Je ne m’étais pas trompée.
Je n’ai pas l’intention de ravir Georges à Janet, mais j’espère que nous recommencerons souvent, et s’il se décide à inverser ma stérilité, c’est avec plaisir que j’accepterai un bébé de lui ; je ne vois d’ailleurs pas pourquoi Janet ne l’a pas déjà fait.
Une odeur délicieuse me réveilla.
— Tu as vingt-deux secondes et pas une de plus pour prendre ton bain, dit Georges. Le plateau est arrivé. Tu as eu droit à une espèce de breakfast de minuit, alors maintenant, c’est l’heure d’un déjeuner bizarre.
Oui, je suppose que c’est bizarre de manger du crabe au saut du lit, mais je suis pour. En entrée, nous avons eu des corn-flakes avec de la crème et des bananes, le tout accompagné de biscottes et de salade verte. Le café était arrosé de cognac. Georges est un grand amoureux et un immense gourmand en même temps qu’un guérisseur magique capable de faire croire à un être artificiel qu’il est vraiment humain ou, en tout cas, que sa condition n’a rien d’effrayant.
Question : Pourquoi les trois membres de cette heureuse famille sont-ils si minces ? Je suis persuadée qu’ils ne se donnent pas la peine de suivre le moindre régime et ne se livrent à aucun exercice sadomasochiste. Un docteur m’a dit jadis que le seul exercice dont on puisse avoir besoin se déroule au lit. Était-ce là l’explication ?
Voilà pour les bonnes nouvelles. Pour les mauvaises…
Le corridor international avait été fermé. Il était possible d’atteindre Deseret en changeant à Portland mais sans garantie que le tube Omaha-Gary fut ouvert. La seule route internationale pour les capsules semblait être celle de San Diego – Dallas – Vicksburg – Atlanta. San Diego ne posait aucun problème puisque le métro de San José fonctionnait entre Bellingham et La Jolla. Mais Vicksburg, ce n’est pas l’Imperium de Chicago, tout au plus un simple port fluvial à partir duquel, avec de la patience et pas mal d’argent, on pouvait espérer rallier l’Imperium.
J’ai tenté d’appeler le Patron. Au bout de quarante minutes, j’ai éprouvé à l’égard des voix synthétiques ce que les humains éprouvent sans doute à l’égard des gens comme moi. Mais qui a pu avoir l’idée de programmer les ordinateurs afin qu’ils se montrent « polis » ?… La première fois que l’on entend une machine vous dire : « Merci pour votre patience », ça ne porte pas à conséquence et c’est plutôt rassurant, mais quand cela se répète trois fois de suite, on éprouve un sentiment étrange. Et quarante minutes d’attente sans entendre une voix humaine, c’est probablement au-delà de la limite de la patience d’un guru.
Je ne suis pas parvenue à faire admettre à ce foutu terminal qu’il était impossible de téléphoner dans l’Imperium. Ce petit désastre digital n’avait pas été programmé pour dire non. Il était poli, un point c’est tout. Bon sang ! quel soulagement j’aurais éprouvé s’il s’était mis à débiter tout à coup : « Ça suffit, pétasse. Tu l’as déjà dit. »
Ensuite, j’ai tenté d’appeler la poste de Bellingham pour savoir quelle était la situation du courrier avec l’Imperium. Je veux dire : lettres, télégrammes, colis, rien d’électronique…
J’ai eu droit à une conférence sur le thème : « Faites vos envois de Noël avant la date. » Pour ça, il n’y avait rien d’urgent.
J’ai recommencé. Je me suis fait rembarrer sur les numéros de code postal.
J’ai essayé une troisième fois. Je suis tombée sur le service clientèle de Macy’s[11] : « Nous vous prions d’attendre. Tous nos aimables employés sont pour l’instant occupés. »
Je n’ai pas attendu.
Je ne voulais pas téléphoner, encore moins envoyer une lettre : je voulais avoir affaire au Patron en personne. Pour cela, il me fallait du liquide. Le terminal dégoulinant de politesse me fit savoir que le bureau local de la MasterCard se trouvait représenté à Bellingham par les bureaux de la TransAmerica. J’ai donc composé leur code et j’ai immédiatement entendu une voix très douce, pas du tout synthétique.
— Nous vous remercions d’avoir appelé MasterCard. Dans un souci de sécurité et d’épargne, les fonds de nos millions de clients de la Confédération californienne ont été centralisés à notre siège de San José. Pour le service express, veuillez utiliser le code inscrit au verso de votre carte.
Ma carte avait été émise à Saint Louis et elle ne possédait sans doute pas le code de San José mais seulement celui de l’Impérial Bank de Saint Louis. J’ai pourtant essayé, sans trop d’espoir.
Comme réponse, j’ai eu : « Composez une prière. »
Pendant qu’un ordinateur m’enseignait l’humilité, Georges lisait leLos Angeles Times.
