Bien que Bob ne partageât pas l’imbroglio de pensées qui agitaient l’esprit du Chasseur, il mit un certain temps à s’endormir. Hay s’était rendu, comme prévu, chez Malmstrom, et avait bavardé quelques instants avec le malade en compagnie de Bob jusqu’au moment où on les avait priés de partir pour laisser reposer leur camarade. Bob n’avait pas du tout suivi la conversation.
Le Chasseur avait déclaré qu’il était à même de fournir un plan d’action, et Bob qui, de son côté, en était incapable, s’étonnait d’avoir été dépassé dans cette recherche. Cette situation l’ennuyait et il essayait de reconstruire le raisonnement qu’avait pu tenir le Chasseur en partant de la découverte du morceau de métal sur la plage.
De son côté, le Détective n’était pas content de lui. En effet, c’était lui qui avait aiguillé Bob sur cette voie, dont il n’espérait d’ailleurs pas grand-chose, mais qui aurait dû permettre à son hôte d’agir de son côté en le laissant libre de travailler sur les données et les renseignements qui convenaient mieux à sa façon personnelle de raisonner. Et pourtant, là aussi, il avait échoué et se rendait compte maintenant combien il avait négligé certains problèmes depuis quelques jours en dépit des divers éléments que Bob et le docteur lui fournissaient sans cesse. Par chance, Bob avait suivi ses propres pensées au sujet du piège où il s’était blessé à la jambe. S’il ne s’était pas arrêté longuement à cet événement, le Chasseur aurait dû commencer à examiner Teroa et les autres garçons comme il avait été primitivement convenu. Dans ce cas le Chasseur aurait abandonné le corps de Bob pendant des périodes interminables de trente-six heures au moins, au cours desquelles il n’aurait pu enregistrer toutes les preuves qu’on lui apportait volontairement ou non, chaque jour. La plupart n’avaient aucune valeur, mais, reliées entre elles, elles donnaient naissance à un ensemble particulièrement intéressant.
Le Chasseur attendait avec impatience que son hôte s’endormît. Il devait agir, et agir très vite. Bob avait les yeux fermés, et le Chasseur n’était plus en rapport avec le monde extérieur que par les sensations auditives de Bob. Néanmoins, les battements de cœur du jeune garçon et sa respiration prouvaient qu’il était encore éveillé. Pour la millième fois le Détective regretta de ne pouvoir lire dans les pensées de son hôte.
Il avait un peu l’impression de se promener dans une allée noire, obligé qu’il était de transcrire tout ce qu’il entendait. Des bruits divers lui permettaient tout de même de se faire une idée assez exacte de l’endroit où il se trouvait et des environs. Il écoutait le bruit sourd et incessant des brisants qui lui parvenait d’un kilomètre au-delà de la colline, puis le faible bourdonnement des insectes de la forêt voisine où se mêlait de temps à autre le bruissement de petits animaux fuyant pour sauver leur vie. Il percevait beaucoup plus distinctement le bruit que faisaient les parents de Bob en allant se coucher.
Ils avaient discuté longuement tout au long de la soirée, mais, à présent, s’efforçaient d’être silencieux en approchant de la chambre de Bob. Celui-ci avait sans doute été le sujet de la conversation et ils ne voulaient pas le déranger. Le jeune garçon les entendit néanmoins et il cessa de bouger le pied et respira moins fort. À ces changements, le Chasseur comprit que Mme Kinnaird venait jeter un coup d’œil dans la chambre de son fils et que celui-ci tenait à donner l’impression qu’il dormait. Quelques instants plus tard, le Chasseur entendit se fermer une autre porte. Au moment où Bob sombra enfin dans le sommeil, le Chasseur était très énervé et impatient, mais toutefois pas assez pour négliger de s’assurer du sommeil profond de son hôte. Lorsqu’il en fut certain, il décida d’agir sur-le-champ. Son corps gélatineux émergea peu à peu des pores de la peau de Bob, puis le Chasseur traversa draps et matelas, et deux à trois minutes plus tard toute la masse de son corps se trouvait sous le lit du jeune garçon.
