Au cours des deux jours qui suivirent, Ardmore se confina dans ses quartiers, prenant ses repas seul et n’accordant que de très brèves audiences. Il voyait désormais clairement quelle avait été son erreur ; l’idée que ce massacre était indirectement la faute d’un autre le réconfortait peu, il se sentait symboliquement coupable.
Mais le problème restait entier, et Ardmore comprenait qu’il avait eu raison de conclure à la nécessité d’une sixième colonne. Une sixième colonne ! Une organisation qui, en apparence, se plierait en tous points aux règles édictées par les occupants, mais qui posséderait secrètement les moyens de renverser les tyrans. Il faudrait peut-être des années pour arriver à ce résultat, mais, à aucun prix, la terrible erreur d’agir ouvertement ne devait être répétée.
Ardmore avait l’intuition que le rapport de Thomas renfermait l’idée dont il avait besoin. Il écouta plusieurs fois l’enregistrement de leur entretien au point de le connaître par cœur, sans parvenir à retrouver ce qu’il cherchait.
“Ils anéantissent systématiquement tout ce qui caractérise la culture américaine. Les écoles ont disparu, les journaux aussi. Imprimer quoi que ce soit en anglais est passible de la peine de mort. Ils ont annoncé comme imminente l’installation d’un réseau de traducteurs pour que la correspondance commerciale puisse être rédigée dans leur langue ; en attendant, seul le courrier indispensable est approuvé par leur service de vérification. Toutes les réunions sont interdites, sauf celles ayant un caractère religieux.
— Je suppose que c’est le résultat de leur expérience en Inde. La religion fait tenir les esclaves tranquilles.
C’était Ardmore qui avait formulé cette remarque et sa propre voix, sur l’enregistrement, lui semblait étrangère.
— Oui, sans doute, major. N’est-ce pas un fait historique que les grands conquérants ont laissé subsister les religions des vaincus, quoi qu’ils aient supprimé par ailleurs ?
— Très juste. Continuez.
— À mon avis, ce qui fait véritablement la force de leur système, c’est leur méthode d’immatriculation. Apparemment, ils étaient parfaitement préparés à la faire entrer en vigueur, et elle a constitué leur première préoccupation, à l’exclusion de toute autre. Les États-Unis ont ainsi été transformés en un immense camp de concentration, à l’intérieur duquel il est presque impossible de se déplacer ou de communiquer sans la permission des matons.
Des mots, encore des mots, et rien d’autre que des mots ! Ardmore les avait écoutés tant de fois qu’ils en avaient presque perdu toute signification. Au fond, peut-être qu’il n’y avait rien dans ce rapport, et que son imagination lui jouait des tours.
On frappa à la porte ; Ardmore fit entrer. C’était Thomas.
— Ils m’ont demandé de venir vous parler, major, dit-il avec embarras.
— À quel sujet ?
— Eh bien… Ils se sont tous réunis dans la salle commune. Ils aimeraient s’entretenir avec vous.
Une autre conférence… Mais, celle-là, on la lui imposait. De toute façon, il ne pouvait pas refuser.
— Dites-leur que je les rejoins dans un instant.
— Bien, major.
Après le départ de Thomas, Ardmore demeura un moment pensif, puis il ouvrit un tiroir et y prit son arme de service. Le seul fait qu’une réunion générale ait été organisée sans sa permission suffisait à lui faire sentir qu’il y avait de la mutinerie dans l’air. Il mit son arme en marche, en vérifia le fonctionnement, s’assura qu’elle était bien chargée, puis la regarda un moment. Finalement, il l’arrêta et la remit dans le tiroir. En la circonstance, elle ne lui serait d’aucune utilité.
Quand il entra dans la salle commune, Ardmore s’assit à sa place habituelle, à la tête de la table, et attendit :
— Alors ?
Brooks regarda autour de lui si quelqu’un d’autre voulait prendre la parole puis, s’éclaircissant la gorge :
— Euh… Nous voulions vous demander si vous aviez un plan d’action à nous indiquer.
— Non, pas encore.
— Eh bien, nous, nous en avons un ! lança Calhoun.
— Oui, colonel ?
— C’est absurde de nous cantonner ici dans l’inaction. Nous détenons les armes les plus puissantes que le monde ait jamais connues, mais il faut des hommes pour les mettre en action.
— Et alors ?
— Nous allons évacuer la Citadelle et gagner l’Amérique du Sud. Là, nous trouverons certainement un gouvernement qui s’intéressera à nos armes suprêmes.
— En quoi cela aidera-t-il les États-Unis ?
— C’est évident ! Les Panasiates ont sans aucun doute l’intention d’étendre leur emprise à l’hémisphère tout entier. Nous pouvons montrer à l’Amérique du Sud l’intérêt d’une guerre préventive. Ou, peut-être, recruter une armée de réfugiés.
— Non !