— Georges, que disent-ils de l’état d’urgence ?
— Quel état d’urgence ?
— Pardon ?
— Vendredi, mon amour, la seule urgence concerne un avertissement du Sierra Club concernant certaines espèces de Rhus diversiloba apparemment en danger. Ils envisagent une manifestation devant la Dow Chemical. Autrement, à l’Ouest rien de nouveau…
J’ai plissé le front pour stimuler un peu ma mémoire.
— Georges, je ne connais pas grand-chose à la politique californienne mais…
— Ma chérie, personne n’y connaît grand-chose, y compris les politiciens eux-mêmes.
— Pourtant, il me semble avoir entendu parler d’une bonne dizaine d’assassinats dans la Confédération. Des personnalités de premier rang auraient été éliminées. Est-ce que tout ça ne serait pas un canular ? Prenons les divers fuseaux horaires concernés. Ça nous donne combien ? Trente-cinq heures ?
— J’ai relevé des avis de décès concernant effectivement des hommes et des femmes importants dans les informations de la nuit précédente… mais il n’était pas question d’assassinats. Pour l’un, on parle d’« accident avec une arme à feu ». Il y a également un « décédé des suites d’une longue et douloureuse maladie », un « accident inexplicable » pour lequel le procureur a demandé une enquête. Mais il me semble justement qu’elle a été abandonnée aussi.
— Mais que se passe-t-il, Georges ?
— Je l’ignore absolument, Vendredi. Mais je crois qu’il serait périlleux de chercher à en savoir trop actuellement.
— Oh ! je n’ai pas l’intention de me livrer à une enquête. Je ne me suis jamais mêlée de politique et je n’ai pas l’intention de commencer. Mais je suis décidée à regagner l’Imperium aussi vite que possible. Pour ça, j’ai besoin d’argent liquide, malgré tout ce que peut raconter leLos Angeles Times, car la frontière est bel et bien fermée. Ça me déplaît de vivre sur le compte de Janet avec sa carte Visa. Je pourrais peut-être utiliser la mienne, mais il faut que j’atteigne au moins San José. Est-ce que tu veux m’accompagner ? Ou bien préfères-tu rejoindre Ian et Janet ?
— Ma douce petite, je dépose à tes pieds tous mes biens terrestres. Mais je désire quand même aller avec toi jusqu’à San José. Et pourquoi veux-tu m’interdire d’entrer dans l’Imperium ? Ton employeur n’aurait-il pas un emploi pour quelqu’un d’aussi doué que moi ? Tu sais très bien qu’il m’est impossible de regagner le Manitoba…
— Georges, je ne veux rien t’interdire, mais la frontière est vraiment fermée… ce qui peut m’obliger à jouer les Dracula pour passer par n’importe quelle fente de la muraille. Je sais faire cela. On me l’a appris. Mais je le fais seule. Tu es dans le métier et tu comprends certainement ce que je veux dire. Et puis, nous ignorons exactement ce qui se passe dans l’Imperium, mais nous savons que ce n’est pas très agréable. Quand je serai là-bas, il se peut que j’aie à me démener pas mal pour essayer de sauver ma peau. Et cela aussi, on me l’a appris.
— Oui, je sais, Vendredi : tu as été améliorée, et pas moi. Oui, je comprends…
— Georges chéri ! Je ne voulais pas te blesser. Écoute : dès que je serai arrivée, je t’appellerai. Où que tu sois. Et si j’ai la certitude que tu peux franchir la frontière sans danger, je te le dirai.
(Georges au service du Patron ? Impossible ! Ou bien… Oui, le Patron pouvait avoir besoin d’un ingénieur généticien expérimenté, après tout… En fait, en y pensant bien, je n’avais pas la moindre idée des besoins du Patron ni des emplois disponibles hormis dans mon strict petit domaine.)
— Georges, est-ce que tu es sérieux quand tu parles de rencontrer mon patron pour un emploi éventuel ? Est-ce que je dois lui en parler ?
Georges eut ce doux sourire qu’il utilisait pour dissimuler ses pensées, tout comme moi mon visage photo-passeport.
— Comment puis-je savoir, Vendredi ? Tout ce que je connais de ton employeur, c’est que tu n’en parles qu’avec réticence et qu’il peut se servir de toi comme d’une messagère. Mais je crois que je suis plus à même que toi d’évaluer avec précision tout ce qu’il a fallu investir pour te créer, te conditionner, te former… ainsi que le prix qu’il a fallu payer pour racheter tes contrats.
— Je n’ai aucun contrat. Je suis libre.
