Quatorze heures plus tard, je n’étais qu’à vingt-cinq kilomètres à l’est de l’endroit où j’avais été dans l’obligation de quitter le réseau du métro. J’avais passé une heure à faire des achats, une autre à me nourrir, deux autres à consulter un spécialiste, six encore à dormir, et quatre heures, enfin, à me déplacer avec prudence à l’est de la barrière frontalière sans trop m’en approcher. A présent, l’aube pointait et l’heure était venue de franchir la barrière, tranquillement, puisque j’étais censée faire partie des équipes de réparation.
Pembina est à peine un village. Il m’a fallu retourner à Fargo pour dénicher un spécialiste, ce qui n’était rien en capsule. Le « spécialiste » dont j’avais besoin était du même genre que « Artistes & Cie » à Vicksburg, à cette différence près qu’il ne faisait aucune publicité dans l’Imperium. Pour le trouver, il me fallut un peu de temps et je dus graisser quelques pattes par mesure de prudence. Il était installé derrière un immeuble tout à fait banal, près de University Drive et de l’avenue principale.
Je portais encore la combinaison bleue avec laquelle j’avais plongé dans le Mississippi avant la destruction du Skip to M’Lou. Ce n’était pas par faiblesse sentimentale mais tout simplement parce que c’était le meilleur vêtement passe-partout que je connaisse. Avec ça, je pouvais me promener jusqu’à Luna City ou Ell-Cinq, où le monokini règne pourtant. Ça ne se froisse pas facilement mais ça se lave aisément, ça s’use au bout de quelques siècles, bref, c’est l’habit idéal de l’agent spécial qui ne veut pas se faire remarquer et qui ne tient pas à voyager avec des tonnes de garde-robe.
J’arborais une casquette passablement crasseuse sur laquelle j’avais épinglé l’insigne de « mon » syndicat, une ceinture à outils et, en bandoulière, des maillons de remplacement et un nécessaire à soudure.
Le tout bien fatigué, bien professionnel, y compris les gants de travail. Dans ma poche droite, j’avais un vieux portefeuille de cuir avec mes papiers d’identité qui prouvaient que j’étais « Hannah Jensen », de Moorhead. Une coupure de journal me montrait en collégienne, une carte de la Croix-Rouge disait que j’étais de groupe O, rhésus positif (ce qui était biologiquement exact) et que j’étais donneuse de sang, avec une interruption, pourtant, depuis six mois.
Je possédais quelques autres documents qui donnaient à Hannah Jensen une identité plus crédible, et même une carte Visa émise par la banque de Moorhead, à laquelle, cependant, il manquait le code magnétique qui aurait permis son utilisation. Ce n’était qu’un morceau de plastique et le Patron devrait me féliciter pour lui avoir permis d’économiser ainsi pas mal de couronnes.
Le jour venait de se lever et j’estimais que j’avais environ trois heures maximum pour franchir la clôture puisque les hommes de la véritable équipe d’entretien prenaient leur service vers dix heures. Avant cette heure, Hannah Jensen devrait disparaître. Aujourd’hui, j’étais au bout de mes réserves : je n’avais plus d’argent liquide en couronnes. Bien sûr, il me restait encore ma carte de crédit, mais je me méfie des limiers électroniques. Mes trois tentatives pour contacter » le Patron, la veille, toutes avec la même carte, n’avaient-elles pas déclenché quelque sous-programme qui permettrait de m’identifier ? Certes, j’avais réussi à m’éclipser en me servant de nouveau de ma carte pour le métro… mais avais-je vraiment échappé à tous les pièges électroniques ? Impossible de le savoir avec certitude. Non, tout se résumait à cette clôture frontière que je devais franchir. Coûte que coûte.
J’avançais doucement, luttant contre une envie brûlante de me mettre à courir. Je cherchais un endroit où je pourrais tranquillement couper la clôture sans être vue. Ce qui était difficile car la terre était à nu sur une cinquantaine de mètres de part et d’autre. Ce qu’il me fallait, c’était la protection d’arbustes et de buissons, un peu comme les haies en Normandie.