Le Chasseur resta un moment à écouter pour être sûr qu’aucun bruit insolite ne retentissait dans la maison, puis il se glissa vers la porte et étendit un pseudopode muni d’un œil dans l’entrebâillement. Il était en route pour se livrer à un examen personnel de la personne suspecte et était à peu près certain d’avoir raison. Il n’avait pas oublié les arguments avancés par le docteur pour remettre un tel examen à plus tard jusqu’au moment où il aurait décidé des mesures à prendre au cas où il trouverait quelque chose. Le Chasseur sentait néanmoins qu’une faille sérieuse existait dans ce raisonnement. En effet si l’hypothèse du Chasseur se révélait exacte, Bob, sans le savoir, était entraîné dans une aventure qui pouvait lui être extrêmement douloureuse. On ne pouvait plus attendre pour être fixé.
Une lampe était allumée dans le couloir, mais elle n’était pas assez lumineuse pour gêner le Chasseur qui, à l’instant présent, avait la forme d’une longue ficelle de l’épaisseur d’un crayon s’étendant sur plusieurs mètres le long du mur. Il s’arrêta de nouveau pour écouter longuement les bruits de respiration qui provenaient de la chambre des parents Kinnaird. Satisfait de son examen et estimant que tous deux devaient être endormis, il entra. La porte de la chambre était fermée, ce qui d’ailleurs ne le gênait nullement, car la moindre fissure lui suffisait et, en dernière ressource il lui restait le trou de la serrure.
Il avait déjà appris à reconnaître la différence de son et de rythme que donnait la respiration de l’homme et de la femme, et sans hésitation il se transporta sous le lit du suspect. Une colonne de gelée s’éleva lentement jusqu’à toucher le matelas, puis le reste du corps sans forme suivit la même voie et se rassembla dans le matelas. Avec beaucoup de précautions le Chasseur essaya alors de découvrir le pied du dormeur. Sa technique était très au point à présent et s’il l’avait voulu, il aurait pu très facilement entrer dans le corps beaucoup plus rapidement qu’il ne l’avait fait pour Bob la première fois, car il n’avait plus à se livrer à des explorations pour reconnaître l’endroit où il lui était plus facile de se glisser. Toutefois il n’avait pas l’intention d’entrer tout de suite dans le corps et il resta dans le matelas pendant que de fins tentacules commençaient à pénétrer dans la peau. Ils n’allèrent d’ailleurs pas très loin.
La peau humaine est faite de plusieurs couches de cellules différentes, mais toutes sont en général de la même grandeur et de la même forme, qu’elles soient mortes et cornées comme celles que l’on rencontre en premier ou sensibles et vivantes comme celles de l’épithélium sous-cutané. Normalement, il n’existe pas de couches ou même de réseaux discontinus de cellules plus sensibles et plus mobiles que les autres. Bob possédait un tel réseau, car le Chasseur l’avait tissé pour sa propre sauvegarde. Le Détective ne fut pas surpris le moins du monde de découvrir un réseau semblable juste sous l’épiderme de M. Arthur Kinnaird. C’était même ce à quoi il s’attendait. Les cellules rencontrées détectèrent et reconnurent les tentacules lancés par le Chasseur. Durant quelques instants, des mouvements désordonnés et des réactions bizarres agitèrent ces cellules, qui semblaient vouloir éviter tout contact avec le Chasseur. Puis, elles s’immobilisèrent de nouveau ; car l’être à qui elles appartenaient avait dû se rendre compte qu’il était inutile de résister.
Le corps du Chasseur se répandit le long de ce réseau et bon nombre de ces cellules se collèrent aux autres et transmirent un message. Il ne s’agissait naturellement pas d’un discours, et ni le son ni la vue, ni tout autre sens humain n’avait cours dans ce monde. La télépathie n’avait rien à y voir non plus et il n’existe aucun autre mot dans notre vocabulaire pour désigner d’une façon précise le moyen par lequel cette communication fut établie. On peut dire que les systèmes nerveux de deux créatures s’étaient intimement fondus pour l’instant présent afin que toute sensation ressentie par l’un le fût également par l’autre.
Le message ne pouvait, évidemment, pas être traduit en mots, mais il avait un sens, et un sens beaucoup plus précis que n’auraient pu lui donner des phrases très compliquées.
« Heureux de te retrouver enfin, Criminel ! Je m’excuse d’avoir mis tant de temps à te découvrir.
