Les manœuvres établies par Desjani eurent les résultats souhaités. Les vaisseaux obscurs se trouvaient à un peu plus d’une heure-lumière et demie quand se produisit, sur l’ordre que donna Geary aussitôt après réception du dernier message de Rione, la principale modification de la trajectoire de sa flotte, de sorte que l’ennemi n’y assista qu’environ une heure et demie plus tard. Il altéra alors son propre vecteur, visant une nouvelle interception des vaisseaux de la Première Flotte en partant du principe qu’ils retournaient à l’installation gouvernementale.
Quelques minutes avant que l’ennemi ne croise la trajectoire de la flotte, Geary ordonna à ses vaisseaux de mettre cette fois le cap derrière l’étoile Bêta à l’opposé du portail de l’hypernet, éloigné de près de sept heures-lumière. En réalité, l’image était désormais mensongère. Le portail avait déjà disparu.
Les vaisseaux obscurs avaient anticipé les changements de vecteur de Geary en postulant qu’ils le conduiraient vers l’installation gouvernementale ou vers un nouvel engagement, mais ils n’avaient pas prévu qu’il mettrait le cap vers le côté opposé de Bêta, tant et si bien que leur interception fut un échec.
Leurs cinq sous-formations, opérant désormais en unique formation ressoudée, virèrent largement sur l’aile pour en chercher une nouvelle.
« Dès que nous freinerons, et nous devons commencer dès maintenant, ils vont très vite nous rattraper, prévint Desjani.
— Ils nous rateront, répliqua Geary. Quel que soit le vecteur projeté qu’ils nous attribuent, ils ne prévoiront pas que nous comptons ralentir au point de nous retrouver en orbite fixe à proximité de Bêta. De notre part, ce serait parfaitement irrationnel et nous n’en tirerions aucun avantage, sauf dans certaines conditions bien précises que les vaisseaux obscurs ne se figurent pas. Ils ont besoin d’observations pour prendre des décisions, et ils ne verront aucun signe de danger avant qu’il ne soit trop tard. »
Les vaisseaux de Geary pivotèrent de nouveau ; leurs proues se relevèrent et se retournèrent, en même temps que leur propulsion principale s’éteignait et que toute la flotte entreprenait de réduire sa vélocité aussi vite que pouvaient se le permettre ses bâtiments les plus handicapés.
Les vaisseaux obscurs qui fondaient sur la formation de Geary commencèrent à leur tour à freiner.
« On est dans les temps ? demanda Geary.
— Pile poil, répondit Desjani. La perfection même. »
La trajectoire des vaisseaux obscurs s’infléchissait vers le bas à mesure qu’ils décéléraient, suggérant des interceptions bien au-delà de Bêta. La force de Geary ralentissant de plus belle, l’ennemi se mettait au diapason, mais toujours en assumant qu’elle pouvait cesser de freiner à tout instant. Sa trajectoire dans l’espace le menait au-dessus de Bêta et par-delà.
« Vous savez quoi ? demanda Desjani. Ralentir à ce point quand ces vaisseaux obscurs sont presque sur nous et menacent de nous frapper me paraît insensé. Mon cerveau me dit que c’est nécessaire, mais mes tripes, elles, trouvent ça démentiel.
— Ça me fait le même effet », reconnut Geary.
Bêta grossissait, de plus en plus large à mesure que sa flotte s’en rapprochait. Il ordonna à ses vaisseaux de fondre leurs quatre formations en une seule, qui, resserrée, serait aussi bien protégée que possible des ondes de choc qui contourneraient l’étoile après qu’elle aurait pris position derrière.
« Plus que cinq minutes avant d’arriver, annonça Desjani. Si le portail doit s’effondrer à vitesse grand V, nous l’apprendrons à la dure dans les deux minutes qui suivent.
— Avant de passer derrière Bêta, veillez à larguer quelques satellites de surveillance remplaçables afin qu’on puisse capter des images », l’exhorta Geary.
Les vaisseaux obscurs avaient complètement loupé la force de Geary et ils négociaient à présent un virage serré bien au-delà de l’étoile, tout en orientant de nouveau leur proue vers elle. « Vingt minutes avant leur prochaine tentative d’interception, rapporta le lieutenant Castries.
