(À la fin de l’hiver) : Pendant soixante-dix mille ans, le Peuple a vécu au creux d’un abri souterrain. En effet, la Terre a été bombardée par une pluie de comètes et d’astéroïdes, comme cela arrive tous les vingt-six millions d’années. Ces cataclysmes déclenchent des extinctions massives d’espèces comme jadis celle des dinosaures. Mais cette fois-ci, des espèces intelligentes ont réussi à traverser le Long Hiver. Lorsque le Peuple regagne la surface, il se croit humain. Mais il revient à Hresh, l’enfant curieux devenu homme-mémoire et chef de sa tribu, de découvrir la vérité. Le Peuple n’est pas humain, tout au plus une espèce de singes améliorés. Mais il est l’héritier de l’humanité et porte son espoir, l’espoir de l’intelligence. Il lui reste à recueillir cet héritage.
Hresh et les siens découvrent vite qu’une autre espèce intelligente au moins a franchi elle aussi le Long Hiver. C’est celle des hjjk, organisée sur le modèle de la fourmilière, qui propose à tous les peuples l’adoration de sa reine, la Reine du Printemps…
Le temps des étoiles de mort était venu et, pendant des centaines de milliers d’années, elles n’avaient cessé de s’écraser sur la Terre, projetées vers elle par une comète errant depuis les confins du système solaire. Elles apportaient avec elles d’interminables périodes de froid et de ténèbres. Cela se produisait tous les vingt-six millions d’années et il était impossible d’y échapper. Mais c’était terminé, le déferlement des étoiles de mort avait enfin cessé, la poussière et les cendres s’étaient dissipées et les rayons bienfaisants du soleil perçaient la couche des nuages. Les glaciers déversaient la neige fondue sur la surface de la Terre. Le Long Hiver s’achevait ; c’était l’avènement du Printemps Nouveau, la résurrection de la planète.
D’année en année, l’atmosphère se réchauffait et les belles saisons presque oubliées du printemps et de l’été revenaient avec une force accrue. Le Peuple, ayant survécu aux ténèbres glacées à l’abri de ses cocons hermétiquement clos, se répandait rapidement sur les terres les plus fertiles.
Mais la place était déjà prise. Les hjjk, le sinistre et insensible peuple des insectes, n’avaient jamais battu en retraite devant les assauts du froid, même dans les pires moments. La planète abandonnée était tombée en leur possession et ils y avaient régné sans partage pendant sept cent mille ans. Ils n’étaient assurément pas disposés à renoncer de gaieté de cœur à leur mainmise.