Que j’ai rencontré par la suite alors qu’il avait soixante ans et que je débutais dans le métier littéraire… mais n’anticipons pas.
Notre représentant local du Conseil du Dominion… dans les faits, le maire de la ville.
J’implore la patience du lecteur si je détaille des sujets qui lui semblent déjà bien connus. Je me permets de croire à un public étranger, ou à une postérité pour qui nos dispositions actuelles n’iraient pas de soi.
La nature quelque peu féminine de Julian lui avait valu une réputation de sodomite parmi les autres jeunes Aristos. Qu’ils puissent le croire sans la moindre preuve témoigne de la teneur de leurs pensées, en tant que classe. Mais j’en avais bénéficié de temps à autre. À plus d’une occasion, les connaissances féminines de Julian — des filles raffinées de mon âge, voire davantage — m’ont pris pour le compagnon intime de Julian, au sens physique. Sur la base de quoi elles entreprenaient de remédier à ma déviance, et de la manière la plus directe. Je coopérais avec joie à ces «thérapies», qui se révélaient systématiquement efficaces.
L’illusion était vraiment saisissante avec des Exécutants professionnels, mais leurs écarts de conduite pouvaient être tout aussi stupéfiants. Julian m’a raconté un jour une adaptation cinématographique new-yorkaise du Hamlet de W. Shakespeare dans laquelle l’un était arrivé ivre dans la salle, si bien que le malheureux Danemark avait semblé s’exclamer «Mer d’ennuis — (un juron grossier) — j’ai moi-même des ennuis», tirade accompagnée d’autres obscénités, de nombreux carillonnements inappropriés et coups de sifflet vulgaires, qui avaient duré jusqu’à ce qu’on pût dépêcher une doublure pour le remplacer.
Non un talent venu plein et entier au monde, toutefois. Je n’avais montré ma première nouvelle terminée à Sam Godwin que deux ans auparavant, «Un Garçon Américain: ses Aventures dans l’Europe Ennemie». Sam en avait loué le style et l’ambition tout en soulignant un certain nombre de défauts: les éléphants, par exemple, n’étaient pas originaires de Bruxelles et leur masse leur permettait en général d’éviter de se retrouver cloués au sol en cas de lutte contre des garçons américains; un voyage de Londres à Rome ne pouvait s’accomplir en quelques heures, même sur «un cheval très rapide»… et Sam aurait pu continuer dans cette veine, si je n’avais trouvé une excuse pour quitter les lieux.
«Attrape-le à l’endroit où devrait être son cou, derrière la tête, ne t’occupe pas de la queue même si elle s’agite très fort et tant qu’il résiste, n’arrête pas de lui taper violemment sur le crâne.» J’avais répété ces instructions à Julian, qui avait bien davantage horreur des serpents que moi. «Oh, je ne pourrai jamais le faire!» s’était-il exclamé. Manifestation de pusillanimité qui pourrait surprendre les lecteurs au fait de sa carrière ultérieure.
Ou «cul-de-sac»? Je n’ai que quelques rudiments de français.
Même si l’ancien Miami ou Orlando pourraient commencer à faire l’affaire.
Julian avait un sens exquis du timing, qui lui venait peut-être de ses penchants pour le théâtre.
Autrefois confinées au Sud-Est, les couleuvres des blés s’étaient répandues dans le Nord avec le réchauffement climatique. J’ai lu que certains des Profanes de l’Ancien Temps en gardaient comme animaux domestiques… exemple supplémentaire de la perversité délibérée de nos ancêtres.
Et sans doute guère davantage qu’un trou de souris pour l’Église des Signes, bien que ce codicille ne fût point explicite.
Le Chant de Salomon, illustré en toute franchise, tel était l’un des titres, et il y avait aussi Actes condamnés par le Lévitique, expliqués et décrits, avec des schémas. Ils ne portaient pas l’imprimatur du Dominion.
Il appelait ce liquide très fort du whisky, mais de l’avis des buveurs expérimentés, nombreux dans le wagon, ce devait plutôt être du «Velours de l’Idaho», autrement dit de l’alcool de pommes de terre.