— Inutile de t’excuser, Chasseur, surtout en de telles circonstances, et je t’avoue que je comprends mal les plaisanteries. Que tu m’aies retrouvé finalement n’a que peu d’importance, mais ce qui m’amuse c’est qu’il t’ait fallu près de six mois de cette planète pour y parvenir. Je ne savais d’ailleurs pas ce que tu étais devenu, et à présent je peux t’imaginer te baladant dans l’île pendant des mois et des mois et entrant dans toutes les maisons les unes après les autres. Remarque que tu as eu tout ce mal pour rien, car tu ne peux rien me faire à présent. Je te remercie simplement de m’avoir donné cette occasion de me distraire.
— Je suis persuadé que tu seras également heureux d’apprendre que mes recherches dans cette île n’ont duré que sept jours et que cet homme est le premier que j’examine ainsi. Je serais certainement parvenu à un résultat beaucoup plus rapidement si tu avais laissé paraître le moindre indice. Mais je dois reconnaître que tu as fait très attention. »
Le Chasseur était, maintenant, assez humain pour éprouver une certaine vanité devant sa réussite et même pour se laisser entraîner par elle au-delà des limites normales. Il ne se rendit pas compte sur-le-champ que, à en croire le discours du criminel, celui-ci n’avait jamais soupçonné Bob et qu’à présent ce qu’il venait de dire risquait fort de mettre en danger le jeune garçon.
« Je ne te crois pas, répondit le Criminel, tu n’as certainement pas pu examiner de loin les gens qui sont sur cette île. Tu n’en avais pas les moyens. D’autre part, cet homme qui est mon hôte n’a connu aucune maladie ou blessure importantes depuis mon arrivée. En aurait-il eu que j’aurais préféré me trouver un autre hôte plutôt que de révéler ma présence en venant à son secours.
— Je te crois sans peine. » Le Chasseur laissait clairement voir la répulsion que lui causait l’attitude de l’autre. « Je ne t’ai pas parlé des blessures sérieuses.
— Celles dont je me suis occupé étaient si minimes que personne n’aurait pu les remarquer. Je laissais même les insectes le piquer lorsque des gens étaient autour de lui.
— Je le sais et je vois que tu en tires une certaine gloriole. » Le ton du Chasseur laissait clairement voir son dégoût.
« Tu le sais ? Je me doute que tu n’admettras pas facilement ta défaite. Mais crois-tu vraiment que tu puisses m’impressionner avec tes menaces ?
— Je n’ai pas à t’impressionner, car tu t’es abusé toi-même. Je savais que tu laissais ton hôte se faire mordre par les moustiques lorsqu’il se trouvait avec d’autres personnes et que tu le protégeais autrement. J’avais découvert également que tu intervenais pour réduire les petites blessures qui pouvaient passer inaperçues. On peut donc porter ces bonnes actions à ton crédit quoique, au fond, tu ne l’aies peut-être fait que pour te distraire. C’est cela et les tentatives que tu as faites pour contrôler certains actes de ton hôte qui t’a trahi. Je me doutais bien que, tôt ou tard, tu serais obligé de te manifester, car n’importe quel être finirait par devenir fou à ne rien faire.
« Tu as été assez malin, en un certain sens, pour ne t’occuper que des petites blessures, et pourtant il y a un être qui, de toute façon, allait s’apercevoir de ton activité même s’il n’en découvrait pas la véritable cause. Et cet être, c’est ton hôte lui-même !
« J’ai surpris un jour une conversation. À propos, t’es-tu donné la peine d’apprendre la langue que l’on parle ici ? Au cours d’une conversation, donc, on parlait de l’homme qui te sert d’hôte comme d’un individu assez timoré, refusant toujours de courir le moindre risque, interdisant à sa famille de s’exposer au plus minime danger. Cette opinion était émise par deux hommes qui le connaissaient depuis des années. Et pourtant j’ai vu ton hôte fouiller dans le noir dans une caisse contenant des outils coupants. Je l’ai aperçu descendant pieds nus le long de poutres couvertes d’échardes. Un autre jour, il a cassé à mains nues un fil de cuivre qui aurait dû normalement lui entamer profondément les phalanges. Il y a peu de temps encore il est arrivé sur le chantier en tenant à la main une lame de scie qui venait d’être affûtée, alors que le garçon le plus insouciant aurait pris plus de précautions. Tu avais peut-être pu dissimuler ta présence à tout le monde mais ton hôte, lui, savait que tu étais là, même s’il ignorait le genre de créatures que nous sommes. Il avait probablement remarqué inconsciemment qu’il était à l’abri des menues blessures, et sans s’en rendre compte il avait fait de moins en moins attention. Je possède assez de preuves pour savoir que les êtres humains se comportent toujours ainsi. J’ai entendu ton hôte dire également que les autres personnes devaient dresser spécialement les insectes pour l’ennuyer, ce qui laissait supposer que lorsqu’il était tout seul sa peau était à l’abri des piqûres.