— En ce cas, cela a dû coûter encore plus cher à ton employeur. Mais ne m’en veux pas, chérie : je vais arrêter là le jeu des supputations. Est-ce que je suis sérieux ? Il faut toujours s’interroger sur ce qui vous attend. Je vais te donner mon curriculum vitae. S’il s’y trouve quoi que ce soit d’intéressant, je suis certain que ton employeur me fera signe. Maintenant, parlons argent. Tu n’as aucun souci à te faire à propos des finances de Janet : pour elle, l’argent ne signifie rien. Mais je suis là, moi aussi, pour te tirer d’affaire si tu as besoin de liquide. J’ai déjà fait le nécessaire pour que mes cartes de crédit soient honorées ici en dépit de la situation. J’ai utilisé le Crédit Québec pour notre petit breakfast de minuit, j’ai réglé notre brunch avec Maple Leaf, et ici j’ai fait débiter mon compte American Express. J’ai trois cartes parfaitement valides. (Il a eu un immense sourire.) Alors, petite fille, tu peux parfaitement vivre à mes crochets.
— Mais je ne veux pas plus vivre à tes crochets qu’à ceux de Janet ! Ecoute : quand nous serons à San José, nous essaierons d’utiliser ma carte. Si ça ne marche pas, d’accord, je suis prête à accepter ta proposition. Et je te réexpédierai l’argent dès que je serai là-bas.
(A moins que Georges ne fût prêt à jouer avec la carte du lieutenant Dickey pour moi ?… C’est toujours très difficile pour une femme de se procurer du liquide avec la carte d’un homme. Payer avec une carte, c’est une chose. Essayer de se procurer du liquide, c’est tout à fait différent.)
— Mais pourquoi parles-tu de me rembourser ? Ne suis-je donc pas ton débiteur ? Pour l’éternité ?
J’ai décidé de jouer les idiotes.
— Tu crois vraiment me devoir quelque chose ? Pour ce qui s’est passé la nuit dernière ?
— Oui. Tu étais parfaite. Je veux dire, adéquate.
— Quoi ?
Sans sourire, il ajouta :
— Tu préférerais peut-être que je dise inadéquate ?
— Georges, ai-je dit très lentement, sur le point d’étouffer, je vais t’emmener au lit et je te tuerai, très, très doucement. Je te briserai en trois morceaux. Adéquate !
Cette fois, il a souri. Et il a commencé à se déshabiller.
— Ah, non ! Arrête ! Embrasse-moi, plutôt. Ensuite, nous filerons sur San José.In a dequate !
Il nous fallut presque aussi longtemps pour rallier San José qu’il nous en avait fallu pour aller de Winnipeg à Vancouver, mais cette fois nous étions assis. Nous avons émergé du sol à quatorze heures quinze et j’ai regardé le paysage avec intérêt. Je n’avais jamais encore vu la capitale de la Confédération.
La première chose qui m’a frappée, c’est le nombre de véhicules énergétiques autorisés en circulation. Il y en avait partout. La plupart étaient des taxis. J’ai eu le sentiment d’observer des centaines de puces. Jamais encore je n’avais vu une ville à ce point infestée par les machines volantes. C’était comme les bicyclettes à Canton. Toutes les rues étaient encombrées et il y avait des pistes roulantes de tous les côtés.
Ce qui m’a le plus impressionnée ensuite, je crois que c’est le sentiment que San José n’était pas vraiment une ville. Et cette vieille description a pris soudain pour moi tout son sens : « Un millier de villages en quête d’une ville. » L’existence de San José ne semblait avoir d’autre justification que la politique. Mais la Californie a toujours vécu sur la politique, plus que n’importe quel autre pays. C’est la démocratie sans complexes dans toute son impudence.
Bien sûr, on trouve la démocratie un peu partout, et même la Nouvelle-Zélande en est une forme atténuée. Mais ce n’est qu’en Californie que vous trouverez la vraie, la pure, la dure démocratie. Dès qu’un citoyen est assez grand pour tenir un bulletin, il a le droit de vote, et il ne le perd qu’après sa crémation dûment certifiée.
Mais on trouve la démocratie sous tant de formes. Les Canadiens britanniques, par exemple, la préfèrent diluée. On peut donc dire que les Californiens, eux, sont constamment ivres à force de consommer la démocratie à pleins verres, sans eau ni glaçons. On estime qu’il se déroule au moins une élection par mois dans cette bienheureuse contrée. Je pense que les Californiens peuvent se le permettre. Ils bénéficient d’un climat agréable, et ce du Canada au royaume du Mexique, et l’agriculture y est une de plus riches de la Terre. Le deuxième sport le plus populaire, le sexe, y est pratiquement gratuit et aussi facilement disponible que la marijuana. Ce qui laisse suffisamment de temps et d’énergie aux Californiens pour leur sport numéro un : la politique et les bavardages à propos de la politique.
Ils élisent tout et n’importe qui : du petit parasite responsable de district au chef de la Confédération lui-même (le Chef). Mais ils peuvent les déboulonner tout aussi vite et bien. Le Chef, par exemple, est censé gouverner pour six ans. Mais, parmi les neuf derniers, il n’y en a eu que deux qui aient duré le temps de leur mandat. Les autres ont été démis, à l’exception d’un seul qui a fini lynché. Dans la plupart des cas, un fonctionnaire au pouvoir ne résiste pas à la première pétition.