Mais le Minnesota n’est pas la Normandie.
Dans le Nord, il est même rare d’y trouver des arbres. En tout cas, dans le genre de paysage où je me trouvais. J’étais en train d’examiner un bout de clôture en me disant qu’après tout, puisque personne n’était en vue, je ne risquais rien, quand un VEA de la police est apparu. Il avançait lentement, en suivant la clôture. J’ai levé la main en un geste amical et désinvolte et j’ai repris mon chemin vers l’est.
Mais ils ont fait demi-tour et ils se sont immobilisés à une cinquantaine de mètres. Je suis donc revenue sur mes pas, et les deux gars sont descendus. Ils appartenaient sans le moindre doute à la police de l’Imperium et pas à celle du Minnesota.
Le plus gentil m’a lancé :
— Qu’est-ce que vous faites ici à cette heure ?
— Je travaille, quand on ne m’interrompt pas.
— Impossible. Vous ne prenez jamais votre service avant huit heures.
— Ça, c’est ce que vous croyez, mon grand. Ça date de la semaine dernière.
— On n’a pas reçu de notification.
— Vous voulez que le surintendant vous envoie une lettre ? Donnez-moi votre numéro et je lui ferai la commission.
— Te fous pas de moi, connasse. J’ai bien envie de t’embarquer.
— Allons-y. Ça me fera toujours un jour de repos. Et c’est vous qui expliquerez pourquoi le boulot n’a pas été fait.
— Laisse tomber.
Ils remontaient déjà dans leur VEA.
— Eh, les mignons ! Vous avez de quoi tirer une bouffée ?
Le pilote m’a dévisagée.
— Pas de ça en mission. Et tu ferais bien de faire comme nous.
— Pauvre lèche-cul !
Il a voulu me dire quelque chose, mais son petit copain a fermé le capot et ils ont décollé, juste au-dessus de moi, m’obligeant à m’accroupir. Je crois que je n’étais pas leur genre.
Je suis retournée auprès de la clôture en me disant que Hannah Jensen n’était pas très bien élevée. Elle n’avait pas la moindre excuse pour s’être montrée aussi grossière avec les Verts simplement parce qu’ils sont à vomir. Après tout, on laisse bien vivre les poux, les veuves noires, les morpions et les hyènes. Quoique je me demande souvent pourquoi.
Je me suis fait la réflexion que mes plans n’avaient pas été très bien conçus. Le Patron m’aurait sans doute donné une très mauvaise note. Pas très intelligent de découper cette clôture au grand jour, comme ça… Il valait mieux peut-être choisir un endroit plus protégé et revenir à la nuit tombée. Ou alors appliquer le plan numéro deux : essayer de passer la frontière à Roseau River.
Pour ça, je n’étais pas très enthousiaste. Dans cette région, les petits affluents du Mississippi sont du genre glacial. L’avant-veille, j’avais tâté des eaux de la Pembina, et je n’étais pas près de l’oublier. Brrr !
Non, le mieux était de me trouver un bout de clôture, de voir comment j’allais m’y prendre pour la découper, de me choisir un coin à l’abri des arbres, de dormir sous une bonne couche de feuilles en attendant la nuit. Mais, auparavant, il fallait répéter jusqu’au moindre geste afin que ça se passe comme dans du beurre…
J’étais en train de me dire ça quand, juste au sommet d’un petit talus, je suis tombée nez à nez avec un autre membre de l’équipe d’entretien, sexe mâle.
Quand on est en infériorité, on attaque. Ou bien dit-on que l’attaque est la meilleure défense ?…
— Qu’est-ce que vous foutez là, mon gros ?
— Je travaille sur la clôture. Et vous, mignonne ?
— Oh, ça va ! Laissez tomber ! Vous êtes sûr d’être sur le bon tronçon ? A moins que vous ne vous soyez trompé d’heure ?
J’ai remarqué, avec une pointe d’angoisse, que mon réparateur de clôture était équipé, lui, d’un joli talkie-walkie. Mais il fallait bien que j’apprenne le métier.
