XI UN TRIO Ui: MAKA.MJlîl.XS

Rongemaille épouvanté n'avait pas perdu de temps ; aussitôt sa porte fermée, il s'était jeté dans sa cave, avait g-ag'né un caveau qui n'était séparé d'une cave voisine que par une barrière do planches. Avec une agilité qu'il ne se soupçonnait pas, il escalada la barrière, remonta chez le voisin sans mauvaise rencontre et se trouva de l'autre côté des maisons du parvis, sur le Marché aux Herbes. Toute la population courait du côté où passaient Jehanne et La Hire. Personne en vue. Rongemaille se g-lissa dans un quartier de ruelles sombres et désertes, à peine larges de quelques pieds, circulant derrière des hôtelleries et des maisons du marché. 11 respira un instant. Mais où aller ? A qui demander refuge ? Comme il débouchait sous l'Hôtel-Dieu, il fit un brusque saut

en arrière. Un cortège s'avançait, une civière suivie de deux femmes en larmes. C'était le corps de Bonvarlet que l'on portait chez lui ; Rongemaille se rejeta dans les ruelles, tourna sur lui-même et quelques minutes après se trouva devant la porte du pont. Comme il passait sous une fenêtre ouverte, une main s'allongea et le saisit par l'épaule. Il eut un haut-le-corps de terreur et tenta de reculer, une seconde main lui tomba sur l'autre épaule. Rongemaille allaitse débattre avec rage, mais, se retournant vers ces deux poignes, il poussa un soupir de soulagement. Il avait affaire à des amis.

— Vous! Gauthier Longbec. Vous, Canteleu ! C'est vrai,, je vous oubliais depuis hier... Vous êtes de garde au pont... Vous m'avez fait une belle peur ! fit-il à voix basse. Mais vite, cachez-moi !

— Qu'y a-t-il?

— Nous sommes pris! Cachez-moi vite!

Gauthier Longbec et Canteleu sursautèrent à leur tour.

— Hein? Quoi? Chut!... et les autres?...

— Je vous expliquerai, mais pas ici... allons vers le bas-tillon de l'autre côté du pont.

Vivement les trois hommes s'engagèrent sur le pont, parlant à voix basse.

— Belle idée, gémissait Geoffroy Canteleu, de nous avoir fait entrer dans Compiègne pour prendre service dans les archers de messire de Flavy ! J'avais bien besoin de me souvenir que ma mère était Champenoise. J'aurais dû rester Bourguignon comme mon père.

— Tout est découvert, mais ne désespérons pas, dit rapidement Rongemaille. Vous trouverez bien dans la tour un coin pour me cacher. Menez-moi là-bas comme un bon ami qui vient faire une petite causette.

— Misère ! gémit Longbec, je sens déjà la corde!...

— e suis découvert, mais vous ne l'êtes pas, vous no courez aucun danger immédiat... tranquillisez-vous et tachez de me tirer de là... dans votre propre intérêt! ..

— Vous serez pendu, c'est votre affaire, mais vous avez

répondu de nous

au

gouverneur

hier, et le premier soin de messire de Klavy, vous expédié, sera de nous i'aire passer par la même cérémonie, et, dame, ça nous touche davantage!

— C'est beau-cou]) plus ennuyeux et décourageant, fitCanteleu.

— Encore une fois, faisons tête au danger... tâchons d'exécuter le plan convenu et délivrer une porte à votre capitaine... et le plus vite possible.

— Ou de nous échapper la nuit prochaine... ce serait plus sain...

— Oui, mais si nous pouvons entre-bàiller seulement une porte ou une poterne aux Anglais, nous aurons la récompense, dit Canteleii, et alors plus de périls, Longbec, nous sommes riches...

— Alerte! s'écria Longbec en se retournant, voilà le gouverneur avec une troupe qui arrive ! Glissex-vous là, maître

Misère ! je sens déjà la corde.


Kong-emaille, et filons! Alei^te, Canteleu, ayons l'air joyeux! Mais, barbe du diable! que je voudrais donc encore être avec les camarades, en forêt comme hier! Oui, lapour-suite de ce maudit messager peut nous coûter cher... Entrer dans Com-piègne, nous donner pour de boiis garçons de soudards français échappés aux pattes des Anglais, c'était trop risquer ! Vois-tu, Canteleu, mon idée valait mieux, lâcher la bande du capitaine, attirer l'homme de Compiè-gne, ce Rongemai Ile maudit dans un bon buisson désert et le mettre à rançon... Assez de fatigues et de dangers! Avec ma part de ses écus, je quittais l'épée, je me refaisais tailleur...

— Attention, le gouverBeur... Oh! oh! La Hire, Jehanne...

C'était en effet Flavy qui s'engageait sur le pont avec une troupe de cavaliers. A côté de lui marchaient .[ehanne, en armure complète recouverte d'un surcot cramoisi -déchiqueté en longues bandes, Xaintrailles et La Hire, Pierre d'Arc et une demi-douzaijie de chevaliers.

Les soldats du poste s'étaient rangés après la voiàte de la porte, les deux routiers parmi eux, la vouge au poing. Juste

derrière, Jehan des Torg-noles, qui venait de faire le tour des remparts sans pouvoir joindre Flavy, se tenait appuyé au mur, soutenu, porté presque par ceux qui l'avaient à demi assommé tout à l'heure, devenus maintenant ses meilleurs amis.

— Allons, allons, malpendu, lui criait du ton le plus aimable un ami qui lui avait précédemment poché un œil et presque démis un bras, tu lui parleras tout à l'heure, au gouverneur !

— Puisque tu es si pressé d'obtenir audience, disait un autre, il fallait nous laisser faire... une fois hissé à la potence, il n'aurait pas manqué de te voir et tu aurais pu lui faire à ton aise un discours sur cette canaille de Rongemaille, et sur les traîtres qu'il a introduits en ville... Un peu de patience, on les trouvera et on ne les manquera pas, les gueux!

Longbec ne perdait pas un mot de la conversation, il frémit et donna un coup de coude à son acolyte qui se garda bien de se retourner.

Lougbec douua un coup de coude

L'attaque du camp auglais.

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