Mais il ne faudrait pas croire que les Californiens se contentent d’élire, de désavouer ou de lyncher leurs gouvernants. Ils sont également capables de légiférer directement et, à chaque élection, les bulletins de vote proposent plus de lois que de candidats.
Vox populi, vox Dei. Personnellement, je trouve cela très bien. En principe, tout le monde s’y retrouve, si l’on excepte quelques esprits chagrins. Et, de plus, ça ne coûte rien.
Aux environs de quinze heures, nous avons traversé la National Plaza, en face du palais du Chef, en direction du quartier général de la MasterCard.
Georges était en train de m’expliquer qu’il ne voyait aucun inconvénient à ce que nous nous arrêtions à un Burger King pour un lunch rapide. A son avis, le giant, confectionné avec un ersatz de filet de bœuf et une boisson au chocolat calcaire, à base de craie, d’ailleurs, représentait l’essentiel de l’apport de la Californie à la cuisine internationale.
Cela m’a donné quelques haut-le-cœur et j’ai approuvé en silence. A cet instant, une vingtaine de personnes venaient d’apparaître en haut des marches du palais et Georges se portait sur le côté pour éviter de les rencontrer. C’est alors que j’ai remarqué le petit homme coiffé de plumes d’aigle, au milieu du groupe. Ce visage avait été photographié tant de fois. J’ai immédiatement arrêté Georges.
Et j’ai surpris quelque chose à l’extrême limite de mon champ visuel. Une silhouette qui venait de se matérialiser derrière une colonne, tout en haut des marches.
Immédiatement, quelque chose s’est déclenché en moi. J’ai bondi vers l’escalier, renversé le Chef en bousculant pas mal de monde autour de lui avant de me propulser vers cette colonne, tout en haut des marches.
Je n’ai pas tué l’homme qui était là. Je lui ai simplement brisé le bras qui tenait l’arme avant de le neutraliser d’un coup de pied parce qu’il tentait de s’échapper. Je n’avais aucune raison d’agir aussi rapidement que je l’avais fait la veille. Ayant mis hors de danger l’excellente cible que constituait le chef de la Confédération (quelle idée de porter une coiffe de plumes !), j’avais eu quelques fractions de seconde pour me dire que l’assassin devait être capturé vivant parce qu’il pouvait peut-être nous fournir des indices sur ces séries de meurtres.
Mais mes réflexions s’arrêtèrent là parce que deux policiers venaient de me bloquer les bras. Aussitôt, j’ai songé au mépris du Patron ; une arrestation en public ! J’ai songé brièvement à leur échapper et à disparaître. Ce qui n’était pas impossible : l’un des policiers faisait de l’hypertension et l’autre, plus âgé, portait d’énormes lunettes.
Trop tard. En passant en survitesse, j’étais certaine de leur échapper, bien entendu. En moins de deux secondes, je me perdrais dans la foule. Mais ces deux gros crétins étaient capables de griller une dizaine de personnes en essayant de m’arrêter. Non, ce n’était pas du travail de pro ! Pourquoi ces gardiens ne protégeaient-ils pas leur chef au lieu de s’en prendre à moi ? Ou plutôt de me laisser leur travail ! Un tireur planqué derrière une colonne ? Grands dieux ! On n’avait pas connu ça depuis l’assassinat de Huey Long.
Et alors ?… Pourquoi m’étais-je donc mêlée de cette histoire ? J’aurais pu laisser le tueur faire son travail et descendre le vénéré chef de la Confédération californienne avec son chapeau si ridicule et tellement repérable.
Mais j’avais été conditionnée pour cela, ne l’oubliez pas. J’avais tout simplement obéi à mes réflexes. Me battre ne me passionne pas. Vraiment. Mais je le fais, un point c’est tout. C’est comme ça.
Mais je n’ai pas eu trop le temps de m’appesantir sur mes responsabilités : Georges venait de prendre les siennes. Jusqu’à présent, je l’avais entendu pratiquer un anglais canadien presque parfait, et voilà qu’il s’exprimait en français, de façon violente, incohérente, tout en essayant de me dégager de l’emprise de mes deux prétoriens.
L’homme aux lunettes m’a lâché le bras gauche parce qu’il essayait de repousser Georges, et je lui ai envoyé un coup de coude juste en dessous du sternum. Il a poussé un très gros soupir avant de s’effondrer. L’autre se cramponnait toujours à mon bras droit. Je l’ai frappé au même endroit que l’autre, juste avec trois doigts de ma main gauche. Il est tombé sur son camarade et ils se sont mis à vomir tous les deux en même temps.