« Tu vois donc que tu ne pouvais pas demeurer éternellement caché. Tu devais, soit tenter de dominer ton hôte et tu révélais ta présence, soit faire le minimum pour l’aider et là encore tu devais te découvrir, soit en dernier lieu ne rien faire pour le restant de ta vie et dans ce cas mieux valait encore te rendre. Même sur cette Terre où je ne possédais pas l’aide et les connaissances que j’ai toujours eues dans notre monde, tu étais donc destiné à être pris un jour ou l’autre si j’arrivais dans tes parages. Tu as eu tort de te sauver après ton crime. Chez nous tu aurais été enfermé pour quelque temps ; ici je ne peux faire autrement que de te détruire. »
Normalement, son interlocuteur aurait dû être impressionné par les paroles du Chasseur, mais la dernière phrase parut au contraire l’amuser beaucoup et il demanda :
« Tu veux me détruire ? Je serais curieux de savoir par quel moyen tu comptes y parvenir ? Tu n’as en ta possession aucun élément qui puisse m’obliger à quitter ce corps, et aucun moyen de t’en procurer ou même d’essayer. Te connaissant comme je te connais, tu n’envisageras même pas la possibilité de faire disparaître mon hôte pour m’avoir. Je tiens à te faire remarquer tout de suite que je n’aurai pas les mêmes scrupules envers le tien. J’ai l’impression, Chasseur, que tu as commis une grosse erreur en me découvrant. Avant cela je n’étais même pas sûr de ta présence sur la même planète que moi. Mais, maintenant, je sais que tu es là, coupé de toutes communications avec notre ancien monde et sans espoir de recevoir aucun secours. Personnellement, je me considère suffisamment à l’abri, mais je te conseille de faire attention à toi.
— Je me rends compte que rien de ce que je pourrai dire, ne te fera changer d’avis et je préfère m’en aller », répondit le Chasseur.
Sans autre commentaire il se retira, et en quelques minutes se glissa jusqu’à la chambre de Bob. Un moment, il avait espéré que M. Kinnaird s’éveillerait, mais à la réflexion il n’en aurait guère tiré d’avantages, car il n’était pas sûr que le père de Bob eût compris tout de suite ce qu’il devait faire.
Le Chasseur était furieux de s’être laissé prendre ainsi. Dès qu’il avait eu l’impression que M. Kinnaird était l’hôte du fugitif, il avait été certain que l’accident de l’appontement provenait de l’intervention volontaire du Criminel qui avait agi sur la vue et les mouvements de son hôte. Il pouvait donc en conclure que le secret de Bob avait été percé à jour et le plan du docteur ne faisait même pas allusion à M. Kinnaird. Il venait d’apprendre qu’il s’était trompé sur toute la ligne. Le Criminel n’avait, selon toute apparence, aucun soupçon sur l’endroit où se cachait le Chasseur, et à présent celui-ci avait donné assez de renseignements au fugitif pour qu’il devinât aisément qui était la créature humaine qui lui servait d’hôte. À présent il ne pouvait même plus abandonner Bob l’espace d’une minute, car le Criminel profiterait de la moindre possibilité. Le Chasseur se devait de demeurer avec le jeune garçon qu’il avait mis en danger afin de le protéger dans toute la mesure du possible.
Tout en rentrant dans le corps de Bob, toujours endormi, le Chasseur se demandait s’il devait mettre le garçon au courant de la situation et l’avertir des dangers qu’il courait. Les deux positions présentaient des avantages. En effet, le fait de savoir que son père était impliqué dans cette affaire pouvait ralentir sérieusement les ardeurs de Bob, mais d’un autre côté en le laissant dans l’ignorance il pouvait très bien ne pas se donner toute la peine nécessaire pour mener à bien leur tâche. Dans l’ensemble le Chasseur penchait plutôt pour tout raconter à son hôte et il se reposa dans un état voisin du sommeil avec cette idée en tête.