— Vous ne pouvez pas nous en empêcher, on dirait, major, dit Calhoun avec une satisfaction malveillante.
Ardmore se tourna vers Thomas :
— Vous marchez avec eux ?
Thomas dit, d’un air malheureux :
— J’espérais que vous auriez un meilleur plan, major.
— Et vous, docteur Brooks ?
— Ma foi… ça me paraît réalisable. J’éprouve le même sentiment que Thomas.
— Graham ?
Le silence de Graham valait une réponse. Wilkie regarda Ardmore, puis détourna vivement les yeux.
— Mitsui ?
— Je retournerai dans la clandestinité, major. J’ai une tâche à terminer.
— Scheer ?
Le menton de Scheer trembla :
— Si vous approuvez, alors moi aussi, major.
— Merci, fit Ardmore, qui ajouta en se tournant vers les autres : J’ai dit “Non !” et je maintiens mon opposition. Si l’un de vous quitte la Citadelle, ce sera en violation formelle de son serment. Ça vaut aussi pour vous, Thomas ! Et je ne profère pas un jugement arbitraire. La solution que vous proposez est à bannir, comme le raid que j’ai annulé. Aussi longtemps que le peuple des États-Unis est retenu en otage, à la merci des Panasiates, nous ne pouvons entreprendre aucune action militaire directe. Le fait qu’il s’agisse d’une attaque extérieure au lieu d’une révolution ne changera rien ; des milliers, peut-être des millions d’innocents la paieront de leur vie !
La colère emportait Ardmore, mais il arriva tout de même à regarder autour de lui pour apprécier l’effet de ses paroles. Il avait regagné leur confiance, ou ce n’était qu’une question de minutes. Ils avaient l’air perturbés. C’était vrai pour tous, sauf pour Calhoun.
— En supposant que vous ayez raison, major, dit Brooks avec gravité, y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions faire ?
— Je vous l’ai déjà expliqué. Il faut organiser ce que j’appellerais une “sixième colonne” : faire profil bas, nous contenter de repérer les points faibles de l’ennemi et d’agir sur eux.
— Je comprends, dit Brooks. Vous avez peut-être raison. Peut-être qu’il est nécessaire d’agir ainsi. Mais cette tactique demande une patience presque surhumaine.
Ardmore avait son idée sur le bout de la langue…
— “Patience et longueur de temps…” cita Calhoun. Vous auriez fait un excellent prédicateur, major Ardmore. Nous, nous préférons l’action.
Oui, ça y était ! C’était exactement ça !
— Vous n’êtes pas loin de la vérité, répondit Ardmore. Avez-vous entendu le rapport de Thomas ?
— J’ai écouté l’enregistrement.
— Vous rappelez-vous quelle est la seule liberté laissée aux Blancs ?
— Ma foi, non. Il n’en restait aucune, si ma mémoire est bonne.
— Vraiment ? N’ont-ils absolument aucune possibilité de se réunir ?
— J’y suis ! s’exclama Thomas. Les églises !
Ardmore attendit un moment, afin que l’idée fasse son chemin, puis il ajouta très doucement :
— L’un d’entre vous a-t-il réfléchi aux possibilités que nous offrirait la fondation d’une religion nouvelle ?
Il y eut un silence chargé de stupeur. Ce fut Calhoun qui le rompit :
— Cet homme est devenu fou ! s’exclama-t-il.
— Doucement, colonel, dit Ardmore posément. Je ne vous reproche pas de penser que j’ai perdu la raison. Il peut paraître fou de parler de fonder une religion nouvelle quand on recherche un moyen d’action militaire contre les Panasiates. Mais, réfléchissez un peu. Nous avons besoin d’une organisation que nous puissions entraîner et préparer à la lutte. Il nous faut aussi un système de communication nous permettant de coordonner l’ensemble de nos activités. Et tout cela, sous les yeux des Panasiates, sans éveiller leur attention pour autant. Si nous étions une secte religieuse au lieu d’une organisation militaire, tout cela deviendrait possible.
— C’est grotesque ! Je ne veux rien avoir à faire avec ce projet.
— Je vous en prie, colonel ! Nous avons absolument besoin de vous. Tenez, pour ce qui est du système de communication… Imaginez des temples dans chaque ville du pays, reliés entre eux par un système de communication et le tout rattaché à la Citadelle…
— Oui, et les Asiatiques écouteront tout ce que vous direz ! dit Calhoun d’un air méprisant.
— C’est pour ça que nous avons besoin de vous, colonel. Ne pourriez-vous pas imaginer un système indétectable ? Quelque chose comme la radio, peut-être, mais fonctionnant sur l’un des spectres additionnels, et que leurs appareils ne pourraient pas déceler ? Ou en êtes-vous incapable ?
Calhoun restait dédaigneux, mais son intonation changea quelque peu :
— Bien sûr que si ! C’est un problème enfantin !