— Vous m’avez l’air bien sereine, lieutenant, fit remarquer Desjani, le menton en appui sur un poing, parfaite incarnation de la relaxation. Bonne attitude. »
Castries sourit largement. « J’ai beaucoup vu au cours des derniers mois, commandant.
— Une expérience de mort imminente de plus ?
— Exactement, commandant.
— Et vous, lieutenant Yuon ? s’enquit Desjani. Comment vous sentez-vous ?
— Comme engourdi, commandant, avoua Yuon.
— Engourdi me va très bien tant que vous continuez à cogiter. Ah, nous y voilà ! »
L’Indomptable se glissa sur son orbite fixe autour de Bêta ; toute proche, l’étoile était désormais immense et occultait une vaste portion de l’espace. Tout autour du croiseur de combat, les autres vaisseaux de l’Alliance, dans une formation plus compacte que d’ordinaire, offraient au regard leur scintillant dispositif, illuminé par les feux nucléaires de l’étoile voisine. Les Danseurs s’étaient également rapprochés de la flotte en louvoyant au travers pour se ranger ensuite au beau milieu, comme si ces manœuvres complexes n’étaient qu’un jeu d’enfant.
Les vaisseaux obscurs avaient fini de se retourner et accéléraient vers la flotte de Geary et les Danseurs.
« J’espère sincèrement que le portail va s’effondrer, murmura Desjani, si sourdement que seul Geary l’entendit. Sinon, on va se faire éviscérer. »
Lui-même ne quittait pas des yeux son écran, où s’affichait, grossie, la vue transmise par les satellites de surveillance. Le disque coruscant d’Alpha était visible sur un côté, mais les autres objets d’Unité Suppléante n’étaient plus que des points brillants parmi les étoiles innombrables. Si, comme il l’aurait dû, le portail s’était réellement effondré, nombre de ces points brillants n’existaient déjà plus. Mais la vague de destruction qui les avait engloutis voyageait avec la lumière qui leur apporterait la nouvelle de cette dévastation.
« Dix minutes avant interception par les vaisseaux obscurs, annonça le lieutenant Castries.
— Tous les boucliers sont à pleine puissance, rapporta Young.
— On peut voir s’effondrer le portail », ajouta Castries.
L’événement s’était produit près de sept heures plus tôt, mais on avait l’impression qu’il était en train d’avoir lieu.
Geary vit s’éteindre un des points brillants. « La voilà ! »
D’autres s’effacèrent.
Dont l’installation gouvernementale.
L’image transmise par les satellites disparut et Geary se tourna vers son écran principal.
L’onde de choc frappa Alpha puis Bêta quelques secondes plus tard ; la photosphère déjà enflammée des deux étoiles s’épanouit de tous côtés, telle une boule de feu télescopée par une violente bourrasque.
Des centaines de vaisseaux obscurs se rapprochaient de la flotte de Geary. Cinq formations des plus dangereux bâtiments jamais construits par l’homme. Précis, glacés, mortels.
L’onde de choc se déplaçait si vite et si violemment que Geary ne vit même pas l’impact. Les vaisseaux obscurs fondaient sur eux et, une seconde plus tard, ils étaient rayés de l’espace, ne laissant à leur place qu’un formidable éblouissement qui s’estompa puis disparut. Ne restait plus que le vide.
Geary percevait des bruits qui montaient de l’Indomptable : prières marmottées, cris de jubilation à demi étouffés, quelque chose qui ressemblait à des sanglots.
Desjani avait la tête baissée et ses lèvres articulaient des mots muets.
Il se tourna vers la position qu’avait occupée pendant des décennies l’installation gouvernementale sur son orbite. Merci, Victoria. Puisse la lumière des vivantes étoiles vous accueillir, ton mari et toi.
Ils mirent plusieurs jours à regagner les franges de ce qui avait été Unité Suppléante, en économisant cette fois le carburant et en limitant le stress imposé aux bâtiments endommagés. Le vide qui régnait désormais dans le système stellaire dont les plus grosses planètes avaient été balayées par l’onde de choc semblait contre nature. Il fallut punir des matelots pour infraction au port réglementaire de l’uniforme : certains arboraient des talismans ou des colliers porte-bonheur destinés à les préserver du mal, mais, presque tous les jours, d’autres recommençaient à en porter, au risque de se faire remonter les bretelles et de voir les chefs Gioninni, Tarrani et les autres sous-offs leur confisquer leurs grigris. « Ils sont terrorisés, commandant, expliqua Gioninni quand Geary et Desjani le croisèrent dans une coursive de l’Indomptable.