Une affirmation bien trop optimiste, comme on le verra.
Attribué à saint Ambroise par quelques érudits, à Timothy LaHaye par d’autres.
L’un d’eux était de toute évidence tuberculeux tandis que deux autres montraient des signes flagrants de Vérole sur la gorge ou les poignets. Cinq ont été uniquement réformés parce qu’il leur manquait trop de dents ou qu’elles branlaient trop pour servir à quelque chose. On avait déjà vu durant les longues marches mourir de faim des édentés incapables de mordre ou mâcher les biscuits militaires.
Le Serment, même si nous l’avons plus ou moins prêté sous la contrainte, n’allait pas sans signification pour moi. Ces Institutions de Liberté m’impressionnaient et je me sentais coupable d’avoir échappé à la conscription, même si cela avait semblé nécessaire sur le moment. En jurant loyauté, je me suis senti lavé… malgré la poudre insecticide collée à ma fraction mortelle.
Des justifications moins sérieuses ont parfois été citées, dont le débarquement théorique de Vikings sur les côtes orientales d’Amérique du Nord très longtemps auparavant, mais Julian, soucieux de ne pas abuser de la patience de ses auditeurs, se limitait aux arguments les plus pertinents.
Même ce bref récapitulatif historique mettait à l’épreuve les compétences géographiques de ses auditeurs, obligeant Julian à tracer des cartes sommaires dans la terre à la pointe de sa baïonnette.
Décrite dans le roman Les Gars de 60 de M. Charles Curtis Easton.
Coïncidence… du moins d’après les manuels.
Voir Contre les Brésiliens de M. Easton.
President Of The United States.
Maintenant et à jamais (N.d.T.).
Le lecteur sensible et moins endurci n’apprécie peut-être pas de voir un langage aussi brutal textuellement reproduit sur la page innocente. Je m’en excuse, et fonde ma défense sur les terres glacées de la véracité.
Un Officier du Dominion, qui est par définition un officier formé à l’institut du Dominion à Colorado Springs, porte l’uniforme standard d’un fantassin de son grade, mais orné de ganses et de blasons rouge et pourpre, avec épinglées sur la poitrine deux Ailes d’Ange argentées et posé sur la tête le chapeau à large rebord mou qu’on appelait parfois «couronne d’aumônier».
Ponts de chemin de fer mis à part. Mais même l’aérien pont sur chevalets qui traverse la rivière Pine à Connaught aurait pu tenir à l’intérieur de cette cathédrale, en le repliant correctement.
Le canon, a dit Sam, fonctionnait avec des munitions spécifiques très coûteuses, dont les Hollandais gardaient sans doute une réserve pour les combats plus intenses à venir.
Ou plus correctement des «Deutsche», car l’Allemagne est le cœur et le cerveau de Mitteleuropa, et «Deutsche» un autre terme pour désigner la langue allemande. Mais nombre de soldats étrangers au Labrador, comme la plupart des colons étrangers, étaient d’anciens habitants des Pays-Bas, contrée récemment recouverte en grande partie par la mer. [N. d. T.: l’auteur joue ici sur l’intraduisible proximité des termes Dutch, qui signifie «Hollandais», et Deutsche.]
Et Deklan le Conquérant pourrait être particulièrement dangereux, m’étais-je peu auparavant fait la réflexion, s’il était plus redoutable à affronter qu’une légion de Hollandais armés et furieux. La différence, a expliqué Sam, étant que notre incorporation ne durerait qu’environ une année tandis que l’oncle de Julian présenterait une menace jusqu’à la fin de son règne.
M. Easton décrit cette émouvante coutume dans son roman de 2168, Un marin de l’Union en Orient.
J’aurais autrefois pris ce genre de choses pour une des inventions historiques de Julian, sauf que l’Histoire officielle de l’Union y faisait brièvement référence. La guerre dans les airs!… encore un des divertissements inconcevables des Profanes de l’Ancien Temps.
