« ADAM, où es-tu, toi accoutumé à rencontrer avec joie ma venue, dès que tu la voyais de loin ? Je ne suis pas satisfait de ton absence ici. T’entretiens-tu avec la solitude, là où naguère un devoir empressé te faisait paraître sans être cherché ? Me présenté-je avec moins d’éclat ? Quel changement cause ton absence ? Quel hasard t’arrête ! Viens. »
« Je t’ai entendu dans le jardin, et j’ai eu peur de ta voix parce que j’étais nu : c’est pourquoi je me suis caché. » À quoi le Juge miséricordieux répliqua sans lui faire de reproche :
« Tu as souvent entendu ma voix et tu n’en as pas eu peur, mais elle t’a toujours réjoui : comment est-elle devenue pour toi si terrible ? Tu es nu, qui te l’a dit ? As-tu mangé du fruit de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? »
Le fronton installé à l’entrée du gigantesque camp militaire proclamait : Nouvelle-Jérusalem.
Lorsqu’il avait fallu baptiser la forteresse, quelques voix avaient objecté que donner le nom de la Cité Sainte à un camp militaire – fût-il exceptionnel comme celui-ci – était quelque peu audacieux. Néanmoins l’engouement général pour ce nom avait eu raison des réticences et Pierre l’Ermite avait procédé à une cérémonie solennelle, retransmise sur tous les canaux tachy des médias terrestres.
« Voici votre planning, Lieutenant, dit le capitaine de liaison à Tancrède en lui transmettant les fichiers sur son messageur. Avec ça, vous aurez de quoi vous occuper pendant quelques jours.
— Bien, mon Capitaine », répondit machinalement Tancrède en récupérant le petit rectangle noir que l’officier lui tendait.
La surface mate du messageur brillait d’une douce lumière orange qui pulsait lentement, signalant que les données étaient chargées. Tancrède le pressa deux fois du pouce pour faire cesser le clignotement, et le replaça sur le bracelet qu’il portait au poignet droit. Le rectangle se mit en place de lui-même, se déformant aussitôt afin d’épouser la légère courbure du bras, puis afficha l’heure comme n’importe quelle montre. À l’inverse de la plupart des gens qui se contentaient de le mettre dans une poche, Tancrède avait pris l’habitude de le porter ainsi.
Il fit un bref salut au capitaine qui ne le regardait déjà plus, quitta son bureau pour laisser place au sous-officier suivant, et traversa l’imposant hall du Centre de commandement général vers la sortie du bâtiment. Il se retrouva alors sur une grande esplanade de thermo-béton. Juste en face de lui se dressait le relais de communication dont les antennes, qui frôlaient pour certaines les cent mètres de hauteur, brillaient dans la lumière du soleil matinal.
Plutôt que d’attendre la navette, Tancrède décida de revenir à pied jusqu’à ses quartiers. Un peu de marche ne lui ferait pas de mal. Il se dirigea vers la route de terre qui descendait jusqu’au plateau principal. Le Centre de commandement avait été érigé sur une éminence rocheuse située au centre du camp croisé. Aussi Tancrède avait-il une vue générale sur toute la Nouvelle-Jérusalem et sur la région environnante. C’était un panorama impressionnant, même lorsqu’on l’avait déjà contemplé plusieurs fois.
L’immense camp croisé s’étendait sur un plateau presque circulaire qui s’élevait au-dessus de la plaine par des versants à pic de plus de cent vingt mètres et dont le diamètre atteignait par endroits deux kilomètres et demi. La plaine alentour était uniformément plate, abrasée par des millions d’années de vents acharnés, et les premiers reliefs ne se trouvaient qu’à quarante kilomètres à l’ouest où une petite chaîne de montagnes lançait ses premiers contreforts.
Les dix-huit parties mobiles qui avaient quitté le Saint-Michel s’étaient posées à intervalles réguliers de manière à occuper presque toute la surface du plateau. Comme elles provenaient de parties distinctes du navire principal, leurs tailles et leurs formes, toutes différentes, faisaient immanquablement penser, de loin, à un cimetière de vaisseaux. Toutefois, cette impression était démentie par la ville qui commençait à s’étendre entre elles.