— Ils devront s’y faire pendant encore quelque temps, lui expliqua Geary. Certaines des données recueillies dans l’installation gouvernementale étaient des informations astronomiques automatisées, portant entre autres sur la position et la date d’apparition de points de saut instables dans ce système. Nous nous en sommes servis pour déterminer celles du prochain. Il devrait apparaître à proximité de cette région entre aujourd’hui et quelques semaines, on ne sait trop quand exactement. Il nous permettra de sauter vers Drezwin.
— Oui, amiral, convint Gioninni. Mais l’équipage appréhende d’emprunter un point de saut instable.
— Expliquez-leur qu’il importe peu qu’il soit stable du moment que celui de Drezwin l’est ! Ce qui est le cas. » Desjani s’interrompit pour scruter Gioninni. « Au fait, chef, je trouve pour le moins surprenant qu’on trouve tant de talismans et de porte-bonheur à bord de ce vaisseau. »
Gioninni se gratta la tête, l’air abasourdi. « Les dernières années ont été un peu mouvementées, commandant. L’équipage a dû les collectionner.
— Je me suis aussi demandé si ceux qu’on leur confisquait ne seraient pas refourgués à d’autres par on ne sait trop qui, insista Desjani.
— Ce serait tout à fait inconvenant ! s’exclama Gioninni. Je vais enquêter, commandant.
— Faites donc, chef. »
Alors qu’ils s’éloignaient de Gioninni, Desjani sourit. « Cette petite entreprise de revente devrait s’interrompre dans quelques minutes, murmura-t-elle. Dès que Gioninni aura demandé à ses acolytes d’y mettre le holà.
— La vie continue. » Ils s’arrêtèrent devant le compartiment des coms avec les Danseurs au moment où le lieutenant Iger en sortait.
Pris de court, Iger salua précipitamment. « Amiral, commandant.
— Un problème ? demanda Geary en coulant un regard vers le compartiment.
— Non, amiral. Je vais juste vérifier ce qui se passe au compartiment du renseignement pendant que Shamrock… pardon, pendant que le lieutenant Jamenson tient la baraque.
— Et où en êtes-vous avec le lieutenant Shamrock ? » demanda Geary.
Iger sourit jusqu’aux oreilles. « On planifie notre lune de miel, amiral. On n’aurait jamais cru ça possible. Mais, finalement, on dirait que ça va durer un bon moment.
— Ç’a l’air de bien vous plaire, fit remarquer Desjani. Cela étant, quant à votre choix de villégiature, je vous suggère d’éviter les systèmes binaires rapprochés. »
Le général Charban fit à son tour irruption du compartiment, donnant ainsi à Iger l’occasion de filer vers celui du renseignement. Le général semblait de nouveau éreinté, mais plus satisfait que dépité. « Je vais peut-être devenir parolier, annonça-t-il. Seuls les Danseurs consentent à écouter mes chansons, mais c’est un assez large public. Ils comptent sauter d’ici même jusque chez eux, amiral. »
Geary secoua la tête. « L’humanité a encore beaucoup à apprendre de l’univers. Ai-je officiellement présenté mes condoléances aux Danseurs pour les bâtiments qu’ils ont perdus en nous aidant à combattre les vaisseaux obscurs ? Sincèrement, je ne me souviens plus, général.
— Oui, confirma Charban. Et ils vous ont présenté officiellement les leurs pour nos pertes. Ils ont aussi demandé ce qu’avait fait Victoria Rione, et ils ont voulu connaître ses raisons et ses motivations.
— Que leur avez-vous répondu ? »
Charban fit la moue avant de répondre. « Que Rione était ce que les hommes appellent une Furie, amiral.
— Une Furie ?
— Les Furies sont des créatures mythiques, expliqua le général. Elles sont impitoyables et ne se laissent jamais détourner de leur objectif. Victoria Rione était une Furie, n’est-ce pas ?
— Oui, convint Geary. Il me semble.