Le dicton parle en réalité de «trous du cul» (N. d. T.).
À l’époque, j’ai pris «Charybde et Scylla» pour des rédacteurs en chef new-yorkais avec qui avait traité Dornwood, ou peut-être pour une maison d’édition. Il s’agit en réalité de deux énormes Rochers Marins de la mythologie grecque, rochers qui avaient l’inhabituelle capacité à se mouvoir d’eux-mêmes et pris la mauvaise habitude d’écraser les marins.
J’ai d’abord été scandalisé en voyant des Montréalaises porter des pantalons au lieu de jupes: à Williams Ford, aucune personne convenable de sexe féminin ne se serait vêtue ainsi après dix ans. Les usages changent toutefois suivant les lieux, comme me l’avait appris Julian, et les vêtements n’ont pas la même signification partout dans le monde. J’avais récemment commencé à tirer fierté de ma capacité à accepter des comportements aussi inhabituels que le port de pantalons par les femmes et je me prenais pour une personne raffinée, très en avance sur mes anciens camarades de la classe bailleresse de Williams Ford.
Des «coureurs de brousse» sont des hommes qui opèrent dans les parties sauvages des Laurentides jusque dans les déserts rocheux du Labrador, en restant aux marges de la loi. Certains forment des troupes de guérilleros qui s’alignent pour un temps sur les Américains ou les Mitteleuropéens, mais ils se consacrent surtout au vol de chevaux et à la contrebande, ainsi qu’au pillage quand l’occasion s’en présente.
À moins qu’elle ne se fût servie d’une expression plus forte, mieux comprise avec les généreuses tolérances du relativisme culturel, et impossible à reproduire ici.
[En français dans le texte, comme tout ce qui figure en italique suivi d’un # (N. d. T.).]
Contrairement à moi, Calyxa parlait un français courant, langue à laquelle elle recourait à l’occasion. Le français a toujours été et reste un mystère pour moi, mais je me suis donné beaucoup de mal pour retranscrire fidèlement les paroles de Calyxa.
C’est, je crois, le nom que lui donnent les Hollandais.
Même si certains soldats ont produit des sculptures à partir de vénérables chevilles, ou utilisé de vieux avant-bras noueux comme crochets sur lesquels ils mettaient à sécher leurs couvertures.
Ou de l’allemand, en l’occurrence, à ce qu’on m’a dit.
Nous avons été obligés d’expulser les mules.
Bien qu’il n’eût aucune expérience de la lecture, Lymon était comme moi d’avis qu’il n’existait sans doute pas plus grand auteur vivant que M. Easton. Il ne pouvait en aucun cas en imaginer de meilleurs. Il trouvait miraculeux qu’on écrivît des livres, surtout des bons, et s’avouait impressionné par la formidable connaissance qu’avait M. Easton des endroits étrangers, des batailles historiques, des pirates et autres sujets intéressants.
Lymon avait tué le temps, durant son séjour à l’hôpital, en se fabriquant un Assommoir… un très beau, constitué d’un œuf de plomb dans un sac de toile de chanvre, tout comme il me l’avait décrit… C’est de cet engin qu’il s’est servi pour priver le garde de ses sens.
Une coutume qui ne peut être décrite en dehors d’un manuel médical; même si, vu ce que m’en a dit Sam, j’ai été très étonné qu’il parlât de chance.
Il leur arrivait d’être emprisonnés pour d’autres raisons, m’a indiqué Julian, mais il a changé de sujet quand j’ai voulu en savoir davantage.
«Passe mon bonjour au Diable quand tu le verras#.»
Je demande pardon au lecteur.
Elle jouait avec ferveur mais hésitation, si bien que Calyxa et moi-même nous dispensions souvent de ces séances. Sam, au contraire, tirait un plaisir extrême de ces représentations et affirmait pouvoir écouter Mme Comstock toute la soirée sans se lasser, ce qui ne l’a pas empêché de sembler reconnaissant quand elle est passée à des compositions plus simples telles que Ladies of Cairo ou Where the Sauquoit Meets the Mohawk.