Tout cela s’est passé évidemment plus vite que je ne le raconte. En deux secondes, peut-être, entre le moment où Georges est intervenu et celui où je me suis libérée. En tout cas, l’assassin avait disparu.
Je m’apprêtais à l’imiter. Et j’étais prête à porter Georges. Mais il avait déjà décidé pour moi. Il me tenait par le coude et nous grimpions vers l’entrée du palais, au-delà des colonnes. Comme nous pénétrions sous la coupole, il me souffla :
— Doucement, maintenant, chérie… doucement… Prends mon bras.
J’ai obéi. Il y avait pas mal de monde sous la coupole mais l’ambiance était plutôt calme. Impossible de deviner ici que le chef de l’exécutif venait juste d’échapper à un attentat. Les loges de pari et de loterie étaient bondées. A quelques pas sur notre gauche, une jeune femme vendait des billets de loterie, ou du moins telle était son intention car je ne voyais aucun client à proximité et elle semblait surtout s’intéresser au feuilleton projeté sur son terminal.
Georges s’approcha d’elle. Sans même lever les yeux, elle lui dit :
— Ça va bientôt être fini. Je suis à vous tout de suite. Faites un petit tour.
Les loges occupaient toute la périphérie. Georges parut soudain leur porter un intérêt intense et surprenant, et je l’imitai. Quelques minutes s’écoulèrent. Les publicités succédèrent au feuilleton, et la jeune femme coupa brusquement le son avant de s’intéresser à nous.
— Je vous remercie d’avoir attendu, dit-elle avec un sourire aimable. Je ne manque jamais Chagrin de femme. Surtout que Mindy Lou est encore une fois enceinte et que son oncle prend ça très mal… Vous suivez ça, ma chérie ?
Je lui ai dit que je n’en avais pas vraiment le temps, à cause de mon travail.
— Quel dommage… C’est très instructif, vous savez. C’est comme Tim, mon petit copain : il ne regarde que le sport. Et il manque tout ce qu’il y a de meilleur dans la vie. Le problème de Mindy Lou, par exemple. Son oncle Ben ne la persécute que parce qu’elle ne veut pas lui dire qui l’a mise enceinte. Ça, Tim s’en fiche. Ce que personne ne comprend, c’est qu’elle ne peut rien dire parce que la chose s’est passée pendant une réunion de district. Dites-moi : vous êtes née sous quel signe ?
Je devrais toujours avoir la même réponse prête pour ce genre de question parce que, inévitablement, les gens la posent, quelles que soient les circonstances. Mais quand on n’est pas vraiment né, on a tendance à évacuer ce genre de problème. J’ai pris une date au hasard.
— Un 23 avril.
Shakespeare est né un 23 avril. Ça m’était venu comme, ça…
— Ah, oui ? Alors, j’ai un billet de loterie pour vous ! Vous voyez ? Quelle veine ! Vous tombez comme ça et j’ai précisément ce qu’il vous faut. Ça ne coûte que vingt ours[12].
Je lui ai tendu un billet d’un dollar canadien.
— Ah ! je n’ai pas la monnaie.
— Gardez tout. Ça me portera chance.
Elle a pris le billet.
— Chérie, vous êtes quelqu’un qui me plaît. Quand vous viendrez chercher votre argent, nous prendrons un verre. Et vous, monsieur, vous avez trouvé le numéro qui vous plaît ?
— Pas encore. Je suis né le neuvième jour du neuvième mois de la neuvième année de la neuvième décennie. Est-ce que vous avez une solution à me proposer ?
— Mmm ! Quel mélange affreux ! Je vais essayer… Et si je n’y arrive pas, je ne vous vends rien, d’accord ?
Elle a plongé dans ses piles de billets et de diagrammes en chantonnant doucement. Puis elle a regardé sous le comptoir, a farfouillé un peu partout. Finalement, elle a refait surface avec un sourire rayonnant, en brandissant un billet de loterie.
— Je l’ai ! Regardez un peu ça !
Le numéro était le 8109999.
— Je suis très impressionné, a déclaré Georges.
— Impressionné ? Mais vous êtes riche ! Il y a les quatre neuf dont vous avez besoin. Maintenant, ajoutez les nombres impairs. Vous avez neuf encore une fois. Faites la division. Encore une fois neuf. Ajoutez les quatre derniers chiffres. Ça nous fait trente-six. Non… quoi que vous fassiez, vous trouverez toujours les données de votre naissance. Qu’est-ce que vous désirez, monsieur ? Des danseuses ?
— Je vous dois combien ?
— Là, le chiffre est spécial. Vous pouvez avoir n’importe quel autre numéro pour vingt ours. Mais celui-là… Je vous propose une chose : mettez de l’argent devant moi jusqu’à ce que je vous fasse un sourire.
— Ça me semble correct. Et si vous ne souriez pas au moment où je pense que vous devriez sourire, je reprends mon argent, c’est ça ?… Et je m’en vais.
