François Baranger Dominium Mundi Livre I

« Ô Zarathoustra, dirent alors les animaux, pour ceux qui pensent comme nous, ce sont les choses elles-mêmes qui dansent : tout vient et se tend la main, et rit, et s’enfuit – et revient.

Tout va, tout revient, la roue de l’existence tourne éternellement. Tout meurt, tout refleurit, le cycle de l’existence se poursuit éternellement.

Tout se brise, tout s’assemble à nouveau ; éternellement se bâtit la même maison de l’être. Tout se sépare, tout se salue de nouveau ; l’anneau de l’existence se reste éternellement fidèle à lui-même. »

Also sprach Zarathustra, Friedrich Nietzsche (1883).

PROLOGUE

Je ne saurais dire qui, de l’homme ou de la bête, mérite le mieux son nom.

Je serais tenté de répondre : aucun des deux. Je ne vois guère plus d’humanité chez le premier que de bestialité chez le second. Même en cherchant bien.

La seule vraie question, la seule qui vaille vraiment la peine de s’interroger, tient en peu de mots : existe-t-il quelque chose d’autre ? Un stade supérieur de conscience, un être idéal, je ne sais pas moi, je me contenterais même d’un foutu ange si j’en avais un en face de moi pour de bon.

Franchement, je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit d’autre, et surtout, de mieux. Il faudra faire avec ce qu’on a.

Tout ce que j’ai eu l’occasion de voir dans ma courte vie, d’un côté comme de l’autre, ce sont des coureurs de fond engagés dans le plus long des marathons que l’ironie des Dieux ait créés : la survie. De minables petites créatures accrochées à leur petit globe rocheux tourbillonnant stupidement dans une galaxie inerte parmi des millions d’autres globes rocheux. On en flanquerait quelques-uns à la poubelle que personne ne s’en rendrait compte.

L’homme ou la bête, finalement, cela n’a pas la moindre importance.

Ce soir-là, assis près du feu, les jambes croisées en tailleur sur un tapis m’isolant du sable qui perdait rapidement de la chaleur accumulée au cours de la journée, j’observais les visages de mes compagnons d’infortune, installés en cercle autour du foyer. Bien que les paroles échangées fussent rares, la communication était bien plus intense, bien plus réelle, que toutes les discussions creuses et imbéciles que j’avais pu avoir au long de ma vie avec la plupart de mes congénères.

Les visages de chacun proclamaient les différences physiques, mais pour moi, ce soir-là, il n’y avait plus que des ressemblances. Tous portaient les mêmes marques de la vie, les mêmes stigmates de la fatigue ou de la vieillesse, et surtout, tous avaient cette même lassitude dans le regard. La lassitude du grand marathon absurde, de la grande course frénétique et vaine.

Survie à la con.

Tandis que le feu diminuait lentement et qu’approchait le moment de rentrer sous la tente, je me laissai aller en arrière et m’allongeai sur le dos, forçant un peu des reins afin d’aplanir le sable à travers l’épais tapis. Je m’oubliai ensuite pendant quelques minutes dans la contemplation des étoiles, en efforçant de relier les astres en pensée, imaginant de nouvelles constellations à ce ciel inconnu.

PREMIÈRE PARTIE

I

Clermont, France
9 mai 2204 (Temps Constant)
H – 28 h 31

« Je vais chercher d’autres bières. »

Joignant le geste à la parole, Liétaud Tournai se leva et entreprit de traverser le bar bondé, bousculant un peu quelques personnes au passage, afin de parvenir jusqu’au patron qui encaissait l’argent des soldats à l’abri de son zinc bon marché. Il se fit servir quatre pintes du liquide jaunâtre qu’on vendait ici sous le nom de bière et se retourna en s’apprêtant à faire le chemin en sens inverse. Avec deux pintes dans chaque main, c’était une autre paire de manches. Mais Liétaud, d’un gabarit impressionnant, même pour un soldat flamand, vit la plupart des clients s’écarter spontanément pour le laisser passer. Malgré quelques gouttes de liquide renversées sur les épaules de soldats échauffés, il réussit à revenir à la petite table bancale où il patientait depuis six heures du matin en compagnie de son frère, Engilbert, et de deux gars rencontrés peu avant.