J’avais pris à cœur les nombreux sermons de Lymon Pugh sur le sujet.
D’après Julian, le domaine du palais exécutif avait autrefois été un grand parc, de surcroît ouvert au public, mais cela avait changé quand le gouvernement fédéral avait quitté Washington.
Quatre, en fait.
Les orphelins étaient un spectacle familier dans les rues de Manhattan, où ils mendiaient des pièces d’ingénieuses et agressives manières. Il ne manquait pas non plus de vétérans estropiés qui leur faisaient concurrence.
Les Automobiles étaient peut-être moins réussies, en tant qu’effet artistique, car elles semblaient bizarrement unidimensionnelles et bringuebalaient de manière peu convaincante durant leurs déplacements, mais la dévouée équipe de Sonorisateurs a compensé cela avec des bruits de moteurs créés par le grommellement d’un baryton dans un tuyau acoustique. La manière dont ces automobiles avaient si longtemps survécu à la Fin du Pétrole n’a pas été expliquée par les cinéastes.
Une promesse seule scelle l’accord/Votre travail est mien tant que je satisfais vos besoins, etc. S’il y eut le moindre marchandage durant la conclusion de ce marché, le film ne l’a pas montré.
Même s’il fallait être idiot pour ne pas comprendre ses grimaces, dont l’acteur sur l’écran usait et abusait.
Ces dames n’ont pas apprécié certains élégants de Broadway eux aussi présents dans la salle et dont on a rapidement fait cesser les cris de «T’as raison!… Reste célibataire, si tu peux!».
Une erreur sur le plan historique, puisque les États du Nord n’avaient pas encore été acquis au moment de la Chute des Villes, mais pardonnable au nom de l’Art et du Patriotisme.
J’avais le sentiment de ne rien avoir à perdre à me montrer honnête… et pas grand-chose à gagner non plus, d’ailleurs.
J’ai d’abord cru que les immigrés égyptiens étaient juifs aussi, puisque les uns comme les autres adoraient dans d’étranges temples, mais Sam m’a expliqué que je me fourvoyais.
Il s’agit bien entendu de Central Park, dont Adam va à présent évoquer diverses parties, certaines n’existant pas encore sous ce nom de nos jours. (N. d. T.)
La Tête et le Bras étaient des fragments du Colosse de la Liberté, nous a dit Julian. D’après la légende, le Colosse se tenait debout, un pied de chaque côté des Narrows, si bien que bateaux et péniches passaient entre ses jambes. Un examen superficiel révèle que l’échelle ne convient pas et que le Colosse n’aurait pu couvrir la distance entre les deux rives du chenal, même en écartant les cuisses à un angle peu flatteur. Cela devait néanmoins avoir été une énorme statue visible à très grande distance… loin de moi l’idée d’en rabaisser la splendeur.
… des aliments, pas des serveurs.
Comme Palumbo l’était devenu depuis longtemps, mais je ne veux pas reprocher à un homme son embonpoint.
Cette citation des Psaumes est authentique, sans quoi elle n’aurait jamais été autorisée dans le Recueil du Dominion pour jeunes personnes.
Calyxa n’avait pas refusé le champagne avec autant de constance que moi.
Les Chinois étaient officiellement neutres dans la guerre au Labrador, doublant de ce fait leur réserve de clients potentiels.
La lumière a attiré des brigades d’insectes volants, qui ne cessaient de s’y enfoncer comme pour se baigner. De nombreuses chauves-souris n’ont pas tardé à arriver aussi, attirées par l’abondance de nourriture. C’était comme si un autre Festin se déroulait dans les airs, à présent notre propre dîner achevé.
Brillant porte-parole de l’idéologie sudiste, défenseur de l’esclavagisme, Calhoun a été vice-président des États-Unis et l’un de ses plus importants sénateurs. (N.d.T.)
Une description plutôt succincte de la situation au Labrador telle que je m’en souvenais.
J’avais tenu à me lier d’amitié avec certains des marins et appris une partie de leur «argot salé», que je pensais pouvoir donner de la vraisemblance aux romans que je prévoyais d’écrire.