En effet, en trois semaines, des milliers de bâtiments avaient poussé qui, comparés aux mastodontes de métal descendus du Saint-Michel, ressemblaient à des jouets. La plupart étaient des baraquements ou des entrepôts préfabriqués, montés en quelques heures.
Désormais, les troupes s’employaient à viabiliser le site jour après jour en coulant des dizaines de kilomètres de routes, terrassant les collines, stabilisant les parties mobiles, installant sous terre des conduites d’eau ou des piles alvéolaires et préparant les fondations pour les futurs bâtiments en dur.
Pour assurer la défense de la Nouvelle-Jérusalem, une barrière anti-franchissement avait rapidement été installée. Un poteau tous les cent mètres relayait un champ de rayonnement intense, létal pour toute créature vivante qui tenterait de le traverser. Du moins, toute créature connue. C’était, bien entendu, également valable pour les humains. Ensuite, des tours de défense primaire, équipées de canons lourds et de mitrailleuses T-farad, avaient été disposées tous les cinq cents mètres, permettant de couvrir le périmètre immédiat du camp.
À l’ouest, les longs rubans de thermo-béton des pistes de l’aérodrome se détachaient sur la terre beige du plateau, survolés par les intercepteurs qui demeuraient en alerte permanente alors même qu’on achevait à peine leurs installations. Au nord et au sud, se trouvaient deux portes dimensionnées à l’échelle de cette armée hors norme, ouvrant chacune sur une route en pente taillée à coup d’explosifs dans l’épaisseur des à-pics pour donner aux troupes un moyen de descendre dans la plaine. Au pied de ces routes, on avait installé des points de contrôle surprotégés et lourdement armés.
Alors qu’il était à peine à mi-chemin, la navette que Tancrède n’avait pas eu la patience d’attendre le dépassa en trombe. Il ne put réprimer une quinte de toux lorsqu’il fut englouti par le nuage de poussière que tout véhicule qui roulait ici ne manquait pas de soulever. Il avait d’ailleurs fallu instaurer dès les premiers jours des limitations de vitesse afin d’éviter que la ville ne devienne rapidement irrespirable.
Visiblement, ce damné chauffeur n’a pas eu la consigne, songea Tancrède avec agacement.
L’éminence rocheuse de laquelle il descendait était une sorte de plateau sur le plateau. Haute d’une quarantaine de mètres, la surface à son sommet avait été retaillée pour accueillir la partie mobile destinée à devenir le Centre de commandement général de l’armée croisée. En raison de son élévation, on y avait également érigé le relais principal de communications et plus tard, lorsque le camp serait terminé, ce serait là aussi que l’on édifierait la cathédrale. En attendant, les troupes se contentaient des églises en préfabriqué.
Il ne fallut que trente minutes à Tancrède pour rejoindre les baraquements de la 78e unité mixte I/C, situés à l’est de la Nouvelle-Jérusalem, dans les quartiers de l’infanterie. À sept heures du matin, la température était encore supportable et marcher en plein air restait agréable. Après plus d’un an et demi enfermé dans une boîte au beau milieu de l’espace, Tancrède ne perdait jamais une occasion d’être dehors, sans rien d’autre au-dessus de la tête que le ciel rosé d’Akya du Centaure.
Malgré l’heure matinale, le camp était déjà en effervescence. Une noria de transporteurs lourds convoyait des bâtiments préfabriqués ou déchargeaient des tonnes de matériel grâce à leur énorme bras mécanique ; un peu partout, des soldats, reconvertis pour l’occasion en maçons ou manutentionnaires, rivetaient solidement au sol rocailleux des structures de soutènement servant de base aux bâtiments, creusaient des tranchées pour les faisceaux de câbles, coulaient des dalles de béton ou déballaient la quantité astronomique de matériel à rendre opérationnel. À chaque coin de rue, dans chaque bâtiment, des plaques publiques diffusaient les programmes de l’Intra dédiés uniquement, depuis le débarquement, à l’avancement des travaux d’installation de la Nouvelle-Jérusalem.
