de se maintenir à la même altitude, afin d’accorder davantage de temps à Pelio et Samadhom. Si le besoin s’en faisait sentir, elle pourrait toujours contraindre Bre’en à imprimer une nouvelle poussée à la capsule. Mais que se passerait-il si le prince ne parvenait pas à faire reprendre connaissance à Sam ? Qu’arriverait-il si Sam mourait ? Elle préférait ne pas penser à cette éventualité, maintenant qu’ils touchaient au but.

Un faiblemip s’éleva tout à coup de la masse velue de l’ours et Pelio tourna vers Yoninne un regard triomphant. Elle eut envie de hurler de joie. Elle ouvrit légèrement les volets d’accélération et la capsule se précipita à la rencontre du lac à une vitesse de près de quatorze mètres à la seconde. Leg-Wot repoussa entièrement le panneau et la lumière du soleil matinal ruissela par-dessus son épaule à l’intérieur de la cabine. La forte brise qui sifflait autour d’eux leur apportait l’odeur de la végétation. Dans quelques secondes, nous serons en sécurité au sol.

Quatre cents mètres. Malgré l’euphorie qui s’était emparée d’elle, son bon sens ne l’avait pas abandonnée. « Pelio, dit-elle, placez-vous entre Samadhom et Bre’en, si vous voulez bien. » Jusqu’à présent, la menace avait suffi pour tenir en lisière l’Homme des Neiges, car celui-ci ne doutait pas un instant que la cause des Profanes fût sans espoir. Mais, la victoire leur souriant, ne fallait-il pas s’attendre de sa part à une tentative désespérée ?

Pelio transféra le poids de Sam sur les genoux d’Ajao et se retourna pour faire face à Thredegar Bre’en. Se cramponnant solidement d’une main, il brandit la machette de l’autre.

Cent mètres : Yoninne ferma les volets d’accélération. Elle desserra son harnais et se pencha par l’écoutille, tout en gardant la main gauche posée sur le levier. Ils descendaient en direction de la rive du lac — à l’écart des quais — où elle espérait que l’eau serait relativement peu profonde ; lestée comme elle l’était, la capsule flotterait en effet autant qu’un tas de plomb.

À terre, une foule d’autochtones les observaient bouche bée : les nouvelles circulent vite dans une société d’individus doués pour la téléportation. Si leur étonnement tournait à la panique, ils étaient capables de volatiliser la capsule.

Le sol était maintenant si près qu’elle pouvait distinguer les touffes d’herbe croissant entre les blocs de pierre amoncelés au bord de l’eau. Elle manœuvra afin de placer le parachute sur la trajectoire d’un infime courant d’air ascendant et évalua leur vitesse de chute à six ou sept mètres à la seconde. Ils toucheraient l’eau plus doucement qu’une nef au terme d’un saut d’une lieue.

Bang. Le coup de vent qui claqua contre la paroi de la capsule était beaucoup trop brutal pour paraître naturel. Yoninne fut à moitié éjectée hors de l’écoutille avant que le harnais ne parvienne à freiner son élan. Elle crut un moment qu’un indigène effrayé les avait attaqués ; mais, réintégrant la cabine, elle s’aperçut que Pelio était tombé en avant et que Bre’en lui avait immobilisé la main dans laquelle il tenait la machette.

L’Homme des Neiges s’acharnait sauvagement sur Sam et sur Ajao. L’ours jappa à deux reprisés puis se tut. Bre’en n’hésita qu’une fraction de seconde, le temps de se rendre compte que l’animal était de nouveau réduit à l’impuissance, et se retourna vers Pelio.


« Non ! » hurla Yoninne en s’élançant dans l’étroit espace qui les séparait, ses mains jointes formant massue. Bre’en l’esquiva habilement et, pendant un instant qui lui sembla durer une éternité, il plongea de petits yeux cruels dans les siens.

Quelque chose explosa à l’intérieur de son crâne et elle ne vit, n’entendit et ne sentit plus rien.

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