— A moins que je ne vous rappelle.
— Non, pas question. Si vous ne me proposez pas un prix fixe, je ne vous laisserai pas discuter.
— Eh ! vous êtes plutôt dur. Je voulais seulement…
L’hymne américain a éclaté tout à coup dans tous les haut-parleurs, suivi du Golden Bear Forever californien.
— Attendez ! Ça sera bientôt fini ! a crié la jeune femme.
Une foule de gens a franchi le seuil et traversé la coupole en suivant le couloir principal. J’ai repéré aussitôt notre Chef emplumé mais, cette fois, il était bien entouré et un assassin éventuel aurait eu du mal à l’atteindre.
Quand il fut possible d’entendre de nouveau quelque chose, la jeune femme nous a dit :
— Il est sorti il y a moins d’un quart d’heure. Si ça n’était pas pour quelque chose de sérieux, je me demande bien pourquoi il n’a pas envoyé quelqu’un à sa place. Tout ce boucan, ça n’est bon pour personne. Et alors, vous avez décidé quel prix vous étiez prêt à mettre pour être enfin riche ?
— Oh, oui ! a déclaré Georges d’un air grave en posant un billet de trois dollars devant elle sans la quitter des yeux.
Pendant plusieurs longues secondes, leurs regards se sont affrontés. Puis elle a dit d’un air triste :
— Je souris. Oui, je pense que je souris. (Elle a pris les trois dollars d’une main et tendu le billet de loterie de l’autre.) Je crois quand même que j’aurais pu vous soutirer un dollar de mieux.
— Ça, on ne le saura jamais, pas vrai ?
— Quitte ou double ?
— Avec vos cartes ? a demandé doucement Georges.
— Je crois que vous allez m’épuiser. Disparaissez avant que je ne change d’idée.
— Les toilettes ?
— Au fond du couloir à ma gauche. Eh ! admirez le dessin en passant.
Tandis que nous nous dirigions vers les toilettes, Georges me dit tranquillement, en français, que des gendarmes étaient passés pendant que nous discutions, qu’ils avaient fouillé les toilettes, et qu’ils étaient revenus sous la coupole.
Je l’ai interrompu – en français également – pour lui dire que je savais cela mais que le coin devait être truffé d’Yeux et d’Oreilles et qu’il valait mieux ne pas parler.
Mais je ne voulais pas le rembarrer. Il avait réussi à discuter tranquillement du prix des billets de loterie pendant que les gardes nous cherchaient. Pas mal. Du vrai travail de professionnel.
Mais il ne fallait pas que je lui dise ça tout de suite. A l’entrée des toilettes, une personne de sexe indéterminé vendait des tickets. Je lui ai demandé où étaient les toilettes dames. Il ou elle ?… Les deux petits mamelons que je distinguais sous son T-shirt pouvaient être faux.
— Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? Vous êtes dingue ou quoi ? Vous voudriez qu’on fasse de la discrimination dans les toilettes, c’est ça ?… Oh ! je crois bien que je devrais appeler un flic… (Elle me regarda plus attentivement.) Ou alors vous n’êtes pas d’ici… C’est ça ?…
Oui, j’admis que je n’étais pas du coin.
— Compris. Mais ne dites pas des choses comme celle que vous venez de dire. Ça risque de ne pas plaire. Nous vivons en démocratie, vous comprenez ? C’est la même chose pour tout le monde. Alors, vous prenez un ticket ou vous dégagez l’entrée…
Georges a pris nos deux tickets.
Sur notre droite, en entrant, il y avait une rangée de cabines ouvertes. Au-dessus de chacune, un holo annonçait :
CES TOILETTES SONT A VOTRE DISPOSITION POUR VOTRE HYGIENE ET VOTRE CONFORT, GRATUITEMENT, GRACE A LA CONFEDERATION DE CALIFORNIE – JOHN TUMBRIL, DIT « CRI DE GUERRE », CHEF DE LA CONFEDERATION.
Le tout était surmonté d’un holo grandeur nature du Chef.
Plus loin, les cabines avaient des portes et elles étaient payantes. Au-delà, des rideaux masquaient plusieurs autres portes. L’être qui présidait au bureau de renseignements était de sexe parfaitement déterminé, si j’ose dire : la gouine bouledogue parfait pedigree. Georges me surprit en achetant un flacon de parfum à bon marché et quelques tubes de maquillage. Ensuite, il demanda un ticket pour les cabines du fond, celles qui se trouvaient derrière les rideaux.
— Un seul ticket ? (La créature le regarda d’un air incisif.) Oh, le vilain ! Pas de cochonneries ici, mon grand.
Georges ne répliqua pas. Il lui tendit simplement un billet d’un dollar canadien qui disparut aussitôt.
— Bon, souffla-t-elle. Ne restez pas longtemps. Et si je sonne, essayez d’être présentable en une seconde, d’accord ? Numéro sept, au fond à droite.