Tous deux la mâchoire carrée, les yeux gris-bleu et le cheveu tirant sur le roux, Liétaud et Engilbert se ressemblaient assez pour que leur lien de parenté soit évident. Néanmoins, Engilbert était plutôt longiligne et possédait des proportions à peine plus importantes que la moyenne alors que Liétaud dépassait les deux mètres et les cent kilos. En dépit de ces mensurations respectables, la jeunesse de son visage et son expression détendue contribuaient à le rendre sympathique et avenant.

La taverne sur laquelle ils avaient jeté leur dévolu ressemblait à tous les autres bouges qui avaient poussé comme des champignons aux entrées du port spatial depuis sa construction : petite et bourrée à craquer. S’ils avaient réussi à y trouver des places assises, ils ne le devaient qu’à la chance d’avoir été convoqués très tôt le matin, bien avant le gros des troupes. En prime, ils disposaient d’une vue spectaculaire sur les docks d’embarquement, enchevêtrement vertical insensé de béton et de métal, envahi par des centaines de milliers de soldats attendant leur départ. Tous étaient d’une humeur massacrante, principalement à cause du chaos sensoriel dans lequel ils étaient plongés depuis des heures : un maelström de bruit et d’odeurs où le vacarme de la foule noyait les annonces générales grésillées sur les haut-parleurs perdus dans les hauteurs, où des relents d’huile brûlée pénétraient jusque dans les gargotes bondées pour accoucher d’un mélange contre nature avec les odeurs de repas froids. Et, comme si le deus ex machina qui réglait ce spectacle abscons trouvait qu’il manquait une touche finale, des dizaines de transports de troupes décollaient et atterrissaient en permanence, malgré le danger qu’induisait la trop grande proximité de tant de navettes au milieu de la forêt de poutres et de piliers du port militaire spatial Nahor.

Lorsque deux ans auparavant il avait fallu désigner l’endroit destiné à recevoir le futur port de transit pré-orbital, le site d’Erquery près de la mythique ville de Clermont était apparu presque comme une évidence aux concepteurs, tant d’un point de vue géographique que symbolique. La proximité de Clermont était ressentie par tous comme un heureux présage pour le départ de cette campagne militaire.

Achevé en moins de vingt mois dans l’élan d’enthousiasme qui avait suivi la proclamation de la croisade, l’imposant bâtiment dominait maintenant de sa silhouette en trapèze la cime des arbres couvrant les collines alentour, rappelant par la rigueur de sa forme la destination militaire des lieux.

Une noria de transporteurs accomplissant des allers-retours jusqu’à l’orbite basse entourait son sommet comme un essaim d’abeilles excitées tandis qu’à l’intérieur, le brouhaha assourdissant augmentait la confusion que produisaient déjà les bousculades dans les files d’attente, les vibrations dues aux décollages et les odeurs capiteuses de carburant. Des dizaines de niveaux se chevauchaient anarchiquement sur d’immenses colonnades de béton, striées de passerelles suspendues au-dessus du vide. L’ensemble finissait immanquablement par donner le vertige.

Les régiments mobilisés avaient reçu leurs ordres de départ en décalage afin de répartir le flux de personnel à transporter, mais même ainsi, la concentration humaine atteignait à Nahor un degré qui inquiétait passablement les responsables du transfert. La totalité des hommes devait être envoyée dans l’espace en une semaine, et nul ne savait si ce délai serait respecté. En voyant le délire escherien que représentait ce spectacle stupéfiant, toute personne raisonnable aurait répondu que non.

Pourtant, il le fut.

Lorsque Liétaud Tournai rejoignit la table et y déposa les pintes d’un geste expert, il y avait maintenant déjà sept heures qu’ils patientaient tant bien que mal en espérant entendre l’appel de leur unité et ils avaient épuisé à peu près tous les sujets de conversation avec leurs deux compagnons.

« Merci soldat, mais si je bois encore une gorgée de ce truc-là, je pense que ça va me percer l’estomac ! » s’exclama Olinde, l’un des deux hommes qu’ils avaient croisés en arrivant à l’aube.