«Et Caïn se retira de la présence du Seigneur, et habita dans la terre de Nod, à l’orient d’Éden.» Genèse, 4:16. Aucune mention du lac Melville ou de Goose Bay.
Peut-être cela leur a-t-il pris un peu de temps, car parmi les divers luxes importés par les Hollandais figuraient quelques balles de Chanvre Indien de culture, dont une partie avait commencé à circuler dans les troupes avant que Sam la fît placer sous bonne garde.
Le drapeau de la Campagne de Goose Bay, dessiné par Julian en personne, représentait, devant un fond noir étoilé, une botte rouge sur un globe jaune avec en légende «NOUS AVONS MARCHÉ SUR LA LUNE». La plupart des soldats prenaient l’histoire des Américains sur la Lune pour une fable plutôt que pour un fait historique, mais c’était une vantardise vivifiante, qui laissait comprendre à l’ennemi que nous avions l’habitude de marcher sur des choses et que leur tour pourrait bien être venu.
Toutes mes connaissances stratégiques et tactiques provenaient des récits de guerre de M. Charles Curtis Easton, chez qui chaque attaque est acharnée et audacieuse, et manque échouer, mais finit par réussir grâce à un mélange de chance et d’ingéniosité américaine. De telles circonstances s’obtiennent plus aisément sur la page imprimée que sur le champ de bataille.
Malgré sa cruauté et son Athéisme bien connus, Mitteleuropa inspire à ses sujets une sorte de «patriotisme» qui ressemble presque trait pour trait au vrai.
Et pour cause.
Un talent maîtrisé par tout Eupatridien de la classe de Julian: cela consiste à regarder le monde et le moindre de ses habitants comme si une vague puanteur s’en dégageait.
Dont une reprise avait connu beaucoup de succès à Manhattan durant l’été. Je ne la connais que de réputation.
Ce produit sert aux Hollandais à des fins de signalisation militaire, mais aussi aux effets scéniques.
Si j’étais Lui, je serais peut-être tenté de réprimer Mon pouvoir d’omniscience, en ce qui concernait le Labrador, et de concentrer Mon attention sur des endroits du monde plus chauds et plus verts.
Les Mitteleuropéens savent peut-être comment prononcer ce brise-langue, moi, pas.
Des hostilités qui se poursuivaient depuis des décennies et ne semblaient pas vouloir cesser pour le moment, ce qui affaiblissait quelque peu l’argument.
Aujourd’hui encore, je ne comprends pas comment Julian a pu estimer la position des cerfs-volants à partir de leur altitude apparente sur l’horizon et de la longueur de ligne déroulée. Cela ressemblait à de la magie noire, même si cela se faisait avec des chiffres et non des sorts, des pattes de crapaud ou autres bricoles occultes.
Même s’il possède une machine à écrire, car celle-ci n’est pas commode à transporter dans sa poche.
Si, dans mes dépêches, je n’avais ni nommément condamné Deklan le Conquérant ni même mentionné celui-ci, on pouvait déduire de mes écrits que la campagne du lac Melville avait été mal gérée depuis New York. J’avais consigné quelques commentaires cyniques de Julian dirigés contre «ceux qui donnent des ordres sans d’abord y réfléchir et veulent faire l’histoire sans en avoir jamais lu». Cette pique à l’encontre du Président me semblait émoussée par son peu de compréhensibilité… Peut-être me suis-je trompé.
Et non le 53e, comme beaucoup se l’imaginent. C’est le 52e amendement qui a autorisé la succession dynastique, le 53e a aboli la Cour suprême.
La loi qui empêche les femmes enceintes d’être détenues sur simple soupçon, ou poursuivies en justice pour des crimes avérés, date de l’époque du Fléau de l’Infertilité. Après la Chute des Villes, il a semblé durant de nombreuses années que la population humaine allait passer sous un seuil critique — que notre espèce allait s’éteindre, comme tant d’autres durant l’Efflorescence du Pétrole. Cette menace s’est éloignée, bien entendu — la population s’accroît régulièrement -, mais cette loi, ainsi que toute une série d’autres lois ou coutumes qui protègent la vertu et la fertilité féminines, reste solidement en vigueur.