— C’est exactement pour ça que vous nous êtes indispensable. C’est enfantin pour un homme de génie comme vous…
Ardmore éprouva une vague nausée. C’était encore pire que d’écrire des articles publicitaires.
— Mais la solution nous paraît, à nous, tenir du miracle. Et c’est ce dont une religion a besoin : de miracles ! Voilà ce que vous pourrez faire pour nous : des choses qui mettront à l’épreuve votre génie même, que les Panasiates seront incapables d’expliquer et qui leur sembleront surnaturelles !
Voyant Calhoun hésiter, Ardmore insista :
— C’est en votre pouvoir, n’est-ce pas ?
— Bien évidemment, cher major.
— Parfait ! Dans combien de temps pourrez-vous me proposer un système de communication parfaitement sécurisé ?
— Je ne peux pas vous le dire exactement, mais ça ne me demandera pas longtemps. Je continue à penser que votre projet n’a ni queue, ni tête, major, mais je vais m’occuper des recherches que vous me demandez d’effectuer.
Calhoun se leva et quitta majestueusement la pièce.
— Major ? fit Wilkie, cherchant à attirer l’attention d’Ardmore.
— Quoi ? Oui, pardon, Wilkie…
— Je peux mettre au point le système de communication dont vous avez besoin.
— Je n’en doute pas un seul instant, mais pour mener cette tâche à bien, nous devons utiliser au mieux les talents de chacun d’entre nous. Vous aussi, vous aurez largement de quoi faire. Maintenant, je vais vous exposer le reste de mon plan… Ce n’est qu’une esquisse ayant besoin d’être sérieusement fignolée et je vous demande de ne pas hésiter à formuler vos moindres objections, jusqu’à ce que nous arrivions à quelque chose de relativement parfait.
“Nous allons fonder une religion évangélique, en faisant tout dans les règles, et tâcher d’attirer des fidèles à nos offices. Une fois que nous les aurons réunis dans un lieu où nous pourrons leur parler, nous sélectionnerons les éléments dignes de confiance et les enrôlerons dans notre armée. Pour cela, nous les ferons diacres, ou quelque chose d’approchant. Notre grand moyen de publicité sera la charité. Voilà du travail pour vous, Wilkie, avec le procédé de transmutation. Vous nous fabriquerez des métaux précieux en grande quantité, principalement de l’or, afin que nous ayons de solides moyens de travailler. Nous nourrirons les pauvres et les affamés – grâce aux Panasiates, ce n’est pas ce qui manque ! – et nous ne tarderons pas à les voir accourir en foule vers nous.
“Mais ce n’est pas tout. Nous ferons quantité de miracles proprement dits. Non seulement pour impressionner les Blancs – détail secondaire – mais pour déconcerter nos seigneurs et maîtres. Nous ferons des choses qu’ils ne pourront pas comprendre : cela les troublera, sapera leur assurance. Mais, comprenez-moi bien, nous n’agirons jamais ouvertement contre eux. Nous nous montrerons, à tout point de vue, loyaux sujets de l’Empereur, mais nous saurons faire des choses dont ils sont incapables, ce qui ne manquera pas de les bouleverser et de les rendre nerveux.
Dans son esprit, le plan prenait forme, comme une campagne de publicité minutieusement préparée.
— Le temps que nous soyons prêts à agir par la force, ils auront certainement déjà peur de nous et seront démoralisés, dans un état de semi-hystérie.
Les autres commençaient à se laisser gagner par son enthousiasme, mais l’angle sous lequel ce plan était conçu était plus ou moins étranger à leur façon habituelle de penser.
— Je ne dis pas que ça ne marchera pas, chef, fit Thomas. Ça semble possible ; mais comment proposez-vous de démarrer les choses ? Ne pensez-vous pas que l’administration panasiate trouvera suspecte cette apparition soudaine d’une nouvelle religion ?
— Peut-être que si, mais je ne le crois pas. Toutes les religions occidentales doivent leur paraître également extravagantes. Ils savent que nous en avons des douzaines, mais ignorent tout de la plupart d’entre elles. C’est un des avantages de l’Ère de la Non-Ingérence. Ils ne connaissent pas grand-chose de nos institutions depuis que l’acte de Non-Ingérence a été voté. Notre religion leur paraîtra semblable à la demi-douzaine de sectes tordues que la Californie du Sud voit éclore chaque année, au printemps.
— Mais, chef, comment allons-nous éclore, justement ? Nous ne pouvons tout de même pas simplement sortir de la Citadelle, alpaguer le premier Chinetoque venu et dire “Je suis Saint Jean-Baptiste !”
— Non, bien sûr. C’est un des points que nous devons étudier. Quelqu’un a-t-il une suggestion à faire ?
Un silence suivit, chargé de fiévreuse concentration. Finalement, Graham proposa :
— Pourquoi ne pas simplement nous installer et attendre qu’on nous remarque ?
— Que voulez-vous dire ?