— J’ai réfléchi à cette légende de Black Jack, reprit Charban. Il y a un siècle, l’Alliance n’avait pas seulement besoin d’un héros, mais d’un héros militaire. D’un modèle qui inspire à tous nos combattants le désir de donner le meilleur d’eux-mêmes.
— Black Jack a amplement rempli ce rôle, déclara Desjani.
— J’en conviens. Mais une démocratie n’a-t-elle pas aussi besoin d’une autre sorte de héros ? De leaders héroïques ?
— Héroïques ? s’étonna Desjani. Des dirigeants politiques ?
— On en aurait aussi l’usage, je crois, dit Geary. Mais, à ce que j’ai pu constater, la population de l’Alliance n’a pas ces temps-ci une très haute opinion des siens.
— Non, effectivement, admit Charban. L’idée qu’un politicien puisse être héroïque a pris un tour tellement incongru qu’elle ne vient probablement plus à personne. Nos politiques se sont acharnés à démolir leurs confrères, à vilipender toute prétention à l’héroïsme. Ils ne voient de courage que dans ce qui tend à faire progresser leurs intérêts personnels ou les causes qui leur tiennent à cœur.
— On l’avait remarqué, laissa sèchement tomber Desjani.
— Je crois néanmoins qu’il nous faudrait des héros dans les rangs de nos dirigeants. De vrais héros, dont le droit de revendiquer ce statut serait sans doute enjolivé, mais qui, foncièrement, mériteraient qu’on les célébrât pour avoir fait bien plus que ce qu’on attendait d’eux. Et sans en retirer un profit personnel. »
Charban regardait Geary dans les yeux. « Victoria Rione a donné cet exemple. Celui d’une femme politique héroïque. Et d’une héroïne défunte. Comme Black Jack en est l’illustration depuis près d’un siècle, les meilleurs héros sont toujours décédés, parce que leurs actions ultérieures ne risquent pas de décevoir. Le prendrait-elle mal, amiral, si on la mettait sur ce piédestal ? »
À sa grande surprise, Geary sourit. « Général, étant donné le comportement que Victoria Rione avait adopté vis-à-vis de son entourage et de ses collaborateurs, je crois que l’idée d’être regardée comme le parangon du dirigeant politique l’amuserait considérablement. »
Desjani opina. « Elle s’en taperait le cul par terre.
— Alors je vais m’y atteler dès notre retour dans l’Alliance, amiral, déclara Charban. L’Alliance ne correspond pas et ne saurait se résumer à ce que ses actuels dirigeants en font. Elle doit s’articuler autour des idéaux qu’incarnaient leurs prédécesseurs. Autour des sacrifices de nos chefs. C’est peut-être dans ce but que les Danseurs sont intervenus de cette façon. Pas seulement à cause des esprits froids des vaisseaux obscurs. Notre part du motif, celle de l’Alliance, était en train de pourrir de l’intérieur. Mais nous pouvons encore y remédier. Je ferai ce que je pourrai.
— Vous comptez réellement entrer en politique ? demanda Desjani. Vous êtes conscient que votre réputation en souffrira ?
— J’en prends le risque. Si d’autres braves gens m’imitent en assez grand nombre, nous changerons peut-être l’image de nos politiciens.
— Bonne chance », lui souhaita Geary.
Il raccompagna Desjani à sa cabine. « Entrez un instant, proposa-t-elle.
— En quel honneur ? Nous ne tenons pas à ce qu’on jase.
— Laissez l’écoutille ouverte. Puis-je m’asseoir ?
— Faites comme chez vous, commandant.
— Merci, amiral. » Desjani s’assit à son bureau en soupirant. « À propos de motifs et de destinée, une idée m’est venue. Les Énigmas n’ont pas seulement livré sournoisement à l’humanité la technologie de l’hypernet pour que la guerre entre l’Alliance et les Mondes syndiqués perdure, mais aussi dans l’espoir que nous construisions des portails dans tous nos systèmes stellaires et que nous découvrions ensuite qu’ils font les meilleures armes qui soient s’agissant de détruire ceux de nos ennemis. Les Énigmas voulaient que l’humanité s’autodétruise.
— C’est exact, fit Geary en s’adossant à l’écoutille ouverte.