Sam a froncé des sourcils en entendant cette description, mais a gardé bouche cousue.
C’est la doctrine de base du Dominion, à laquelle doit adhérer toute Église affiliée.
Les regards qu’elle me retournait n’étaient pas toujours aussi chaleureux, tant porter un enfant à terme est une tâche pesante qui peut miner votre bonne humeur.
Plusieurs relations de ce genre ont été publiées, par divers auteurs. Certaines sont plutôt fidèles, d’autres ont reçu l’imprimatur du Dominion.
Nous avions prénommé notre enfant Flaxie en mémoire de ma sœur décédée, mais aussi à cause de sa fine chevelure couleur des blés. Arrivée à son premier anniversaire, Flaxie avait perdu sa toison de bébé et arborait une couronne ébène tout aussi luxuriante et bouclée que celle de sa mère. Nous avons toutefois conservé le nom, malgré la contradiction apparente.
S’il ne la comprend pas pour le moment, il ne tardera pas à le faire. C’est le contrat passé par la Vie avec la Nature et le Temps, contrat auquel nous sommes tous soumis même si aucun de nous n’y a donné son assentiment.
Bien que sincère dans ses devoirs pastoraux, Stepney n’a pas caché qu’il aimerait interpréter le rôle de Charles Darwin le jour où le tournage commencerait enfin. Ambition moins vaniteuse qu’elle en a l’air, car il était bel homme et possédait le talent de prendre de superbes poses et des voix amusantes.
Sur ma suggestion.
À cette époque-là, les Anglais ne voyaient pas d’inconvénient à ce que des cousins se courtisassent ou se mariassent. C’était une coutume aussi admissible pour eux qu’elle l’est pour nos Eupatridiens.
Installées durant le règne du tout premier Comstock, ces cellules avaient servi depuis à chacun des autres, y compris à Julian: depuis sa destitution, son oncle Deklan croupissait dans cette même prison interne.
À la grande déception et indignation de Calyxa.
En juillet 2175, une rébellion parmi les travailleurs sous contrat d’une usine de soie de l’Ohio s’est propagée aux fabriques de rubans et teintureries voisines. Plus de cent hommes ont péri dans le siège qui a suivi.
Pour être honnête, même parfaitement sobres, un grand nombre de ces personnes défiaient toute attente en matière de Comportement Masculin et Féminin. Défaut courant parmi les gens de théâtre, ai-je découvert.
L’ancien Président, pas la Girafe à laquelle on avait donné son nom.
J’ai demandé à Julian si cela parlait de la Fausse Affliction, mais il m’a répondu que non, Le Dernier Rivage avait été tourné presque un siècle avant la Fin du Pétrole. Les événements présentés sous forme dramatique dans ce film devaient avoir été strictement locaux, ou complètement imaginaires.
Une fanfaronnade sans vergogne, mais ainsi fonctionne le monde du spectacle.
Une actrice vocale de Broadway, célèbre pour sa voix argentine et son impressionnant tour de taille.
Jamais je n’aurais pensé
Parvenir à aimer un savant:
Dans les livres toujours plongés,
Ils ne dépensent que très peu d’argent…
Les Girafes ne sont pas à proprement parler originaires d’Amérique du Sud, mais comme nous en avions une, nous nous en sommes servis.
Mais pas pour ravitailler les rebelles parmentiéristes qui s’y cachent dans les grottes… elle a été lavée de ce soupçon.
Sam a émis quelques critiques sur cette œuvre. Il a avancé qu’une Fusée Spatiale enfouie un siècle et demi sous les sables de Floride ne pourrait être remise en état par une simple bande de garçons, même si certains d’entre eux étudiaient les arts mécaniques. Peut-être pas, mais comme ils auraient difficilement pu aller sur la Lune par un autre moyen, j’ai conservé telle quelle cette improbabilité.