— Eh bien, ici même, nous sommes déjà suffisamment nombreux pour commencer à opérer à petite échelle. Si nous avions un temple quelque part, l’un d’entre nous pourrait être le prêtre et les autres ses disciples ou quelque chose d’approchant. Puis nous attendrions que les gens s’intéressent à nous.
— Hmm… Ce que vous venez de dire n’est pas inintéressant, Graham, mais nous devons débuter avec le maximum d’ampleur possible, dans la mesure de nos moyens. Nous serons tous prêtres, sacristains et tout le bataclan, et j’enverrai Thomas nous recruter une congrégation parmi ses amis. Non, attendez… Laissons-les venir en pèlerinage ! Nous lancerons simplement la rumeur parmi les itinérants et elle se répandra de bouche à oreille. Ils n’auront qu’à répéter : “Le Disciple arrive !”
— Qu’est-ce que ça veut dire, au juste ? s’enquit Scheer.
— Rien, pour l’instant. Mais cette phrase se chargera de sens quand le moment sera venu. Maintenant, écoutez-moi bien. Graham, vous êtes un artiste, n’est-ce pas ? Pendant les prochains jours, vous ne ferez la cuisine que de la main gauche, pendant que, de la droite, vous nous dessinerez des modèles de costumes, d’autel, d’accessoires… bref, toute la camelote nécessaire à un culte, je vous laisse également le soin de décider quel aspect, intérieur et extérieur, aura notre temple.
— Mais où ce temple sera-t-il situé ?
— Ça, c’est une autre paire de manches. Il ne faut pas qu’il soit trop éloigné d’ici, à moins que nous abandonnions complètement la Citadelle. Or, ça ne me paraît pas très pratique. Nous avons besoin d’une base d’opérations et d’un laboratoire. Mais il ne faut pas que le temple soit trop proche, car nous ne pouvons pas courir le risque d’attirer spécialement l’attention sur cette partie de la montagne.
Ardmore se mit à pianoter sur la table :
— Le problème est délicat à résoudre, conclut-il.
— Pourquoi ne pas faire le temple ici ? suggéra Brooks.
— Comment ça ?
— Je ne veux pas dire dans cette pièce, bien entendu. Mais pourquoi ne pas bâtir le premier temple juste au-dessus de la Citadelle ? Ce serait extrêmement commode.
— Certainement, docteur, mais ça ne manquerait pas non plus d’attirer dangereusement l’attention sur… Attendez ! Je crois voir ce que vous voulez dire.
Ardmore se tourna vers Wilkie :
— Bob, de quelle façon pourriez-vous utiliser l’effet Ledbetter pour dissimuler l’existence de la Citadelle, si notre “Temple suprême” était bâti juste au-dessus d’elle ? Est-ce possible ?
Wilkie avait plus que jamais l’air d’un jeune chiot, et répondit avec perplexité :
— Pas avec l’effet Ledbetter, non. Mais tenez-vous spécialement à ce qu’on utilise celui-ci ? Parce que sinon, il ne serait pas difficile de mettre un écran de type 7 dans le spectre gravito-magnétique, de façon à ce que les instruments électromagnétiques soient sans effet. En fait, le…
— Peu importent les moyens, voyons, du moment que vous obtenez le résultat recherché ! Tout ce jargon scientifique ne m’évoque rien, de toute façon. Bon, donc, vous vous chargez du camouflage. C’est ici que nous allons faire la maquette du temple et préparer tous les matériaux nécessaires à l’assemblage, puis nous transporterons le tout à la surface et construirons le temple aussi rapidement que possible. L’un de vous a-t-il une idée du temps que ça demandera ? Je crains que mon expérience personnelle ne s’étende pas à la construction d’immeubles.
Wilkie et Scheer tinrent un conciliabule, puis Wilkie dit :
— Que ce point ne vous préoccupe pas trop, chef. Nous ferons travailler les forces.
— Quelles forces ?
— Nous avons déposé un mémo à ce sujet sur votre bureau. Nous avons continué les premières expériences de Ledbetter et nous pouvons désormais contrôler les forces de pression et de traction.
— Oui, major, ajouta Scheer. Ne vous tracassez pas pour ça : je m’en charge. Avec des rayons tracteurs et presseurs dans un champ d’apesanteur, bâtir le temple ne demandera pas plus de temps que l’assemblage d’une maquette en carton. Je vais d’ailleurs faire des essais sur une maquette de ce genre, avant de passer au gros œuvre.
— Parfait, soldats ! approuva Ardmore en souriant avec cette légèreté d’esprit que procure la perspective d’un travail intense. Voilà comment j’aime vous entendre parler ! Assez discuté pour l’instant. Au travail ! Thomas, venez avec moi.
— Une seconde, chef, dit Brooks en se levant pour suivre Ardmore. Est-ce que nous ne pourrions pas…
Et, tout en s’éloignant, ils poursuivirent leur échange d’idées.