Georges a tiré soigneusement le rideau, remonté le zip avant d’ouvrir l’eau froide en grand. Très vite, il m’a dit en français que nous allions transformer notre apparence sans avoir recours à des déguisements.
— … alors, ma chérie, je t’en prie, déshabille-toi et mets ce vêtement que tu as dans ton sac.
Ce qu’il voulait, m’expliqua-t-il plus avant sans cesser de faire du bruit, de tirer la chasse, d’ouvrir et de fermer les robinets, c’était que je porte mon Superskin, que je me maquille de façon outrée, que je finisse par ressembler à une prostituée de Babylone.
— Je sais que ce n’est pas ton métier, ma douce, mais fais ton possible.
— Je vais essayer d’être… « adéquate », c’est cela ?
— Et toc !
— Et tu as l’intention de porter les vêtements de Janet ? Je ne pense pas qu’ils t’aillent, très sincèrement.
— Non, pas question de jouer les travelos.
— Pardon ?
— Je veux dire que je ne vais pas porter des vêtements de femme. Je vais simplement me débrouiller pour avoir l’air efféminé.
— Ça, je veux le voir. D’accord, essaie.
Pour moi, ç’a été facile. Le Superskin, comme une peau mouillée, qui avait attiré Ian, un peu plus de maquillage que d’ordinaire (Georges se chargea de l’opération car il semblait estimer s’y connaître un peu plus que moi dans le domaine, ce qui était vrai), et une démarche un peu plus balancée.
Pour lui, Georges utilisa encore plus de maquillage, s’aspergea de ce parfum vulgaire qu’il avait acheté et se noua autour du cou l’écharpe orange vif qui m’avait servi de ceinture jusqu’à présent. Il me laissa le soin de donner du gonflant à sa coiffure. C’était tout… mais il avait réussi le changement. Il était toujours Georges, mais il n’avait plus rien de l’étalon viril qui m’avait épuisée la nuit précédente.
J’ai bouclé mon sac et nous sommes sortis. La vieille chèvre a ouvert de grands yeux en nous voyant. Mais elle n’a rien dit. L’homme qui se tenait appuyé contre le stand s’est redressé, a pointé le doigt vers Georges et lancé :
— Eh ! vous ! Le Chef veut vous voir. (Et il a ajouté, comme pour lui-même :) Je n’arrive pas à le croire.
Georges a levé les mains, l’air affolé.
— Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! Mais il doit y avoir une erreur, n’est-ce pas ?
Le type a craché le cure-dents qu’il suçait :
— Moi aussi, je le crois, camarade. Mais je n’ai rien à dire et vous non plus. Venez. Pas vous, la fille.
— Il est hors de question que j’aille où que ce soit sans ma chère sœur ! a dit Georges.
La chèvre est intervenue.
— Morrie, elle peut attendre ici. Venez, ma jolie, asseyez-vous là, à côté de moi.
Georges me fit le plus discret des signes de tête, mais c’était inutile. Si je restais, la vieille chèvre n’allait pas tarder à m’accompagner dans une des pièces du fond, ou bien elle allait se retrouver tassée dans une poubelle. Je penchais plutôt pour cette dernière solution. Je suis capable de ce genre de fantaisie même en mission. Et si jamais il me prenait l’envie de changer de camp, ce serait avec quelqu’un que j’aime et que je respecte.
Je me suis approchée de Georges et je lui ai pris le bras.
— Nous n’avons jamais été séparés depuis que maman, sur son lit de mort, m’a fait jurer de prendre soin de lui. (Et j’ai ajouté en prenant un air buté :) Alors…
Pour autant que cela eût quelque signification.
Le nommé Morrie m’a dévisagée, puis il s’est tourné vers Georges avec un soupir.
— Oh, et puis merde ! D’accord, fillette, vous restez avec lui. Mais vous la fermerez, hein ?
Il nous fallut passer six postes de contrôle – à chaque fois on chercha à me déshabiller – avant de nous retrouver en Sa Présence. Ma première impression fut que le Chef John Tumbril était plus grand que je ne l’avais estimé. Mais il ne portait pas sa coiffe de plumes, ce qui expliquait sans doute la différence. Ma deuxième impression fut qu’il était en fait plutôt laid. Comme beaucoup d’autres hommes politiques avant lui, il avait fait de sa laideur une véritable image politique.
(Est-ce qu’il est vraiment nécessaire d’être laid pour gouverner ? En remontant le cours de l’Histoire, il fallait aller jusqu’à Alexandre le Grand pour trouver un homme acceptable qui avait réussi à se frayer un chemin jusqu’au pouvoir.)
Tel quel, John « Cri de Guerre » Tumbril évoquait une grenouille en train de se changer en crapaud. Sans y parvenir, bien entendu.
Il se racla la gorge avant de demander :
— Eh bien, qu’est-ce qu’elle fait ici, celle-là ?