Au vu de leurs brassards, ils avaient compris qu’ils devaient rejoindre la même unité et avaient décidé de tuer le temps ensemble.

« Tu permets ? dit son camarade dont le nom, Dudon, était inscrit sur son uniforme, au niveau du cœur. Moi, je suis moins difficile et surtout, je ne sais pas quand j’en boirai à nouveau.

— Ne t’en fais pas pour ça, tu en auras à bord. Ils ne vont pas nous laisser mourir de soif pendant un an et demi.

— À bord oui, intervint Liétaud en finissant de déglutir bruyamment, mais sur Akya, ce sera une autre histoire.

— Bah, ils doivent bien avoir un équivalent du houblon sur cette foutue planète ! »

Derrière eux, comme pour rendre encore moins supportable le niveau sonore général, une plaque diffusait les dernières nouvelles de la chrétienté tout en égrenant un compte à rebours rouge sur un insert permanent en bas de l’image : H – 28 h 17.

« … a condamné officiellement cette nouvelle offensive des rebelles de Pemba contre la base papale de Nacala qui aurait fait trente-cinq morts dans le camp des rebelles et douze blessés parmi les soldats réguliers. Économie : l’ambassadeur de l’empereur germanique est arrivé aujourd’hui à Florence où il est attendu par l’évêque Di Finocchiaro pour discuter de la question des redevances agricoles. Il devrait ensuite se rendre au Vatican où… »

Engilbert, qui avait laissé vagabonder ses pensées les yeux fixés sur l’écran, revint à la réalité tandis que son frère lui tendait une pinte avec insistance.

« Merci », dit-il en prenant machinalement la bière.

Même s’il partageait certains traits physiques avec Liétaud, Engilbert Tournai était presque l’inverse de son frère. D’un tempérament calme, mesuré en toutes circonstances, sa rigueur morale passait parfois pour de l’austérité. Coupés en une brosse uniforme, ses cheveux sombres traçaient une ligne parallèle à ses sourcils, drus et sévères, accentuant cet air réprobateur qu’il affichait souvent. Toutefois, derrière cette apparence de rigoriste, Liétaud savait qu’il y avait un être chaleureux, ouvert sur les autres. Et surtout, c’était son grand frère.

« … et même le doyen de notre caserne, le vieux Victorien, soixante-seize ans au compteur, a essayé de se faire incorporer, racontait Olinde. C’est dingue la quantité de gars qui se sont présentés à cette campagne. Je crois que dans tout notre régiment, seuls deux types ne se sont pas portés volontaires…

— Tu parles des Espagnols ? coupa Dudon en poussant son voisin du coude. Deux quasi-truands fraîchement enrôlés qui venaient d’envoyer à l’hosto plusieurs jeunes recrues. Résultat, ils croupissaient à l’ombre au moment où on pointait tous pour l’embauche. C’est sûr qu’ils ne risquaient pas de se porter volontaires ! »

Il partit alors d’un grand rire et l’autre leva les yeux au ciel. Liétaud avait déjà remarqué la propension du jeune homme à plaisanter à tout bout de champ, ainsi que la faible capacité de son ami à le supporter.

« Ils ont quand même refusé quatre-vingt-douze bonshommes chez nous, reprit l’autre sans relever. Fallait voir la tronche qu’ils tiraient, les pauvres gars qui restaient à la caserne ! Je suis sûr que certains ont pensé à éliminer discrètement quelques-uns de leurs camarades pour prendre leurs places. Franchement, ils auront vraiment eu l’embarras du choix sur cette campagne.

— Moi, asséna Liétaud avec un sourire carnassier, si le sergent recruteur m’avait dit non, je pense que je lui aurais fait un collier avec ses tripes… et je pense aussi qu’il le savait ! »

Olinde sourit, tout en se demandant si le géant qu’il avait en face de lui plaisantait vraiment.

« Faut avouer que des occasions comme ça, on en rencontre qu’une fois dans une vie, admit-il.

— D’accord avec toi ! reprit Dudon. Je ne sais pas à quand remontent les anciennes croisades, mais ce qui est certain, c’est que ça ne se représentera pas de sitôt !