En dépit de l’optimisme manifesté par Scheer, l’édification d’un temple au sommet de la montagne dominant la Citadelle souleva maints problèmes inattendus, car aucun des membres du petit groupe n’avait la moindre expérience pour entreprendre une construction de cette importance. Ardmore, Graham et Thomas ignoraient tout de la question, bien que Thomas ait exercé toutes sortes de métiers manuels, notamment celui de charpentier. Calhoun était mathématicien et, quoi qu’il arrive, peu enclin, de nature, à se préoccuper de besognes aussi triviales. Brooks était plein de bonne volonté, mais il était biologiste et non ingénieur.
Wilkie était un brillant physicien et, dans sa spécialité, c’était un technicien compétent, assez habile quand il s’agissait de fabriquer les appareils nécessaires à son travail. Cela dit, il n’avait jamais construit ni ponts, ni digues, pas plus qu’il n’avait dirigé d’équipes d’ouvriers. Il fut tout de même nommé conducteur de travaux, faute de mieux : Scheer n’avait pas la compétence nécessaire pour bâtir un grand édifice. Il s’en croyait capable, mais pensait toujours à l’échelle d’outils, de modèles qui pouvaient tenir sur un établi. Il pouvait réaliser la maquette d’un grand immeuble, mais il n’y connaissait absolument rien en travaux publics. C’était donc sur Wilkie que tout reposait.
Quelques jours plus tard, ce dernier se présenta au bureau d’Ardmore, un rouleau d’études sous le bras.
— Chef…
— Hein ? Oh, entrez, Bob. Asseyez-vous. Qu’est-ce qui vous turlupine ? Quand commençons-nous à bâtir ce temple ? Dites, j’ai réfléchi à d’autres moyens de dissimuler le fait que la Citadelle se trouvera sous le temple. Pensez-vous qu’on pourrait arranger l’autel de façon à ce que…
— Excusez-moi, chef.
— Oui ?
— Nous pourrons arranger presque tout ce que vous voudrez, mais j’ai d’abord besoin de savoir une chose sur les plans.
— C’est votre problème, et celui de Graham.
— Oui, major. Mais quelle taille voulez-vous que le temple fasse ?
— Quelle taille ? Oh, je ne sais pas exactement. En tous les cas, il faut qu’il soit vraiment grand.
D’un geste des deux mains, Ardmore engloba le sol, les murs et le plafond de la pièce où ils se trouvaient. Il reprit :
— Il doit être impressionnant.
— Que diriez-vous de dix mètres pour la plus grande dimension ?
— Dix mètres ? Mais c’est ridicule ! Il ne s’agit pas de construire une buvette, mais le temple suprême d’une grande religion ! Bien entendu, ce n’est qu’une façon de parler, mais il faut l’envisager selon cette perspective. Il faut que notre temple les épate. Qu’est-ce qui vous embarrasse ? La question des matériaux ?
— Non, dit Wilkie en secouant la tête. Avec une transmutation Ledbetter, la question des matériaux ne se pose même pas. La montagne elle-même nous fournira tous ceux dont nous aurons besoin.
— Oui, je pensais d’ailleurs que c’était votre intention : découper de grandes masses de granit et les assembler comme des briques géantes, à l’aide de vos rayons de traction et de pression…
— Oh, non !
— Non ? Pourquoi ?
— Nous pourrions faire ça, mais quand nous aurions terminé, le résultat ne serait pas bien beau… Et je ne sais pas comment nous pourrions mettre un toit par-dessus. Mon intention était d’utiliser l’effet Ledbetter non seulement pour découper ou transporter les matériaux, mais aussi pour les fabriquer, grâce à la transmutation. Vous comprenez, le granit est principalement composé d’oxydes de silicium, ce qui complique un peu les choses, car ces deux éléments se situent vers le bas de la classification périodique. À moins de nous démener pour nous débarrasser d’une énorme surcharge d’énergie, à savoir l’équivalent de la production de la centrale électrique de Memphis, à moins, donc, d’arriver à pomper cette énergie, et pour l’instant je ne vois pas comment le faire, alors…
— Venez-en au fait, mon vieux !
— J’y viens, major, répondit Wilkie d’un ton blessé. Les transmutations s’opérant depuis le sommet de la classification vers son milieu libèrent de l’énergie ; celles opérées à partir du bas en absorbent. Vers le milieu du siècle dernier, les savants ont découvert comment réussir les transmutations de la première sorte et cela a donné naissance aux bombes atomiques. Mais quand on veut obtenir des matériaux de construction par transmutation, on ne tient pas à libérer de l’énergie comme le ferait une bombe atomique ou une centrale nucléaire. Ce serait gênant.
— Je m’en rends bien compte !