L’unité de Tancrède, comme toutes les autres, avait eu la charge de monter ses propres quartiers. Fourni par la hiérarchie, le plan de travail prévoyait tout jusque dans le moindre détail et ils n’eurent pas besoin de faire appel à l’un des multiples ingénieurs qui parcouraient le site pour aider ceux qui se perdaient dans les épaisses documentations techniques. Durant les premiers jours d’installation, il régna sur le plateau une agitation extrême que ne tempérait guère le vacarme incessant des intercepteurs H6 volant à basse altitude afin de décourager une éventuelle attaque surprise.
Tancrède s’était d’ailleurs fait la réflexion que les Atas avaient été bien mal avisés de ne pas lancer une offensive à ce moment-là ; désormais quasiment achevé, le gigantesque camp militaire était inexpugnable.
Lorsqu’il arriva devant le bâtiment qui abritait son unité au complet – ainsi qu’une autre, cent quarante soldats au total – tous les hommes stationnaient dehors, à l’ombre de grandes bâches tendues entre des poteaux, alignés devant des tables constituées de simples planches posées sur des tréteaux. Devant eux reposaient leurs fusils T-farad en pièces détachées. Tancrède sourit en comprenant que le major Hutbert, qui n’aimait pas voir les hommes désœuvrés, leur faisait à nouveau démonter, nettoyer et remonter leurs armes, en attendant que leur officier revienne avec ses ordres.
Depuis bientôt un mois que l’armée croisée était là, pas un combat n’avait eu lieu. Aucun contact avec l’ennemi. Pas un Atamide n’avait été ne serait-ce qu’aperçu. S’agissait-il d’une ruse ou d’un aveu de faiblesse ? Nul ne le savait, et chacun y allait de sa petite hypothèse.
Seules des unités d’éclaireurs avaient fait des incursions dans la plaine, fouillant les chaos rocheux et explorant les failles profondes, sans jamais y découvrir la moindre trace d’un Ata. Les intercepteurs avaient effectué plusieurs survols des chaînes de montagnes proches, sans résultat. Néanmoins, les observations satellites montraient une activité importante dans les grandes villes au nord et au nord-est, à plusieurs centaines de kilomètres. Certains estimaient que c’était le signe d’un exode des populations civiles, effrayées par l’arrivée des Croisés, sans toutefois qu’on en ait de preuve formelle.
De l’avis général, les Atamides pouvaient fuir et se cacher où ça leur chantait, un jour ou l’autre ils devraient affronter les humains.
En attendant, l’état-major avait décidé que ce répit avant le début de l’offensive devait être mis à profit pour installer et fortifier la Nouvelle-Jérusalem. Les troupes étaient donc intégralement réquisitionnées pour la construction des infrastructures. Avec une main-d’œuvre en telle abondance, la ville sortait de terre à une vitesse record. Par contre, ces hommes étaient des soldats, non des ouvriers, et leur envie d’en découdre avec l’ennemi était de plus en plus difficile à contenir.
« Lieutenant de retour, cria Hutbert dès qu’il vit Tancrède, garde à vous ! »
Tous les hommes s’exécutèrent au quart de tour, trop heureux de voir la corvée de démontage s’achever.
« Repos, lança Tancrède en se retenant de sourire à leurs mines soulagées. Voici nos ordres pour les jours à venir ! »
Il activa l’affichage volumétrique de son messageur en effleurant de trois quarts de tour successifs la surface noire, et un tableau luminescent s’afficha au-dessus de son poignet. Il lut :
« Cet après-midi, nous irons à l’atelier 4 aider à déployer le chargement transféré hier du Saint-Michel ; demain, on aura besoin de nous à l’hôpital nord sur le chantier de l’aile B ; et les deux jours suivants, nous donnerons un coup de main à l’équipe de la tour de défense primaire 94, près de la porte sud. Il semble qu’ils aient des problèmes de stabilité du terrain et un nouveau terrassement s’impose. »
Un brouhaha désapprobateur accueillit la nouvelle. Un terrassement pendant deux jours, en plein soleil et au bord de la pente abrupte du plateau, cela n’avait rien d’une partie de plaisir.