— Tu parles ! C’est le nouvel horaire : j’arrive à l’aube et on me relève à midi. Et c’est peut-être vous qui me relevez, non ? Ouais, c’est ça. Vous vous êtes fichue dedans en lisant la grille. Je crois que je vais appeler pour vérifier.
— C’est ça, ai-je dit en faisant un pas en avant.
Il a hésité.
— D’un autre côté, on pourrait peut-être…
Moi, je n’ai pas hésité. Je ne tue pas tous ceux avec lesquels j’ai une petite divergence d’opinions et je ne voudrais pas, pour rien au monde, que ceux qui lisent ce journal pensent ainsi. Je ne lui ai occasionné aucune lésion irréversible. Je l’ai simplement endormi. Momentanément.
Ensuite, j’ai pris un rouleau d’adhésif dans ma ceinture et je lui ai attaché les poignets aux chevilles. Avec un peu de sparadrap assez large, j’aurais pu lui faire un bâillon, mais ce n’était pas le cas. Le plus urgent était de couper cette clôture et je pouvais très bien le laisser appeler les coyotes et les lapins à l’aide.
Une torche laser comme celle dont je disposais était tout aussi apte à trancher l’acier qu’à le souder. En quelques secondes, j’ai découpé une longueur bien suffisante pour pouvoir passer. A la seconde où je me relevais, j’ai entendu :
— Eh ! Laissez-moi aller avec vous !
J’ai hésité. Il m’a dit qu’il avait autant envie que moi de se tirer des pattes des Verts. Qu’il fallait absolument que je le détache.
Ce que j’ai fait dans la minute suivante était complètement idiot. J’ai pris mon couteau et j’ai tranché le ruban avec lequel je l’avais attaché. Eh oui ! Et je suis passée à travers le trou que j’avais découpé sans perdre un instant de plus. Je ne me suis même pas retournée pour voir s’il me suivait.
Au nord, à moins de cinq cents mètres, il y avait quelques arbres. Je me suis élancée dans cette direction à une vitesse record. Ma ceinture me ralentissait et je m’en suis débarrassée sans cesser de courir. L’instant d’après, la casquette a suivi et « Hannah Jensen » est retournée au néant avec les gants, la torche. Tout ce qu’il en restait, c’était un portefeuille.
Je me suis enfoncée dans les arbres avant de me retourner.
Mon ex-prisonnier était à mi-chemin entre la clôture et moi, et deux engins VEA convergeaient sur lui. Celui qui était le plus proche portait la feuille d’érable du Canada britannique. Je ne distinguais pas le blason de l’autre, qui franchissait la frontière.
Le VEA canadien se posa et mon ex-prisonnier parut se rendre sans difficulté. Ce qui était raisonnable, car le deuxième engin se posait à deux cents mètres en territoire canadien, et il arborait le blason de l’Imperium. C’était sans doute celui auquel j’avais eu affaire.
Je ne suis pas une experte en droit international, mais il, me semble qu’on déclenche des guerres pour moins que ça. J’ai retenu mon souffle et augmenté ma perception auditive jusqu’à l’extrême limite.
Apparemment, il n’y avait pas non plus de spécialistes du droit parmi les policiers. L’altercation était bruyante et peu cohérente. Les Impériaux exigeaient la restitution du réfugié en invoquant le droit de poursuite. Un caporal de la Police Montée lui répondait (très justement, selon moi) qu’il ne s’applique qu’aux criminels pris en flagrant délit. Le seul « crime », ici, était le franchissement d’une frontière entre deux points d’entrée légaux, ce qui ne regardait en rien la police de l’Imperium.
— Et maintenant, virez-moi votre tacot et fichez le camp du Canada !
Le Vert jeta une réponse brève qui parut déplaire au Monté. Il claqua le capot de son cockpit et lança dans le haut-parleur :
— Je vous arrête pour violation de l’espace aérien du Canada britannique. Sortez et rendez-vous. N’essayez pas de décoller.
Bien sûr, le VEA impérial décolla immédiatement et refranchit la frontière. C’était sans doute ce que les Montés avaient voulu. Je suis restée où j’étais, parfaitement immobile. Maintenant, ils allaient avoir le temps de s’occuper de moi.
