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— C’est étrange, dit Jason. Je n’avais jamais bien vu le périmètre de l’extérieur. Repoussant est le seul mot qui convienne.

Il se trouvait à plat ventre à côté de Rhes, et tous deux étaient enveloppés de lourdes fourrures malgré la chaleur, avec des jambières et des gants de cuir épais. Devant eux, entouré d’un couloir brûlé, s’élevait le périmètre.

Un mur de hauteur inégale, apparemment composé de tout ce qui était tombé sous la main des citadins. De la mauvaise maçonnerie voisinait avec des entrelacs de poutres, des plaques blindées et rivetées, des sacs de sable éventrés et Dieu sait quoi encore. Des câbles de détection et des fils électrifiés pendaient sur toute sa surface. À intervalles irréguliers, des lance-flammes pointaient leur museau par-dessus le parapet et balayaient la base du mur, brûlant toute vie qui approchait de trop près.

— Ces lance-flammes peuvent nous causer des ennuis, dit Rhes. Il y en a un qui couvre l’endroit où vous voulez passer.

— Aucun problème, le rassura Jason. Il est suffisant pour tromper les animaux, mais n’a pas été prévu pour des hommes. Il tire à intervalles réguliers. Regardez : toutes les deux, puis quatre, puis trois minutes, puis toutes les minutes.

Ils retournèrent en rampant rejoindre Naxa et les autres. Le groupe comprenait trente hommes. Ils devaient être rapides et peu nombreux, car leur arme principale était la surprise. Ils semblaient tous peu à l’aise dans leurs fourrures et quelques-uns d’entre eux les avaient délacées pour se rafraîchir.

— Refermez vos fourrures, ordonna Jason. Vous n’avez aucune idée du danger qui vous entoure. En dehors des animaux, les épines des plantes et même les brins d’herbe sont empoisonnés.

— Il a raison, grogna Naxa. Je ne me suis jamais approché aussi près moi-même. La mort, la mort entoure ce mur. Faites ce qu’il dit.

Ils attendirent nerveusement. Seul Naxa restait calmement assis, les yeux dans le vague, cherchant à sentir les mouvements des animaux, dans la jungle qui les environnait.

— Ils sont en route, dit-il. Jamais rien entendu d’aussi énorme.

Jason en avait conscience en partie. Une tension dans l’air et une vague intense de colère et de haine.

Les parleurs lui avaient assuré qu’ils pourraient concentrer l’attaque sur une petite zone et ils étaient partis le matin, rabattant toute la vie pyrrusienne contre la cité.

— Ils y sont, dit soudain Naxa.

Les hommes se levèrent, regardant vers la ville. Ils entendirent le bruit des coups de feu et des explosions dans le lointain. De minces bandes de fumée s’élevèrent au-dessus des arbres.

— Mettons-nous en place, dit Rhes.

— Ces sales bêtes me font mal au crâne, murmura Naxa. On y va ?

— Pas encore, répondit Rhes. Nous attendons le signal.

L’un des hommes transportait la radio. Il l’installa soigneusement, fit passer l’antenne par-dessus une branche et tourna le bouton. Seul un crachotement se fit entendre dans le haut-parleur.

— Nous aurions pu nous minuter…, commença Rhes.

— Non, répondit Jason. Pas assez précis. Nous devons attaquer le mur au plus fort de la lutte, quand nos chances seront les meilleures. Et quelques minutes de plus n’ont aucune importance.

Le bruit du haut-parleur changea. Une voix fit entendre une phrase courte et se tut.

Envoyez trois sacs de farine.

— Allons-y, ordonna Rhes en se jetant en avant.

Jason le retint par le bras.

— Attendez. Je chronomètre le lance-flammes. Il doit cracher… maintenant !

Une langue de feu arrosa le sol puis disparut.

— Nous avons quatre minutes avant le prochain.

Deux hommes saisirent Jason sous les coudes et ils coururent, le portant à moitié. Ce n’était pas prévu, mais ils gagnèrent ainsi de précieuses secondes. Arrivé au pied du mur, il sortit les bombes qu’il avait confectionnées. Un circuit de mise à feu reliait entre elles les charges du pistolet pris à Krannon lorsqu’il avait été tué. Tout avait été soigneusement répété et ils allaient très vite.

Jason avait décidé que le meilleur endroit pour faire la brèche était encore le mur de métal. Il offrait la plus grande résistance à la vie animale et il y avait toutes les chances pour qu’il ne fût pas renforcé de la même façon que les autres parties. S’il s’était trompé, ils périraient tous.

Les premiers du groupe avaient collé des poignées d’une sorte de mastic sur le mur, formant à peu près un rectangle de la hauteur d’un homme et Jason y enfonça les charges. Pendant ce temps, un autre amena le fil connecté au détonateur et alla rejoindre les autres, aplatis plus loin contre le mur. Jason trébucha dans les cendres et les os calcinés jusqu’au détonateur, se laissa tomber dessus et enfonça le bouton en même temps.