— Je vais donc effectuer des transmutations de la seconde sorte, celles qui absorbent de l’énergie. En fait, je vais les équilibrer. Prenez, par exemple, le magnésium qui se situe entre le silicium et l’oxygène. Les énergies en jeu…
— Wilkie !
— Oui, major ?
— Répondez-moi comme si j’avais sept ans : pouvez-vous ou non fabriquer les matériaux dont vous avez besoin ?
— Oui, major, bien sûr !
— Alors, en quoi puis-je vous être utile ?
— Eh bien, major, c’est pour la question du toit… et des dimensions. Vous dites que dix mètres de long ne suffiraient pas…
— Absolument pas ! Avez-vous vu l’Exposition d’Amérique du Nord ? Vous souvenez-vous du Pavillon de la Puissance Atomique ?
— J’en ai vu des photos.
— Je veux quelque chose d’aussi voyant et imposant… mais en plus grand. Qu’est-ce qui vous limite à dix mètres ?
— Eh bien, un panneau de deux mètres sur dix est le plus grand que je puisse faire passer par la porte, compte tenu du virage formé par le couloir.
— Utilisez le monte-charge destiné aux véhicules.
— J’y ai bien pensé, monsieur. On pourrait y mettre un panneau de cinq mètres de large, ce qui serait parfait, mais la longueur ne pourrait pas dépasser neuf mètres, car il y a également un virage entre le hangar et le monte-charge.
— Hmm ! Avec votre bidule magique, vous ne pouvez pas faire des soudures ? Je me disais que vous bâtiriez le temple par sections, ici, en bas, et que vous assembleriez ensuite ces sections sur place ?
— Oui, c’était bien mon idée. Je pense qu’en les soudant, nous pourrions obtenir des murs aussi grands que vous le souhaitez. Mais vraiment, major, quelles dimensions voulez-vous pour votre temple ?
— Aussi grand que possible.
— Mais vous, vous diriez quelles dimensions ?
Ardmore le lui dit, et Wilkie eut un sifflement :
— J’imagine que nous parviendrons à vous construire d’aussi grands murs, mais je ne sais pas du tout comment mettre un toit par-dessus.
— Il me semble bien, pourtant, avoir déjà vu des bâtiments à portée libre aussi grands que ça.
— Oui, bien sûr. Assurez-moi le concours d’ingénieurs, d’architectes, et de l’industrie lourde, pour construire une charpente qui supporterait un toit pareil, et je vous bâtirai un temple aussi grand que vous voudrez. Mais Scheer et moi ne pouvons pas faire ça à nous deux, avec le seul concours des rayons tracteurs et presseurs. Je suis désolé, major, mais je ne vois pas de solution.
Ardmore se leva et posa sa main sur le bras de Wilkie :
— Vous ne la voyez pas… pour l’instant. Ne vous affolez pas, Bob. Tout ce que vous construirez me conviendra. Mais n’oubliez pas que ce temple sera notre première manifestation publique. Beaucoup de choses en dépendront. Nous ne pouvons pas espérer impressionner nos vainqueurs avec une baraque à frites. Faites-le aussi grand qu’il vous sera possible. Je voudrais qu’il soit imposant comme la grande pyramide… mais que vous ne mettiez pas aussi longtemps à le construire !
— Je vais essayer, monsieur, dit Wilkie, le front soucieux. Je retourne y réfléchir.
— Parfait !
Quand Wilkie fut parti, Ardmore se tourna vers Thomas :
— Qu’en pensez-vous, Jeff ? Est-ce que je suis trop exigeant ?
— Je me demande, répondit Jeff lentement, pourquoi vous attachez autant d’importance à ce temple.
— Eh bien, tout d’abord, c’est une couverture parfaite pour la Citadelle. À moins que nous ne restions assis là jusqu’à ce que nous mourions de vieillesse, un temps viendra où quantité de gens auront besoin d’entrer dans la Citadelle et d’en sortir. Dans ces conditions, son emplacement ne pourra pas être tenu secret. Il nous faudra donc trouver une raison, un prétexte à ces allées et venues. Dans une église, il y a toujours des gens qui entrent ou qui sortent, pour la messe et tout ce qui va avec. C’est justement ce qui ira avec, que je veux dissimuler.
— Je le comprends bien. Mais un édifice de dix mètres de côté peut dissimuler un escalier dérobé tout aussi bien que le palais des congrès que vous demandez au jeune Wilkie de vous aménager.
Ardmore eut un geste d’impatience. Bon sang !… Était-il le seul à avoir le sens de la publicité ?
— Écoutez, Jeff, tout dépend de l’impression que nous ferons au départ. Si Christophe Colomb s’était présenté à la cour d’Espagne pour demander l’aumône, on l’aurait flanqué à la porte du palais. Or, il se trouve qu’il a obtenu les joyaux de la couronne. Il faut que nous ayons une façade imposante.
— Oui, peut-être, fit Thomas sans trop de conviction.