« Rassurez-vous, reprit Tancrède, on aura le droit d’utiliser les Weiner-Nikov, cette fois. »
Travailler en exosquelette de guerre signifiait moins de fatigue et surtout, la climatisation. En principe, leur utilisation pour de simples travaux était prohibée, toutefois, pour les tâches vraiment harassantes, les autorités délivraient parfois des autorisations temporaires.
« Mon Lieutenant, intervint Liétaud, vous ne nous avez pas dit ce qu’on devait faire ce matin. »
Liétaud ne perdait jamais le fil.
« Il n’y a rien sur mon planning, répondit innocemment Tancrède. Vous n’avez tout simplement rien à faire ce matin. »
Ce fut comme s’il venait de leur annoncer leur mise aux arrêts. Les visages se décomposèrent et des regards nerveux se tournèrent vers le major. Celui-ci, sourire carnassier aux lèvres et sourcils froncés, se tenait les mains croisées dans le dos et campé sur ses jambes.
« Alors comme ça, mes gaillards, on n’a rien à faire de ses dix doigts ce matin », dit-il presque sans desserrer les dents.
À cet instant, Tancrède aurait juré que ses hommes auraient préféré tomber nez à nez avec une horde d’Atamides déchaînés plutôt que passer la matinée avec leur major.
« Puisque vous allez vous la couler douce à bosser deux jours bien au frais dans vos exos, enchaîna-t-il d’une voix forte, on va aller les chercher au dépôt pour vérifier qu’ils sont impeccables jusqu’à la dernière plaque de semtac ! Je vous garantis que vous ne verrez pas la matinée passer ! »
Des protestations outragées fusèrent, mais Hutbert les fit taire avec tout le savoir-faire du major expérimenté qu’il était. Tancrède avait songé un moment à lui demander de leur lâcher un peu la bride, puis s’était ravisé. La pression que le major mettait sur les hommes était le meilleur moyen de leur faire penser à autre chose qu’à cette interminable attente des combats.
Cette connivence n’avait pas échappé à Liétaud qui s’approcha de Tancrède :
« Cela t’amuse, n’est-ce pas ? Tu trouves ça hilarant de nous laisser aux prises avec ce fou furieux.
— Allons, mon ami, répondit Tancrède en riant, ne te fâche pas. Je vais partager moi aussi votre calvaire. Après tout, une petite révision ne fera pas de mal à mon WN !
— Ouais, maugréa le Flamand. Vous êtes des pervers tous les deux, voilà tout. »
Soudain, une voix puissante résonna dans les haut parleurs de la Nouvelle-Jérusalem, une voix que tous connaissaient parfaitement : celle de Pierre l’Ermite. Tous les hommes, sans exception, s’interrompirent pour écouter le guide spirituel de la croisade.
« Milites Christi ! Votre attention, s’il vous plaît. Je tiens à tous vous féliciter solennellement pour le magnifique travail que vous avez accompli depuis notre arrivée sur cette planète hostile. »
Avant de reprendre, il laissa passer quelques secondes durant lesquelles pas un son ne se fit entendre dans tout le camp croisé. C’était la première fois en trois semaines qu’un tel silence parvenait à s’imposer.
« Bravant des conditions climatiques éprouvantes, vous n’avez pas épargné votre peine pour ériger cette magnifique cité, aujourd’hui pratiquement achevée. Aussi, Sa Sainteté le pape Urbain IX a-t-il souhaité vous remercier et vous encourager en bénissant dès aujourd’hui la Nouvelle-Jérusalem. Je dirigerai donc ce matin un office spécial au promontoire du Centre de commandement général où l’image du Saint-Père sera holo-projetée afin que tous puissent profiter de son oraison. En conséquence, tous les ordres concernant les activités de la matinée sont annulés et les troupes sont invitées à se rendre au pied du promontoire à dix heures, sauf si leur présence ailleurs est requise. Dieu soit avec vous. »
Dès la fin de l’allocution, les soldats de la 78e sautèrent de joie. Impossible, même pour un major comme Hutbert, d’ignorer une consigne de Pierre l’Ermite. Donc pas de démontage/remontage des WN ce matin.