Bob prit très bien la nouvelle. Il fut, naturellement, surpris et ennuyé, bien que son inquiétude semblât plutôt s’appliquer à son père qu’à lui-même. Il avait l’esprit assez rapide pour comprendre la situation où se trouvait le Chasseur et il ne lui en voulut pas de lui avoir tout raconté. Il fut également d’accord sur la nécessité d’agir très vite et souleva même une question que le Chasseur n’avait pas envisagée : la possibilité pour leur ennemi de quitter le corps en pleine nuit. Bob fit remarquer alors qu’il ne saurait jamais d’une façon très précise qui de son père ou de sa mère abriterait le criminel.
« Je ne pense pas que cette question doive nous préoccuper beaucoup, dit le Chasseur. Tout d’abord notre fugitif se croit beaucoup trop en sûreté pour se donner la peine de changer d’hôte et d’autre part, s’il le faisait, il serait très facile de s’en apercevoir. Votre père, brusquement privé de la protection dont il jouit depuis des mois, ne manquerait pas de remarquer qu’il n’est plus à l’abri de rien, s’il continuait à être aussi imprudent.
— Vous ne m’avez toujours pas dit comment vous êtes parvenu à remarquer papa parmi les suspects possibles.
— C’est pourtant assez simple et cela découle tout naturellement de la ligne de raisonnement que j’avais ébauchée devant vous. Nous savons que notre fugitif a pris pied sur les rochers. Le signe le plus proche de civilisation était représenté par l’un des réservoirs à peine distant d’une centaine de mètres. Il devait, évidemment, avoir nagé jusque-là, c’est ce que je n’aurais pas manqué de faire dans un tel cas. Les seules personnes à visiter régulièrement les réservoirs, sont, comme vous le savez, les conducteurs des barges qui emmènent les résidus servant d’engrais.
« Le criminel n’avait sans doute pas eu la possibilité de pénétrer dans l’un de ces hommes, mais il pouvait fort bien partir avec la barque. Cela nous menait alors aux alentours du champ où l’engrais est en général épandu. Je n’avais plus qu’à découvrir quelqu’un qui eût dormi non loin de là.
« Restait la possibilité qu’il ait franchi la colline pour s’approcher des habitations et dans ce cas nous aurions dû rechercher dans toutes les maisons de l’île. Pourtant votre père a formulé l’autre jour une remarque, impliquant qu’il devait avoir dormi ou au moins s’être reposé quelque temps sur la colline qui domine les nouveaux réservoirs. Il devenait automatiquement l’une des personnes suspectes que je devais examiner au plus tôt.
— Cela paraît très facile à présent, répondit Bob, mais je n’y aurais jamais pensé. Enfin, il va falloir que nous prenions une décision rapide à présent. Avec un peu de chance, il va rester dans papa jusqu’au moment où il aura découvert où vous vous trouvez. L’ennui, c’est que nous n’avons aucun produit qui puisse l’obliger à quitter un corps. Vous ne voyez pas quelle serait la substance qui pourrait agir sur un de vos semblables pour le contraindre à disparaître ?
— Vous connaissez quelque chose qui vous forcerait à quitter votre maison ? demanda le Chasseur. Il existe certainement un grand nombre de produits répondant à ce besoin, mais tous doivent à présent venir de la Terre. Il n’est plus question d’intervention de l’autre planète. Vous avez donc autant de chances que moi d’inventer ou de découvrir, par hasard, ce qui pourrait délivrer votre père. Si j’étais à la place de ce criminel, sans aucun doute je n’en bougerais jamais, c’est l’endroit le plus sûr pour lui. »
Bob acquiesça tristement et descendit pour le petit déjeuner. Il s’efforça de paraître aussi normal que possible, même lorsque son père apparut. Il pensa soudain que le Criminel n’aimerait peut-être pas beaucoup découvrir qu’il aidait volontairement le Chasseur.
L’esprit très occupé, il se mit en route pour aller à l’école. Bien que n’en ayant pas parlé au Chasseur, il se trouvait à présent devant deux problèmes à résoudre en même temps, ce qui, sans doute, constituait un handicap sérieux.