Mais ils ne parurent pas s’intéresser à moi et j’en conclus que mon compagnon de fuite avait à sa façon payé son passage. Il m’avait très certainement vue disparaître entre les arbres. Mais pas les policiers, j’en étais certaine. J’avais fait vite, parce qu’il était évident que découper ainsi la clôture allait déclencher l’alarme dans tous les postes de surveillance alentour. Et que les circuits allaient repérer avec précision le point exact d’effraction.
Mais il serait plus difficile d’établir le nombre de corps chauds qui étaient passés par la brèche. En tout cas, les efforts et les frais que cela supposait pouvaient décourager les meilleures volontés. Grâce à mon ex-prisonnier dont j’ignorerai toujours le nom, les Canadiens ne se lancèrent pas sur ma trace. Une équipe de réparation ne tarda pas à faire son apparition. Je les vis ramasser la ceinture à outils que j’avais abandonnée. Plus tard, une autre équipe apparut du côté impérial. Ils inspectèrent rapidement la réparation des Canadiens et repartirent.
Je me posai une ou deux questions. Si je me rappelais bien, mon prisonnier n’avait pas de ceinture quand il s’était rendu sans résistance. Donc, je pouvais en déduire qu’il l’avait cachée avant de franchir la clôture à ma suite. Il y avait sans doute été obligé puisque j’avais pu à peine me glisser dans la brèche.
Je reconstituai le scénario : les Canadiens avaient trouvé une ceinture à outils de leur côté. Les Impériaux en avaient trouvé une autre du leur. Résultat : ni les uns ni les autres n’avaient la moindre raison de penser que plus d’une personne avait franchi la frontière… aussi longtemps que mon ex-compagnon garderait le silence.
Je lui étais plutôt reconnaissante de sa courtoisie. Je connais certains hommes qui m’auraient gardé rancune du petit traitement que j’avais bien été dans l’obligation de pratiquer sur lui.
Je suis restée dans le bouquet d’arbres jusqu’à ce que la nuit revienne. Treize heures de morne ennui. Jusqu’à ce que je réussisse à rejoindre Janet (et Ian, peut-être), je n’avais pas la moindre envie que quelqu’un me voie. Un immigrant clandestin n’a pas besoin de publicité. Ce fut une longue journée, mais mon guru m’avait appris, par contrôle psychique, à dominer ma faim, ma soif et mon ennui, à demeurer calme, tous les sens en éveil. Quand la nuit fut tombée, je me décidai à sortir de ma retraite. Je ne connaissais le terrain que par les cartes que j’avais étudiées deux semaines auparavant. Mais je croyais le connaître bien. Ce qui m’attendait n’avait rien de bien complexe : il fallait couvrir cent dix kilomètres environ à pied avant que l’aube ne pointe et sans éveiller l’attention de quiconque.
Le trajet était tout aussi simple. D’abord vers l’est pour rencontrer la route qui menait de Lancaster (dans l’Imperium) à La Rochelle (Canada britannique), ville frontière facile à repérer. Ensuite vers le nord jusqu’aux faubourgs de Winnipeg, un grand tour de la ville vers la gauche, et la route nord très loin. Et le domaine Tormey encore moins. En fait, l’aube apparaissait quand j’ai aperçu les portes du domaine au loin. J’étais fatiguée, mais pas en aussi mauvaise forme que ça. Je suis capable de courir et de marcher style jogging pendant vingt-quatre heures d’affilée quand il le faut. J’avais surtout mal aux pieds et j’avais aussi très soif. J’ai appuyé sur le bouton de la sonnerie avec un soulagement immense.
J’entendis la voix familière :
— Ici le capitaine Ian Tormey. Vous entendez actuellement un enregistrement. Cette maison est sous la protection des Loups-Garous de Winnipeg. J’ai loué les services de cette société parce que je la juge compétente et que je crois que les rumeurs concernant les bavures dont elle serait coupable sont sans fondement. Les appels codés ne seront pas transmis mais le courrier sera acheminé. Merci de votre attention.