« Ah, ah ! Ça te la coupe, non ? s’exclama Liétaud en donnant une bourrade à Tancrède.
— D’accord, j’ai perdu sur ce coup-là, admit le sous-lieutenant avec un clin d’œil. Mais vous ne perdez rien pour attendre. Il n’y aura pas de bénédiction du pape tous les matins ! »
Tancrède se demandait pourquoi cette cérémonie, prévue la semaine suivante, venait d’être avancée dans une apparente improvisation. Peut-être avait-on jugé en haut lieu que cela remonterait un peu le moral des troupes ? D’ailleurs, à voir l’excitation générale, l’objectif avait été atteint.
Le major émit un puissant sifflement afin de ramener un peu de calme dans la 78e.
« Très bien, les gars, vous échappez à la vérification des exos ! Mais avant d’aller faire les marioles au pied du QG, vous devrez quand même me remonter ces fusils et les ramener à l’armurerie ! Exécution ! »
Quarante-cinq minutes plus tard, toute l’unité se dirigeait au pas libre vers le pic rocheux du Centre de commandement. Bien que l’endroit n’eût pas de nom officiel, les hommes l’appelaient entre eux « la Tour de contrôle » en raison de sa forme et surtout parce que, le moment venu, l’état-major de l’armée croisée y dirigerait les combats.
Comme leurs quartiers n’étaient pas situés très loin, Tancrède avait jugé préférable d’y envoyer la troupe à pied plutôt que de tenter d’utiliser une navette. Tout le monde allait vouloir les emprunter au même moment.
Resté à l’arrière de la colonne pour fermer la marche, il observait Liétaud et Engilbert qui cheminaient côte à côte, au milieu. Depuis le séjour de Liétaud à l’hôpital, les deux frères étaient en froid et Tancrède n’ignorait pas qu’il en était en partie responsable. Pourtant, il avait fait tout son possible pour convaincre Liétaud d’oublier ses griefs et de reprendre des relations normales avec Engilbert. Après cela, si le jeune Flamand continuait à en vouloir à son frère, il ne pouvait rien faire de plus. Il avait toujours refusé de lui raconter ce qu’Engilbert lui avait dit à sa sortie du Central-Charité qui l’avait mis à ce point en colère. Au moins, cette fois, Liétaud s’était-il efforcé de se mettre à côté de son frère.
Lorsqu’ils arrivèrent en vue de la Tour de contrôle, la foule était déjà impressionnante. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes se massaient au pied du promontoire, situé une quarantaine de mètres plus haut, tandis qu’il en arrivait encore et encore de toutes parts. Des officiers, juchés sur des nacelles en suspension comme celles des dômes d’entraînement, s’époumonaient en tentant de donner un semblant d’organisation à cette marée humaine.
La place disponible au pied du promontoire était largement suffisante pour accueillir toute l’armée croisée. Toutefois, Tancrède songea qu’Urbain IX serait bien inspiré de ne pas attendre davantage pour son oraison. La chaleur était déjà pénible, mais ce n’était rien en comparaison de ce qu’elle serait à midi. À cette heure-là, nul ne pourrait rester plus d’une vingtaine de minutes en plein soleil sans défaillir.
Liétaud s’approcha de Tancrède en lui désignant des soldats du doigt.
« Regarde un peu par-là, ce ne serait pas des gardes de tours primaires ? »
Tancrède remarqua en effet des hommes en armure de combat légère avec des épaulettes violettes et orange.
« Tu as raison, bon sang, répondit Tancrède avec une moue désapprobatrice. Un discours du pape, c’était trop tentant, il doit y avoir un paquet de soldats qui ont quitté leur poste alors qu’ils n’auraient pas dû. Je vais aller leur dire deux mots à ceux-là. »
Liétaud lui posa une main sur…