Épilogue

Billy se souvenait d’une impression de mouvement vers le haut, de dilatation, comme si on l’aspirait dans le vide. Le mouvement l’entoura, devint un endroit, un endroit d’une taille incompréhensible, une immensité bleue, comme le ciel. Puis ce fut le ciel.

Un généreux ciel bleu sur un paysage sec, des collines d’un blanc poudreux au loin, une ferme au premier plan. De l’eau jaillissait en hauteur de mille arroseurs, générant des arcs-en-ciel sur des kilomètres de chou frisé, de nouveau blé vert et de somptueuses charmilles de raisins.

L’Ohio !

Billy en resta bouche bée.

Il se trouvait sur une route poussiéreuse, en civil. Son corps n’était pas brisé. Plus la moindre douleur ni la moindre peur.

Une route dans l’Ohio à l’intérieur d’un monstre à l’intérieur d’un tunnel à l’intérieur du temps.

Il ne comprenait rien à cette hiérarchie d’impossibilités. Il avait été emporté là volontairement ou par accident, peut-être par un être complètement atemporel qui était ou non humain seulement d’une certaine manière ou encore toute l’humanité réunie à la fin des temps… il n’en savait rien, cela n’avait pas d’importance. Il se demanda comment il allait faire sans son armure, pourtant cette pensée s’avéra moins terrifiante qu’elle ne l’aurait dû. Peut-être n’avait-il pas besoin de l’armure. Il plongea la main sous sa chemise de coton grossier pour toucher l’endroit où la lancette pénétrait auparavant sous sa peau, mais l’orifice avait cicatrisé et la peau semblait parfaitement lisse.

Billy avança en direction de la ferme jusqu’à ce que les bâtiments communs se dressent devant lui et qu’il distingue deux silhouettes à l’entrée principale. Il se mit à courir, car il reconnaissait l’homme barbu : Nathan, son père, et à ses côtés se trouvait Maria, sa mère, morte d’un cancer un mois après sa naissance : Billy la reconnut d’après les photographies.

Il arriva devant Nathan, aussi grand que dans son souvenir. « Quel est cet endroit ? » demanda-t-il, et Nathan répondit : « Celui où nous recommençons. » Il ouvrit ensuite les bras, dans lesquels Billy se jeta.

Nathan et Maria l’emmenèrent à la maison. À leur contact, sa mémoire fut arrachée à Billy comme une dent douloureuse, laissant comme seuls faits le ciel, l’eau, la chaleur.

« J’ai vu une patrouille de l’infanterie, ce matin, observa Nathan. Mais elle est passée bien au sud.

— Tant mieux », fit la mère de Billy.

Billy lui prit la main et la tira vers la maison.

« Je suis fatigué », dit-il. Le soleil, brûlant, l’avait épuisé et il lui semblait avoir parcouru un très long chemin.

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