— Monsieur, je dois élever une plainte ! lança Georges. Cet homme… cet homme a tenté délibérément de me séparer de ma sœur adorée ! Il convient que vous le réprimandiez !
Tumbril regarda Morrie, puis me dévisagea, avant de reporter son attention sur le parasite.
— Est-ce exact ?
Morrie admit que oui, c’était bien lui qui avait fait ça mais qu’il avait pensé que, puisque le Chef le lui avait ordonné, il devait exécuter ses ordres, tout en pensant que…
— Vous n’êtes pas censé penser, déclara Tumbril. Nous en reparlerons plus tard. Et pourquoi la laissez-vous debout ? Offrez-lui un siège ! Est-ce qu’il faut donc que je me charge de tout ici ?
Quand je fus assise, le Chef se tourna vers Georges.
— Hier, vous vous êtes montré brave. Oui, monsieur, vous avez accompli un Acte Héroïque. La Grande Nation californienne est fière de pouvoir compter des Fils de votre valeur en son sein. Quel est donc votre nom ?
Georges se présenta.
— Payroll ! s’exclama le Chef. Quel Glorieux Nom Californien ! L’un de ceux qui brillent sans nul doute au fronton de notre Glorieuse Histoire ! Parmi ceux des vaillants Rancheros qui nous ont libérés du joug de l’Espagne, jusqu’aux Courageux Patriotes qui nous ont débarrassés de l’emprise de Wall Street. Georges, vous permettez que je vous appelle Georges ?
— Bien volontiers.
— Vous pouvez m’appeler « Cri de Guerre ». C’est le titre le plus Glorieux de notre Nation, Georges. Nous sommes tous égaux.
— Les êtres artificiels aussi ? ai-je demandé brusquement.
— Pardon ?
— Je vous demande si les êtres artificiels ont les mêmes droits… ceux que l’on fabrique à Berkeley et Davis. Est-ce que vous les considérez comme vos égaux ?
— Hmm… Ma jeune amie, vous ne devriez pas interrompre vos chefs lorsqu’ils parlent. Mais je vais répondre à votre question. Comment la Démocratie Humaine pourrait-elle étendre ses bienfaits à des créatures qui ne sont pas humaines ? Est-ce que vous accorderiez le droit de vote aux chats ? Ou à une Ford VEA ? Dites-le-moi.
— Non, mais…
— Voilà. Nous sommes tous égaux et nous avons tous le droit de vote. Mais il faut bien une limite. Non, taisez-vous, ne m’interrompez pas encore. Vos supérieurs doivent s’exprimer. Georges, ce que vous avez fait aujourd’hui relève des Grandes Traditions d’Héroïsme de l’Immense Confédération californienne. Je suis Fier de Vous ! Même si ce fou ne menaçait pas vraiment mon existence, à vrai dire…
Il se leva, quitta son bureau et se mit à marcher de long en large, les mains croisées derrière le dos. Et je compris pourquoi il m’avait paru plus grand qu’à l’extérieur. Il y avait une sorte de petite estrade derrière son bureau, ou bien les pieds de son fauteuil étaient surélevés. En tout cas, à l’état de nature, il m’arrivait à peine à l’épaule. Il se mit à soliloquer, comme s’il réfléchissait à voix haute.
— Georges, vous savez, il y a toujours une place parmi mes collaborateurs pour des gens de votre trempe. Qui sait ? Il se pourrait bien qu’un jour vous me sauviez d’un véritable attentat. Un criminel étranger, un agitateur pourrait tenter de m’assassiner. Mais je sais que je n’ai rien à craindre, évidemment, des Fidèles Patriotes de notre cher Pays. Ils ont une grande vénération pour moi depuis que j’ai agi en leur faveur lorsque j’occupais l’Octagone. Mais il y a de nombreux pays qui sont jaloux de nous, qui envient notre Richesse, notre Liberté, notre Démocratie, notre mode de vie. Souvent, leur violence se déchaîne contre nous.
Un instant, il demeura immobile et silencieux, la tête penchée, comme s’il priait.
— L’un des Prix à payer pour avoir le Privilège de servir, reprit-il sur un ton solennel. Mais, en toute Humilité, on doit le payer avec Joie et Ferveur. Georges, dites-moi : si vous étiez amené à faire l’Ultime Sacrifice, si le Chef du Gouvernement exécutif de ce magnifique pays vous le demandait, le feriez-vous sans hésiter ?
— Ça me paraît très improbable, dit Georges.
— Hein ? Comment ?
— Ma foi, quand je vote – et ce n’est pas très souvent –, je vote réunionniste. Mais l’actuel Premier ministre est revanchiste. Je doute qu’il m’accepte.
— Mais de quoi parlez-vous donc ?
— Je suis québécois, monsieur le Chef d’Etat. Je viens de Montréal[13].