Ils l’installèrent à l’hôpital de Calédonie.
Le docteur se montra amical mais ferme. « Vous vous êtes vraiment trouvé en contact avec le Dragon. Je n’ai jamais vu cela auparavant. Tout est si rapide qu’il nous faudra encore longtemps avant de savoir ce qui se passe scientifiquement. Je crois que vous auriez été bon pour l’asile d’aliénés si le contact s’était prolongé quelques dixièmes de millisecondes de plus. Quelle sorte de chat aviez-vous ? »
Lentement, Underhill sentit se former les mots. Des mots qui étaient pénibles à prononcer, comparés à la vitesse et à l’aisance qu’il y avait à communiquer, nettement et clairement, d’un esprit à l’autre. Mais seuls les mots pouvaient toucher les gens ordinaires comme le docteur. Sa bouche s’ouvrit avec peine pour articuler ces mots : « Ne les appelez pas chats. Il faut dire Partenaires. Ils combattent avec nous, en équipe. Vous devez savoir que nous les appelons Partenaires, et non chats. Comment va le mien ? »
— « Je ne sais pas, » dit le docteur d’un air contrit. « Nous allons essayer de nous informer. Pendant ce temps, mon vieux, vous devriez vous reposer. Seul le repos peut vous faire du bien. Réussirez-vous à vous endormir ou voulez-vous un sédatif ? »
— « Je peux dormir, » dit Underhill. « Je veux seulement savoir comment va Dame May. »
L’infirmière s’approcha. Elle était vaguement hostile. « Vous ne voulez pas savoir comment vont vos compagnons ? »
— « Ils vont bien, » dit Underhill. « Je l’ai su avant d’arriver ici. »
Il s’étira, soupira et leur sourit. Il voyait que, maintenant, ils se détendaient et commençaient à le traiter en homme et non plus en patient.
« Je vais très bien, » dit-il. « Dites-moi seulement quand je pourrai voir mon Partenaire. »
Une nouvelle pensée lui vint et il regarda soudain le docteur. « Ils ne l’ont pas renvoyée avec le vaisseau, n’est-ce pas ? »
— « Je vais essayer de le savoir, » dit le docteur. Il fit un geste rassurant et quitta la chambre.
L’infirmière s’approcha avec une serviette et un gobelet de jus de fruit glacé.
Underhill essaya de sourire. Quelque chose le gênait dans cette fille. Il aurait aimé la voir partir. Elle s’était d’abord montrée aimable et, à présent, elle était distante. Quel malheur d’être télépathe, se dit-il. On perçoit des choses même quand on n’est pas en contact.
Elle lui fit face, soudain. « Vous, les Boute-Lumière ! Vous et vos sales chats ! »
Et, comme elle sortait, il sonda l’esprit de l’infirmière. Il s’y vit lui-même, héros resplendissant dans son uniforme de daim, avec la couronne du tableau qui brillait comme un bijou ancien sur son front. Il vit son visage, viril et puissant. Il se vit très loin et découvrit qu’elle le détestait. Elle le détestait dans le secret de son propre esprit. Elle le détestait parce que – pensait-elle – il était orgueilleux, étrange, riche, meilleur et plus beau que les gens de son espèce.
Il rompit le contact avec son esprit et, en enfouissant son visage dans l’oreiller, il vit l’image de Dame May.
« Une chatte, » pensa-t-il. « C’est tout ce qu’elle est… une chatte ! » Mais son esprit ne la voyait pas ainsi. Il la voyait vive et rapide au-delà de tous les rêves de vitesse, intelligente, habile, incroyablement gracieuse et belle, silencieuse et discrète.
Où trouverait-il jamais une femme qu’il pût lui comparer ?