— Tu ne veux pas la fermer un peu plutôt que de caqueter pour ne rien dire ? s’exclama Olinde. Pire qu’une bonne femme ! »

Liétaud se fit la réflexion que, sous leur apparence de types qui ne se supportent pas, ces deux-là devaient être de vieux amis.

« Onze siècles. »

Cela faisait un moment qu’Engilbert n’avait plus dit un mot et lorsqu’il répondit à la sortie de Dudon, ils tournèrent tous la tête vers lui.

« La première croisade a été prêchée non loin d’ici, il y a plus de onze siècles. »

Impressionné, Olinde lâcha un petit sifflement d’admiration.

Soudain, quelqu’un monta le son de la plaque pour mieux entendre un reportage sur le départ des contingents. Depuis que les embarquements avaient commencé, les sujets sur la croisade étaient devenus opportunément nombreux parmi les nouvelles quotidiennes. Celui-ci montrait un vaisseau spatial en orbite basse autour de la Terre. Les images n’étaient pas très précises, mais un observateur attentif pouvait remarquer les dizaines de points minuscules se déplaçant lentement autour du navire et comprendre qu’il s’agissait là des navettes de transit. Cela donnait une idée des dimensions du bâtiment.

« … a été construit en cinq ans seulement, dont deux pour sa reconversion militaire et son armement ; et il aura mobilisé plus de quatre-vingt mille ouvriers spécialisés. L’appareillage aura lieu demain avec environ un million d’hommes et de femmes à son bord pour un voyage de 4,36 années-lumière vers Akya du Centaure, seconde planète de la principale étoile du système Alpha du Centaure. Cette distance incroyable sera parcourue en seulement un an et demi grâce à la technologie mise au point pour le Vatican lors de la première mission d’évangélisation lancée en 2199.

C’est lors de cette mission pacifique que les indigènes avaient atrocement massacré nos bons missionnaires, déclenchant ainsi l’ire de toute la chrétienté. Ces sauvages n’avaient visiblement pas réalisé que la race humaine ne leur avait envoyé des prêtres que par bonté d’âme, et qu’une fois ceux-ci lâchement assassinés, ils feraient ensuite connaissance avec les légions croisées. C’est dans cet objectif que le Saint-Michel, navire de guerre papal de classe Septentrion, a été armé, faisant de cet immense bâtiment le fer de lance de… »

Liétaud se frappa les cuisses de ses paumes.

« Bon Dieu, qu’il me tarde d’être à bord ! s’écria-t-il. Cette attente me tue ! »

Engilbert le foudroya du regard : « Ne jure pas, je te l’ai déjà dit cent fois.

— Oui, grand frère, répondit Liétaud machinalement.

— Quand même, grogna Dudon, un an et demi de voyage aller, ça m’a fait réfléchir avant de signer. Pas vous ?

— Mais non, tempéra Olinde, tu n’as qu’à te dire que ça ne fait que dix-huit mois, c’est moins impressionnant. Et puis, ce ne sont pas les distractions qui vont manquer à bord. Je te rappelle qu’à l’origine ce devait être un vaisseau civil : tu te doutes bien qu’ils avaient prévu de quoi s’occuper un minimum pendant le voyage.

— De toute façon, reprit Liétaud, avec les entraînements spécifiques, crois-moi que tu n’auras pas le temps de t’ennuyer. De plus, sur les dix-huit mois, nous en passerons dix en sommeil froid. Donc, au final, ça ne fera que huit mois.

— Le terme exact est sommeil stasique, pas sommeil froid, ne put s’empêcher de corriger Engilbert.

— Oui, je suis d’accord, répondit Dudon à Liétaud sans prêter attention à la remarque d’Engilbert. Mais je pensais aussi à ma femme et à mes filles en disant ça. Même en admettant que la campagne se passe vite et bien, en comptant l’aller et le retour, on n’est pas revenus avant plus de trois ans… Ça fait une paie !