Quelques jours plus tard, Wilkie demanda, pour Scheer et lui-même, la permission de sortir. S’étant assuré qu’ils n’iraient pas trop loin, Ardmore accepta, non sans leur avoir recommandé d’être extrêmement prudents.
Un moment plus tard, Ardmore rencontra les deux hommes dans le couloir, se dirigeant vers les laboratoires et transportant un énorme bloc de granit. Harnaché d’un projecteur Ledbetter portable, Scheer émettait des rayons tracteurs et presseurs qui maintenaient l’énorme masse au-dessus du sol et à distance suffisante des murs. Wilkie avait attaché une corde au rocher et le conduisait comme s’il s’agissait d’une vache.
— Nom d’un petit bonhomme ! s’exclama Ardmore. Qu’avez-vous donc là ?
— Un morceau de la montagne, major.
— Je le vois bien. Mais pourquoi ?
Wilkie prit un air mystérieux :
— Major, pourriez-vous nous accorder quelques instants, un peu plus tard dans la journée ? Nous aurons peut-être quelque chose à vous montrer.
— Bon, bon. Si vous ne voulez pas parler, ne dites rien, c’est votre affaire !
Bien plus tard, Wilkie téléphona à Ardmore pour lui demander s’il pouvait venir, en suggérant que Thomas l’accompagne. Quand ils arrivèrent dans la pièce qui servait d’atelier, tous les autres membres de la Citadelle s’y trouvaient déjà, à l’exception de Calhoun.
— Avec votre permission, major, dit Wilkie en les accueillant, nous allons commencer.
— Trêve de politesses. N’attendez-vous pas le colonel Calhoun ?
— Je l’ai prié de venir, mais il a décliné l’invitation.
— Bon, alors commencez.
— Oui, major.
Se tournant vers les autres, Wilkie expliqua :
— Ce rocher de granit représente le sommet de la montagne, au-dessus de nous. Allez-y, Scheer.
Wilkie prit position derrière un projecteur Ledbetter. Scheer s’était déjà installé derrière un autre de ces appareils, spécialement équipé avec des viseurs et d’autres bricolages qu’Ardmore ne pouvait pas identifier. Scheer appuya sur un ou deux boutons et un mince rayon lumineux jaillit aussitôt.
S’en servant comme d’une scie, Scheer découpa une section du sommet du rocher. À l’aide d’un rayon combiné traction-pression, Wilkie la saisit et l’immobilisa en l’air un peu plus loin. À l’endroit où il venait d’être ainsi coupé, le rocher était plat et lisse comme un miroir.
— Voilà la base du temple, annonça Wilkie.
Déplaçant son projecteur au fur et à mesure, Scheer égalisa le bloc désormais plat à l’aide de son rayon. Il en fit un carré, qui formait le sommet d’une pyramide tronquée. Sur un des côtés, il se mit à tailler des marches :
— Ça suffit, Scheer, ordonna Wilkie. Faisons un mur. Préparez la surface.
Scheer manœuvra son projecteur. Aucun rayon n’apparut, mais la surface du bloc devint noire :
— Du carbone, annonça Wilkie. Du diamant industriel, probablement. Ce sera notre plan de travail. Allons-y, Scheer.
Wilkie rapporta au-dessus du “plan de travail” la portion de granit qui avait été détachée du bloc. Scheer en découpa un morceau qui se mit à fondre et se répandit sur la surface plate puis sur ses côtés, s’arrêtant à la base de la pyramide et prenant un éclat métallique blanchâtre. Tandis que cette nappe refroidissait, Scheer en saisit les côtés. Il se servit d’un rayon presseur comme d’un étau pour les maintenir fermement sur le bloc de granit, puis, à l’aide d’un autre rayon, il les releva perpendiculairement. Il obtint ainsi une sorte de boîte sans couvercle, faisant soixante-quinze centimètres de côté et trois de profondeur. Wilkie manœuvra pour pousser cette boîte à l’écart et la maintenir en l’air.
Ils recommencèrent l’opération mais, cette fois, ce fut une simple feuille et non plus une boîte qui fut fabriquée. Wilkie la mit de côté et reposa la boîte sur le piédestal, en disant :
— Et maintenant, on va farcir la dinde.
Il transporta le morceau de granit découpé au-dessus de la boîte ouverte. Scheer en découpa une partie qu’il abaissa dans la boîte avant de faire jouer un autre rayon dessus. Le granit fondit aussitôt, se répandant sur le côté inférieur de la boîte.
— Le granit est pratiquement du verre. Comme nous voulons du verre cellulaire, nous n’aurons pas besoin de transmutation pour l’obtenir, à part à la toute fin, pour créer les gaz qui vont le finaliser, expliqua Wilkie. Un coup de nitrogène, Scheer.
Celui-ci s’exécuta, et irradia le tout une fraction de seconde. On vit alors le granit bouillonner comme une sorte de potion à l’intérieur de la boîte, qu’il remplit à ras bords avant de se figer.