— Or le portail d’Unité Suppléante, la seule arme assez puissante pour anéantir les vaisseaux obscurs, nous a permis de survivre. Les Énigmas nous l’ont donnée en espérant que nous nous détruirions avec, et, au lieu de cela, nous nous en sommes servis pour nous sauver.
— Ironique, n’est-ce pas ? admit Geary. Je n’y avais pas réfléchi, mais c’est la stricte vérité.
— Et ça ne serait pas arrivé si ceux qui ont imaginé, financé et promu le programme des vaisseaux obscurs, ainsi que d’autres épouvantables inepties, n’avaient pas eu Victoria Rione dans leur collimateur et ne l’avaient pas poussée dans ses derniers retranchements. »
Geary la dévisagea. « Vous avez prononcé son nom.
— Et alors ? J’honore sa mémoire. L’important, c’est que les Énigmas nous ont donné cette arme et que les gens qui cherchaient à saboter l’Alliance, eux, nous ont donné celle qui presserait sa détente. »
Geary continua de la fixer. « Nos ennemis nous ont donné le moyen de déjouer leurs plans.
— Croyez-vous encore qu’il n’existe aucun plan plus vaste vous impliquant ? insista-t-elle. Un plan ourdi par des puissances auprès desquelles les Énigmas et les “civils” ne sont rien.
— Tanya, vous ne me ferez jamais croire que je suis un être à part.
— Et c’est bien pour cela que vous avez été choisi, conclut-elle. Je sais que vous la regretterez. Ce n’est pas grave. Elle aussi faisait partie du plan.
— Vous aussi.
— Je me suis bornée à vous garder en vie, Black Jack. En vie et la tête sur les épaules. »
Geary coula un regard vers la plaque commémorative que Tanya Desjani avait appliquée sur une cloison de sa cabine. Elle portait la liste, effroyablement longue, des patronymes de ses camarades morts au combat. Deux nouveaux noms y avaient été ajoutés. Victoria Rione. Capitaine Tulev. « Je ne regretterai pas qu’elle.
— Non. » Tanya détourna les yeux en clignant rapidement des paupières. « C’est ce que j’ai dit à la mort de Kostya quand le Léviathan a été détruit, chuchota-t-elle. Sa guerre s’achève enfin. Il n’avait plus nulle part où aller. Son monde natal a été détruit. Sa grande famille anéantie. Il n’avait plus que la flotte. S’il avait vécu, il lui aurait fallu la quitter un jour et il ne lui serait rien resté. À présent, il est chez lui avec ses ancêtres, et je prie pour qu’il connaisse enfin la paix.
— La paix serait une bonne chose, déclara Geary à voix basse.
— Et maintenant ? demanda-t-elle.
— Nous sautons vers Drezwin. Une fois à Drezwin, l’Indomptable escortera le Mistral au cas où l’on chercherait à empêcher le transport d’assaut et ce qu’il emporte à son bord d’atteindre Unité. Le reste de la flotte regagnera Varandal.
— C’est un plan à très court terme. Et ensuite ?
— Je ne sais pas. Je laisse à certains sénateurs tels que Navarro, Sakaï et Unruh le soin de remettre de l’ordre dans le gouvernement de l’Alliance. Nous avons étouffé les plus graves menaces dans l’œuf, mais d’autres problèmes se posent encore en dehors de l’Alliance, les Syndics fomentent encore des troubles et nous sommes encore loin d’avoir exploré toute la Galaxie. » Il eut un léger sourire. « Cela étant, je ne cracherais pas sur un peu de repos. À votre avis, la région de la Galaxie colonisée par les hommes pourra-t-elle se passer de nous pendant quelques mois et survivre sans que nous soyons contraints de nous précipiter pour réparer tout ce qu’ils cassent ?
— Sans doute pas. » Elle lui rendit son sourire. « Vous êtes réellement Black Jack, vous savez ?
— Que non pas.
— Je n’aurais jamais épousé quelqu’un d’autre.
— Alors oui, d’accord, je suis Black Jack. » Geary se redressa et lui fit un signe de tête. « Je vais aller me reposer un peu. »
Le panneau de com de Desjani s’activa soudain. « Commandant ? Un point de saut pour Drezwin vient d’apparaître à moins d’une minute-lumière.
— J’en informerai l’amiral, répondit Desjani avant de sourire de nouveau à Geary. N’ai-je pas entendu parler d’un peu de repos ? »