— Non, soldat, c’est encore pire que ça ! intervint à nouveau Engilbert. Tu oublies un détail : la relativité. À la vitesse que nous atteindrons, le temps s’écoulera moins vite pour nous que sur Terre. Donc lorsque tu les reverras, plus de cinq ans auront passé sur Terre…

— … et ta jeune femme sera alors plus vieille que toi, ajouta Olinde, saisissant l’occasion de railler à son tour.

— Hé, les gars, coupa Liétaud en reposant sa pinte bruyamment, vous voulez nous saper le moral ou quoi ? On est tous logés à la même enseigne, on ne nous a jamais caché la durée. »

Puis voyant l’expression renfrognée de ses compagnons de table, il ajouta :

« Moi je vous dis qu’on ne verra même pas le temps passer. Et quand nous reviendrons, nous serons des héros. À nous la belle vie !

— Oui, enfin ne t’emballe pas trop vite. On n’est pas encore revenus.

— Mais quelle bande de pisse-froid. »

Engilbert regarda pensivement son jeune frère tandis qu’il finissait sa bière d’une traite. À vingt-neuf ans, il semblait presque toujours aussi juvénile qu’à dix-neuf, malgré sa stature impressionnante et quelques cicatrices. Aujourd’hui encore, Engilbert ne parvenait pas à le considérer comme un adulte responsable et il savait qu’il avait tendance à trop lui faire la morale. Le petit garçon avait pourtant cédé la place depuis longtemps à un soldat réputé dont la bravoure sur les champs de bataille n’était plus à démontrer.

« Savez-vous de quoi sera composée notre unité ? » demanda Olinde aux deux frères.

Liétaud répondit pensivement en faisant glisser son doigt sur le rebord de sa pinte comme s’il s’agissait d’un verre en cristal dont il espérait tirer une note : « Non, à l’heure qu’il est, il est trop tôt pour le dire. Ce sera probablement un mélange entre cavalerie-méca et infanterie, mais comme ils ont cassé les troupes féodales, on ne peut pas savoir à l’avance où et avec qui on va tomber. »

Olinde hocha la tête pour signifier qu’il était parvenu à la même conclusion.

« Tout ce que j’espère, ajouta Liétaud avec un air gaillard, c’est que notre futur chef d’unité sera un castagneur !

— Il n’y a vraiment que ça qui t’intéresse, le sermonna son frère.

— En tout cas, reprit Olinde, je trouve ça stupide d’avoir ainsi brisé les troupes. Lorsque les hommes sont commandés par leurs seigneurs en personne, ils sont plus motivés et plus efficaces.

— Tu as raison », acquiesça Engilbert.

Il savait qu’on lui reprochait souvent de prendre ses interlocuteurs de haut, aussi essaya-t-il de ne pas se montrer trop doctoral.

« En fait, je pense que le Vatican a craint que les trop grandes disparités entre les armées des seigneurs ne fragilisent le subtil équilibre des influences nécessaire au bon déroulement d’une campagne telle que celle-ci. »

Olinde, bouche bée, regarda Liétaud qui soulevait un sourcil comme s’il essayait de décrypter la réponse de son frère, puis le vit s’écrouler en ronflant bruyamment, la tête sur l’épaule d’Engilbert. Dudon pouffa et Engilbert secoua la tête en se demandant pourquoi Dieu avait décidé de l’éprouver en lui envoyant un frère aussi idiot.

« Je comprends cette explication, fit Olinde. Cependant, nous savons tous que certains barons ont obtenu du pape des passe-droits leur permettant de conserver l’essentiel de leurs troupes sous leur propre commandement… »

À ce moment, une annonce générale résonna dans tout le port, prononcée par une voix féminine désincarnée : Régiment MI396, unités 70 à 79, embarquement immédiat au dock 708.

« C’est nous ça ! » s’exclama Dudon.

Liétaud fut debout en un clin d’œil.

« Enfin ! »

Les quatre hommes quittèrent la taverne puis se hâtèrent vers le quai désigné. Chargés de lourds paquetages, ils transpiraient abondamment en montant les volées de marches successives dans cette atmosphère surchauffée par la foule. Les soldats qui patientaient en encombrant les passerelles et les escaliers s’écartaient en maugréant à leur passage. Liétaud continuait…

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