Wilkie transporta alors la feuille qu’il avait gardée en réserve, et la mit en suspension au-dessus de la boîte, pour ensuite la déposer plus ou moins correctement, à la façon d’un couvercle.
— Repassez-moi tout ça, Scheer.
La feuille chauffa au rouge et fut aplatie sur la boîte, comme par une main invisible, tandis que Scheer déplaçait son projecteur tout autour de l’ouvrage, manœuvrant son rayon pour bien souder la feuille partout. Quand ce fut fini, Wilkie mit la boîte ainsi remplie en équilibre sur un bord du piédestal. La laissant là, maintenue par le projecteur, Wilkie se dirigea vers un coin de la pièce, où une bâche recouvrait quelque chose.
— Pour nous entraîner et ne pas vous faire trop attendre, nous en avions déjà fabriqué quatre autres, expliqua Wilkie en écartant la bâche, découvrant ainsi une pile de panneaux-sandwiches semblables à celui qui venait d’être fabriqué sous leurs yeux.
Wilkie n’y toucha pas, mais à l’aide du projecteur, Scheer les prit un à un et s’en servit pour créer un cube, dont le piédestal formait le fond, et le dernier panneau fabriqué, un des côtés. Wilkie revint à son projecteur et l’utilisa pour maintenir les éléments du cube en place, tandis que Scheer en soudait chaque arête.
— Scheer est beaucoup plus précis que moi, dit Wilkie. Je lui confie tous les travaux difficiles. Bon, Scheer, maintenant, que diriez-vous d’une porte ?
— De quelle taille ? grommela le sergent, qui parlait pour la première fois.
— Réfléchissez. Vingt-cinq centimètres, ça serait bien.
Scheer émit un grognement et découpa une ouverture rectangulaire sur la face dominant le côté du piédestal où il avait commencé à tailler des marches. Quand il eut terminé, Wilkie annonça :
— Voilà votre temple, patron.
Du commencement à la fin des opérations, aucune main humaine n’avait touché le rocher, ni le cube qui en avait été détaché.
Au bruit des applaudissements, on aurait pu croire qu’il y avait bien plus de cinq personnes dans la pièce. Wilkie rougit de plaisir et le menton de Scheer en trembla d’émotion. Les autres firent cercle autour de la maquette.
— Est-ce que c’est chaud ? demanda Brooks.
— Non, répondit Mitsui. Je viens de le toucher.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire.
— Non, ce n’est pas “chaud”, le rassura Wilkie, pas avec le procédé Ledbetter. Tous les isotopes sont stables, jusqu’au dernier.
— Si j’ai bien compris, dit Ardmore en se redressant après avoir terminé son examen, vous avez l’intention de bâtir le temple directement à l’extérieur ?
— Y voyez-vous un inconvénient, major ? Bien entendu, on pourrait fabriquer ici, en bas, des petits panneaux qu’on transporterait ensuite là-haut pour les assembler, mais je suis sûr que ça nous demanderait autant de temps que de construire directement le temple sur place, à l’aide de grands panneaux. Et je ne serais pas sûr de réussir à assembler mon toit s’il était fait de petits éléments. Les panneaux-sandwiches comme ceux-ci sont les structures les plus légères, les plus solides et les plus rigides que nous puissions utiliser. C’est à cause du problème de votre fameux toit sans soutènement qu’on a imaginé ce système.
— Agissez comme bon vous semblera. Je suis sûr que vous savez ce que vous faites.
— Bien entendu, avoua Wilkie, le temple ne sera pas terminé aussi rapidement que ça. Là, vous n’en avez que le squelette. J’ignore combien de temps il faudra pour la décoration.
— La décoration ? fit Graham. Avec un édifice d’une aussi magnifique simplicité, vous n’allez tout de même pas en diminuer la beauté en le décorant ? Le cube est un des volumes les plus purs et les plus beaux.
— Je partage l’avis de Graham, déclara Ardmore. Vous avez là votre temple, tel qu’il devra être. Rien n’est plus imposant qu’un immense bloc aux lignes continues. Quand on a un résultat aussi beau dans sa simplicité, il faut éviter de le bousiller !
— Comme vous voudrez, dit Wilkie en haussant les épaules. Je croyais que vous vouliez quelque chose de sophistiqué…
— Mais c’est ça, la sophistication, répondit Ardmore. Cela dit, Bob, une chose m’intrigue. Remarquez, ça n’est pas une critique – ce serait comme critiquer la Genèse. Mais, dites-moi, pourquoi avez-vous pris le risque de sortir ? Pourquoi n’êtes-vous pas simplement allé dans une des pièces inoccupées ? Vous auriez pu retirer le revêtement du mur et utiliser votre couteau magique pour découper un bout de granit directement au cœur de la montagne, non ?
— Ça ne m’était pas venu à l’idée, répondit Wilkie, abasourdi.