Ah, ça oui, Ian ! Merci du fond du cœur ! D’accord, je n’avais aucune raison de croire qu’ils allaient tous rester à la maison… mais l’idée ne m’avait même pas effleurée qu’il pourrait n’y avoir personne lorsque j’arriverais. J’avais fait un transfert, comme diraient les psys. Depuis que j’avais perdu ma famille de Nouvelle-Zélande, les Tormey représentaient pour moi la « maison », et Janet, sans nul doute, la mère que je n’avais jamais eue.
D’un seul coup, j’ai eu le regret brûlant de la ferme des Hunter, de Vicksburg et de la présence rassurante de Georges.
Le soleil se levait. Bientôt, il y aurait du monde sur les routes. Et moi je n’étais qu’une étrangère en fuite, une renégate qui n’avait que quelques malheureux dollars canadiens, fatiguée, les idées floues, assoiffée et affamée.
Mais je n’avais pas à choisir entre mille solutions. Une seule était possible. Il fallait que je me terre une fois encore comme un animal.
On ne rencontre pas beaucoup de bois aux alentours de Winnipeg. Néanmoins, je me souvenais de quelques hectares sauvages, de l’autre côté de la route, quelque part derrière la propriété des Tormey. J’ai donc porté mes pas dans cette direction et je n’ai croisé qu’un seul véhicule, un fourgon de lait.
En quittant la route, j’ai rencontré des buissons et des fourrés, puis quelques arbres bienvenus. Le terrain était accidenté et j’ai franchi un minuscule ruisseau. Je me suis alors arrêtée en me demandant si je pouvais boire. Son eau était-elle potable ? Mes origines, en vérité, me mettent à l’abri de pas mal d’infections. L’eau était fraîche, sans arrière-goût. Après un instant, je me suis sentie beaucoup mieux. Mais il y avait toujours ce malaise au fond de mon cœur.
Je me suis avancée un peu plus profondément dans les buissons, en quête d’un endroit mieux protégé où je pourrais dormir. A cette distance d’une grande ville, je courais un risque énorme : n’importe quelle troupe de boy-scouts pouvait tomber sur moi en patrouillant. Non, ce qu’il me fallait, c’était un lieu abrité et inaccessible.
Je l’ai trouvé. Sur la pente d’un petit ravin, entouré de buissons d’épineux que j’ai immédiatement reconnus en tâtonnant.
Des épineux ?
Il m’a fallu encore dix bonnes minutes pour trouver. Au contact, c’était un bloc de rocher, une partie des moraines abandonnées par la dernière des grandes glaciations. Mais en vérité ce n’était pas de la roche naturelle. Il m’a fallu encore un bon moment pour le déséquilibrer. Ensuite, j’ai sauté dans le noir et, en me redressant, j’ai vu une inscription lumineuse devant moi : PROPRIETE PRIVEE – DEFENSE D’ENTREE.
Je me suis figée sur place. Janet m’avait dit que la commande qui désarmait les pièges mortels était « cachée à l’intérieur, pas très loin ».
Pas très loin ?… Et cachée où ?
Dans l’obscurité totale, on ne voyait que ces lettres menaçantes : Toi qui entres ici, laisse toute espérance…
(Allez, Vendredi, sors ta petite torche fonctionnant sur Shipstone éternelle. Mais ne va pas trop loin sinon…)
Ma petite torche. Elle était dans la combinaison que j’avais laissée à bord du Skip to M’Lou. Avec un peu de chance, en comptant sur la qualité de la pile, elle éclairait peut-être un peu le fond du Mississippi. Ça devait distraire les poissons.
Je n’avais même pas une allumette.
Si j’avais eu un scout sous la main, j’aurais toujours pu essayer de faire du feu en lui frottant une jambe contre l’autre. Oh, ça va, Vendredi ! On ne délire pas !
Je me suis laissée tomber sur le sol et j’ai versé quelques larmes. Le béton était froid et dur, mais je me suis étendue quand même. Je me suis endormie. C’était doux, agréable, tiède…