Derrière lui, un bruit de tonnerre secoua le mur et une flamme rouge s’éleva. Les hommes se précipitèrent et agrandirent le trou rempli de fumée, à travers lequel rien n’était visible. Jason plongea dans l’ouverture, roula sur lui-même et fut arrêté par un poteau : il était à l’intérieur de la cité.

Les autres le suivaient maintenant et ils le relevèrent au passage pour lui épargner d’être piétiné. Quelqu’un aperçut le vaisseau et ils se dirigèrent dans sa direction.

Un homme de la cité déboucha de derrière un bâtiment, courant vers eux. Ses réflexes le jetèrent dans une encoignure à l’instant où il les vit. Mais ils étaient pyrrusiens eux aussi et l’homme retomba dans la rue, le corps traversé de trois flèches.

Quelqu’un avait atteint le vaisseau avant eux : ils pouvaient voir la porte extérieure se refermer. Une grêle de flèches s’y abattit sans aucun effet.

— Courez ! Cria Jason. Mettez-vous près de la coque avant qu’il ait atteint les canons.

Trois des hommes n’allèrent pas plus loin cette fois-ci. Les autres se trouvaient sous le ventre du vaisseau lorsque toutes les armes du bord firent feu en même temps. L’homme qui se trouvait à l’intérieur avait déclenché toutes les détentes ensemble aussi bien pour faire reculer les attaquants que pour appeler à l’aide. Et il allait se servir des écrans. Il ne leur restait plus beaucoup de temps.

Jason essaya d’ouvrir la porte étanche, mais elle était verrouillée de l’intérieur. L’un des hommes le poussa de côté et tira sur la poignée : elle lui resta dans la main, mais la porte était toujours fermée.

Les gros canons ne tiraient plus, et Jason et ses compagnons pouvaient de nouveau s’entendre.

— Quelqu’un a-t-il pris le pistolet du mort ? demanda Jason. On pourrait faire sauter cette porte.

— Non, répondit Rhes. Nous ne nous sommes pas arrêtés.

Avant que les mots aient été prononcés, deux hommes couraient vers le bâtiment, chacun selon une trajectoire différente. L’un fut coupé en deux par le feu des armes du bord, mais l’autre avait atteint le bâtiment avant que les canons aient pu changer de direction.

Il jaillit de l’abri et eut le temps de jeter le pistolet vers ses amis avant d’être touché à son tour. Le pistolet glissa jusqu’aux pieds de Jason qui s’en saisit et tira dans la serrure. La porte s’entrouvrit. Ils se précipitèrent tous à l’intérieur au moment où les turbines des camions se faisaient entendre. Naxa resta près de la porte avec le pistolet jusqu’au moment où ils auraient envahi la salle des commandes.

Lorsque Jason eut indiqué le chemin, ils passèrent tous devant lui et la bataille était terminée quand il atteignit la pièce. L’homme de la cité ressemblait à un porc-épic. L’un des grubbers avait trouvé les commandes des armes et tirait dans tous les sens pour éloigner les camions.

— Que quelqu’un s’occupe de cette radio et dise aux parleurs d’arrêter l’attaque, dit Jason.

Il trouva l’écran de transmission et l’alluma. Les yeux agrandis, Kerk le regardait fixement depuis l’écran.

Vous ! Dit-il soufflant le mot comme une injure.

— Oui, c’est moi, répondit Jason.

Il parlait sans lever les yeux, tandis que ses mains s’agitaient sur le tableau de bord.

— Écoutez-moi bien, Kerk, et ne mettez aucune de mes paroles en doute. Je ne sais peut-être pas piloter ce vaisseau, mais je sais comment le faire sauter. Vous entendez ce bruit ? (Il fit basculer un levier et le sifflement lointain d’une pompe se fit entendre faiblement.) C’est la pompe principale. Si je la laisse marcher, ce que je ne ferai pas tout de suite, elle remplira rapidement de carburant la chambre de combustion. Si bien que ça débordera par les tubes arrière. Et qu’arriverait-il à votre seul et unique vaisseau si j’enfonçais alors le bouton de mise à feu ? Je ne vous demande pas ce qui m’arrivera – vous vous en moquez – mais vous avez besoin de ce vaisseau autant que de la vie même.

Le silence régnait dans la cabine maintenant. Les hommes qui avaient conquis le vaisseau étaient tournés vers lui. La voix de Kerk résonna fortement dans la pièce.

— Que voulez-vous, Jason ? Qu’essayez-vous de faire ? Pourquoi avez-vous conduit ces animaux ici ?

— Attention à ce que vous dites, Kerk. Les hommes dont vous parlez sont les seuls sur Pyrrus à posséder un vaisseau spatial. Si vous voulez qu’ils le partagent avec vous, il faut apprendre à parler gentiment. Venez ici immédiatement – avec Brucco et Méta. Et ne prenez pas l’air malheureux, ce n’est pas la fin du monde. En fait, c’est peut-être le début d’un nouveau monde.

» Ah ! Laissez ce canal ouvert en partant et faites-le brancher sur tous les écrans de la ville afin que tout le monde voie ce qui se passe ici.

Kerk ouvrit la bouche, la referma, puis quitta l’écran en le laissant branché, relayant la scène à toute la ville.

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